Journée internationale des droits humains : Le mot de la directrice générale
10 décembre - Journée internationale des droits humains
Résister, perturber, transformer
En cette fin d’année, le temps est aux bilans. Pour Amnistie internationale, la Journée internationale des droits humains, le 10 décembre, est le moment tout indiqué. Malgré le contexte de profonde instabilité mondiale , lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, nous pouvons constater que nous avons fait des gains, réalisé des avancées significatives. Grâce à la mobilisation de millions de personnes.
Crise climatique, pratiques autoritaires et antidroits, désinformation, perturbations liées aux technologies et à l’intelligence artificielle, inégalités économiques croissantes, discours déshumanisant envers les personnes migrantes : c’est le monde dans lequel nous nous réveillons chaque matin. Un contexte délétère amplifié par l’élection de la deuxième administration Trump, le génocide perpétré par Israël à Gaza, et l’agression de l’Ukraine par la Russie. Et nous voilà maintenant dans une course à l’armement, où les principes fondamentaux du droit international sont ébranlés.
Plus que jamais, Amnistie internationale résiste, perturbe, transforme. Et nous réussissons à le faire grâce à la mobilisation citoyenne, parce que vous êtes des millions à travers le monde, près de 100 000 au Québec.
Grâce aux actions d’Amnistie et de ses sympathisants, la FIFA a accepté la formation d’une équipe de réfugiées afghanes, le Burkina Faso s’est doté d’une nouvelle loi abolissant la discrimination entre les garçons et les filles quant à l’âge au mariage, la Haute Cour du Kenya a confirmé sa compétence dans une affaire historique contre Meta pour préjudice algorithmique, au Mozambique d’anciens fonctionnaires ont été convoqués par la justice pour la répression meurtrière de manifestations, la Marche des fiertés en Hongrie a mobilisé plus de 120 mille participants grâce à la solidarité mondiale malgré le climat de répression.
Plusieurs rapports d’enquêtes d’Amnistie ont permis d’exposer de graves violations de droits humains qui ont suscité l’indignation, fait bouger la justice et les autorités.
C’est le cas de notre rapport exposant les centres d’escroquerie au Cambodge qui a provoqué un tollé, tandis que notre rapport sur les Mères en quête de justice au Mexique a permis qu’elles soient reconnues comme défenseures des droits humains, et que la Cour constitutionnelle de Mongolie s’est appuyée sur le mémoire d’Amnistie pour suspendre la loi sur la détention arbitraire.
Les conclusions de notre rapport « Le Canada m’a détruite », sur les droits des travailleuses et travailleurs migrants, ont été retenues par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille des Nations unies, qui a appelé la Jamaïque et le Mexique, d’où sont originaires bon nombre de travailleurs, à « réviser » leurs accords avec le Canada, à« éviter » les visas liés à un seul employeur et à s’assurer que les syndicats au Canada, au Mexique et en Jamaïque surveillent de près les conditions de travail.
Amnistie a réussi à attirer l’attention du Conseil de sécurité sur les répercussions du génocide à Gaza sur les femmes et les filles, dont plusieurs membres ont effectivement exprimé leur préoccupation quant aux conséquences genrées de la campagne militaire israélienne à Gaza, dans leurs appels à un cessez-le-feu.
Nous avons joué un rôle central dans une affaire sans précédent en Afrique du Sud. La Cour suprême a accepté les arguments d’Amnistie internationale et de ses partenaires, selon lesquels le principe de non-refoulement constitue une obligation au regard des traités, et un principe fondamental du droit international coutumier, du droit international relatif aux droits humains et du droit relatif aux réfugiés. La Cour a confirmé que la seule façon d’établir si un individu est un réfugié de bonne foi est de procéder à l’évaluation appropriée de sa demande, et qu’un refus fondé sur l’entrée irrégulière risque de violer le principe de « non-refoulement ».
En réunissant les preuves décisives qu’il se trouvait des forces ougandaises à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, en violation flagrante de l’embargo sur les armes dans la région, Amnistie a influencé le vote en faveur de la prolongation de l’embargo au Conseil de sécurité. Certes, l’embargo sur les armes n’est pas un remède miracle, mais il réduit considérablement le conflit armé et en augmentant la protection des civiles.
Ce ne sont là que quelques-unes de nos victoires les plus importantes, en plus de toutes les personnes qui injustement arrêtées, emprisonnées, détenues ont été libérées. En 2026, Amnistie soufflera ses 65 bougies. Il nous est permis de célébrer, mais pas de nous reposer. Ensemble, nous devrons faire preuve de courage, car plusieurs combats nous attendent aux quatre coins du monde, y compris au Canada et au Québec. Les vents contraires sont forts et violents, mettant en péril les États de droit.
Souvenons-nous des paroles de Monseigneur Desmund Tutu, qui à propos de l’apartheid en Afrique du Sud disait :
« Si tu es neutre en situation d’injustice, alors tu as choisi le côté de l'oppresseur. »
À nous d’en faire notre leitmotiv.
- France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone