• 20 Sep 2019
  • Hong Kong
  • Communiqué de presse

Arrestations arbitraires, passages à tabac et actes de torture en garde à vue

Dans le cadre d’une nouvelle enquête menée sur le terrain, Amnistie internationale a constaté avec préoccupation les pratiques des forces de police de Hong Kong, qui emploient sans discrimination des méthodes brutales, notamment lorsqu’elles procèdent à des arrestations lors des manifestations. Cette enquête a également mis au jour des éléments prouvant l’existence de torture et de mauvais traitements en détention.

Après avoir interrogé une vingtaine de personnes arrêtées et recueilli des preuves et des témoignages auprès d’avocats, de professionnels de santé et d’autres, Amnistie internationale demande la tenue dans les meilleurs délais d’une enquête indépendante sur les violations des droits humains, qui semblent se durcir depuis que les manifestations de masse ont débuté en juin.

« Le monde entier a pu voir la réaction brutale de la police de Hong Kong, filmée et diffusée en direct, pour contrôler la foule dans les rues. En revanche, bien moins visibles sont les très nombreuses violences policières touchant les manifestants qui se sont déroulées à l’abri des regards, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur pour l’Asie de l’Est à Amnistie internationale.

« Les preuves laissent peu de place au doute. Dans une soif évidente de représailles, les forces de sécurité de Hong Kong se sont livrées à une pratique inquiétante qui se traduit par des méthodes illégales et brutales contre les citoyens lors des manifestations – arrestations arbitraires et représailles violentes contre les personnes placées en détention, s’apparentant parfois à de la torture. »

Plus de 1 300 personnes ont été interpellées dans le cadre des manifestations de masse déclenchées par les modifications législatives qui proposaient d’autoriser l’extradition vers la Chine continentale. Si la grande majorité des manifestants est pacifique, il y a eu des violences, qui semblent s’intensifier conjointement au recours excessif à la force par la police. La plupart des personnes qui se sont entretenues avec Amnistie internationale ont souhaité garder l’anonymat, craignant des représailles de la part des autorités qui agissent dans un climat d’impunité.

Les interviews des personnes arrêtées et des avocats révèlent que la grande majorité des violences policières se sont déroulées avant et pendant les arrestations. Dans plusieurs cas, les manifestants arrêtés ont été roués de coups en garde à vue et ont subi des mauvais traitements s’apparentant à de la torture. Très souvent, les violences semblent avoir été infligées à titre de « châtiment » parce que les manifestants répondaient ou se montraient peu coopératifs.

Un homme conduit au poste à la suite de son arrestation en marge d’une manifestation dans les Nouveaux Territoires au mois d’août a déclaré qu’il avait refusé de répondre aux questions des policiers à son arrivée au poste et avait alors été emmené dans une autre pièce. Là, plusieurs policiers l’ont roué de coups et ont menacé de lui casser les mains s’il essayait de se protéger.

« J’ai senti quelque chose de très dur me frapper aux jambes. Puis, un [policier] m’a retourné et a appuyé ses genoux sur ma poitrine. J’ai senti la douleur dans mes os et je ne pouvais plus respirer. J’ai essayé de crier, mais je ne pouvais ni respirer ni parler », a-t-il déclaré.

Alors qu’il était cloué au sol, un policier lui a ouvert les yeux de force et a dirigé le faisceau d’un pointeur laser dedans, lui demandant : « Tu n’aimes pas pointer ça sur les gens ? », visiblement à titre de représailles contre l’utilisation par certains manifestants de pointeurs laser. Cet homme a par la suite été hospitalisé pendant plusieurs jours pour une fracture et une hémorragie interne.

Amnistie internationale a interrogé un autre homme, arrêté un autre jour d’août à  Sham Shui Po. Le policier qui l’a arrêté lui a demandé à maintes reprises de déverrouiller son téléphone pour l’examiner. Furieux face à ses refus, le policier a menacé de l’électrocuter sur les parties génitales. Cet homme a ajouté qu’il avait « très peur » que le policier ne passe à l’acte, car « en ces temps si troublés, je présume que tout est possible ».

Alors qu’il était détenu dans la salle commune du poste de police, il a vu des policiers forcer un jeune homme à se diriger un pointeur laser dans l’œil pendant environ 20 secondes. « Il semble qu’il avait utilisé le pointeur laser en le dirigeant sur le poste de police. Ils ont dit : " Si tu aimes tellement nous éclairer avec le pointeur, pourquoi tu ne te le fais pas à toi-même ? "

L’enquête d’Amnistie internationale révèle clairement que la police se livre à des pratiques qui consistent à user d’une force inutile et excessive lors des arrestations de manifestants, la police antiémeutes et l’escadron tactique spécial (STS), surnommé les « rapaces », étant responsables des violences les plus graves. Presque toutes les personnes arrêtées avec lesquelles Amnistie internationale s’est entretenue ont raconté avoir reçu des coups de matraque et de poing lors de leur interpellation, alors qu’elles n’opposaient aucune résistance.

De nombreux manifestants ont affirmé avoir reçu des coups de matraque par derrière alors qu’ils fuyaient en courant la charge de la police. C’est le cas d’une jeune femme arrêtée lors d’une manifestation à Sheung Wan en juillet. Elle a été projetée au sol et des policiers ont continué de la frapper, même après lui avoir attaché les mains.

De même, un homme arrêté lors d’une manifestation à Tsim Sha Tsui en août a raconté qu’il avait reculé, puis couru lorsque la police avait chargé le rassemblement. Les « rapaces » l’ont rattrapé et l’ont frappé à coups de matraque par derrière, sur la nuque et les épaules. Voici son témoignage :

« Immédiatement, j’ai été frappé et jeté à terre. Trois d’entre eux se sont mis sur moi et m’ont plaqué le visage au sol. La seconde d’après, ils me donnaient des coups de pied au visage… Ces trois membres de l’escadron tactique spécial faisaient pression sur mon corps. J’ai commencé à avoir du mal à respirer, et j’ai ressenti une vive douleur côté gauche de ma cage thoracique… Ils m’ont dit : « Ferme-la, arrête de faire du bruit. »

D’après les rapports médicaux, cet homme a été hospitalisé pendant deux jours et soigné pour une côte fracturée et d’autres blessures. Dans plus de 85 % des cas sur lesquels Amnistie internationale a enquêtés (18 sur 21), les personnes arrêtées ont été hospitalisées en raison des coups reçus et trois d’entre elles ont passé au moins cinq jours à l’hôpital.

« La plupart du temps, les policiers ont agi avec violence avant et pendant les arrestations, même lorsque la personne était contrainte ou détenue. L’usage de la force était donc clairement excessif et bafouait le droit international relatif aux droits humains », a déclaré Nicholas Bequelin.

Amnistie internationale a également recensé de multiples cas d’arrestations arbitraires et illégales, et de nombreux cas où la police a refusé ou retardé la possibilité de consulter un avocat et de recevoir des soins médicaux. Pour un détenu, la possibilité de consulter en temps utile un avocat ou un médecin et de communiquer avec sa famille est une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements.

Ces conclusions font écho aux vives inquiétudes exprimées par un groupe d’experts de l’ONU face aux agressions et aux arrestations de manifestants par la police de Hong Kong.

« Face à la récurrence des atteintes aux droits humains relevées, il est clair que les forces de police de Hong Kong ne sont plus en position d’enquêter elles-mêmes sur la répression illégale et généralisée exercée contre les manifestants ni d’y remédier. Amnistie internationale demande la tenue d’une enquête indépendante et impartiale visant à engager des poursuites, à rendre justice et à accorder des réparations, car la population ne fait guère confiance aux mécanismes internes existants tels que la Commission indépendante chargée des plaintes contre la police », a déclaré Nicholas Bequelin.