Le report de l'accord sur les retours offre un répit temporaire aux réfugiés rohingyas
Le gouvernement du Bangladesh a annoncé le report du retour des réfugiés rohingyas au Myanmar. C’est un soulagement pour les centaines de milliers de réfugiés qui se trouvent actuellement au Bangladesh, a déclaré Amnistie Internationale le 22 janvier 2018. Mettre en œuvre l'accord sur les retours, finalisé la semaine dernière dans sa version actuelle, mettrait en grave péril la sécurité et les droits de plus de 650 000 Rohingyas qui ont fui la répression brutale menée par l'armée en 2016.
« Étant donné l'ampleur et l'horreur des atteintes aux droits humains infligées aux Rohingyas, tout accord sur les retours doit commencer par prendre en compte les conditions de vie auxquelles ils sont soumis. De nombreux réfugiés n'ont plus de maison où rentrer puisque l'armée les a réduites en cendres et n’ont aucune garantie de ne plus subir la discrimination et la violence qui caractérisent le régime d'apartheid qu’ils ont fui, a déclaré Charmain Mohamed, responsable des droits des réfugiés et des migrants à Amnistie Internationale .
« Reconnaissant que des préparatifs supplémentaires sont nécessaires, le Bangladesh a reporté le processus de rapatriement. Toutefois, il faudrait une réforme globale de la place des Rohingyas au Myanmar avant qu'un retour ne puisse être considéré comme sûr ou volontaire. L'annonce faite aujourd'hui pourrait protéger temporairement les réfugiés rohingyas en évitant leur renvoi vers de nouvelles violations – mais ils ont besoin d'une solution durable. »
Amnistie Internationale a mis en lumière de graves préoccupations relatives aux droits humains dans l'accord sur les retours conclu par les gouvernements du Myanmar et du Bangladesh. Cet accord envisage une implication de l'ONU côté bangladais uniquement, ainsi que la mise en œuvre de l’autorité et de la supervision du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pour se prononcer sur le caractère volontaire des retours. Le 16 janvier, le gouvernement du Myanmar a annoncé qu'il accepterait le retour de 1 500 réfugiés par semaine.
Si tous les Rohingyas qui souhaitent réellement rentrer au Myanmar en ont le droit inaliénable, et si le Bangladesh et le Myanmar sont légalement tenus de faciliter ces retours, Amnistie Internationale craint que l'arrangement actuel ne permette pas de garantir un retour sûr, volontaire et digne comme l'exige le droit international, mais favorise un retour contraint qui s'apparente à un refoulement.
Voici diverses raisons pour lesquelles cet accord pose problème :
- L'accent mis sur le calendrier et les quotas, qui accroît le risque que les Rohingyas soient contraints de rentrer.
- Les conditions actuelles au Myanmar, où les autorités refusent de reconnaître l'ampleur des violations et des crimes commis dans le cadre de la répression menée en 2016 ou de démanteler le régime d'apartheid.
- Le critère selon lequel les Rohingyas qui demandent le rapatriement doivent fournir la preuve qu'ils résidaient au Myanmar – ce qui est impossible pour nombre d'entre eux, qui sont depuis longtemps privés de citoyenneté au Myanmar et n'ont pas de papiers, et pour beaucoup d'autres qui les ont perdus lorsqu'ils ont fui les violences de l'armée.
- Le HCR n'a pas la garantie qu’il pourra rencontrer les réfugiés rentrés chez eux à tous les stades du processus.
- Le droit des Rohingyas d'être protégés contre des renvois forcés vers de graves violations des droits humains n’est pas explicitement reconnu.
- Le droit des Rohingyas de rentrer au Myanmar, leur pays d'origine, s'ils le souhaitent, n’est pas explicitement reconnu.
Amnistie Internationale demande aux gouvernements du Bangladesh et du Myanmar de ne pas envisager le retour des Rohingyas au Myanmar tant que les conditions ne remplissent pas les critères pour un retour sûr, volontaire et digne, et tant que les réfugiés ne sont pas dûment associés aux prises de décision qui les concernent.
Complément d’information
Le refoulement recouvre le fait de renvoyer des personnes vers un territoire où elles risquent d’être victimes de persécutions ou d’autres graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Le principe de non-refoulement, pierre angulaire du système de protection internationale des réfugiés, est contraignant pour tous les États, qu'ils aient ou non signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.