Victimes de refoulement au Mexique, ignorés et sans protection
Des milliers de citoyens du Guatemala, du Honduras et du Salvador fuient les menaces de mort, les attaques et les extorsions imputables à des gangs puissants qui contrôlent de vastes territoires dans leurs pays. Ils sont contraints d’entreprendre un périlleux voyage jusqu’au Mexique en quête de protection. Ils sont souvent mal informés par l’Institut national de la migration (INM) sur leur droit de demander l'asile au Mexique.
Beaucoup se retrouvent face à des agents de l'INM qui se moquent d'eux, ne leur demandent même pas pourquoi ils ont quitté leur pays et les renvoient vers une situation où ils risquent une mort imminente.
Ces pratiques vont à l'encontre de la loi mexicaine.
Emilia : retour vers la mort
Je commençais juste à préparer le dîner, dans l’après-midi, lorsque José Ernesto*, mon fils aîné, a été tué. C’était le 4 septembre 2009, il avait 17 ans.
Emilia se remémore cette journée en racontant le long périple qu’elle a dû entreprendre avec sa famille avant de se retrouver en sécurité.
José Ernesto fut le premier membre de la famille d’Emilia à perdre la vie en raison des violences dans son pays natal, le Salvador. Ce ne fut pas le dernier.
Emilia a fui le Salvador pour se rendre au Mexique fin 2016, avec ses sept enfants. À leur arrivée, sa fille aînée a accouché d’une petite fille et Emilia est devenue grand-mère.
Quelques jours plus tard, Emilia est retournée à l'hôpital pour remplir des papiers pour sa petite-fille. En chemin, des agents mexicains de l'immigration l'ont contrôlée. Elle les a suppliés de ne pas la renvoyer au Salvador, où sa vie est menacée. Les agents de l'INM n’ont rien voulu entendre, ils l'ont arrêtée et expulsée.
Le cas d'Emilia n'est pas rare. Le Mexique connaît une crise cachée des réfugiés et la donne a changé : les gens ne traversent plus le Mexique pour des motifs économiques, ils partent parce qu'ils ont peur pour leur sécurité.
Les personnes qui fuient l'Amérique centrale pour se réfugier au Mexique sont souvent renvoyées dans leur pays, alors que le droit mexicain et le droit international énoncent que le Mexique ne peut les expulser légalement. Ces expulsions illégales sont des « refoulements ».
De mai à septembre 2017, nous avons réalisé une étude fondée sur des entretiens, recueillant 500 témoignages d’expériences différentes. Nous l’avons publiée dans notre rapport intitulé Overlooked, Under-Protected, qui montre que les autorités mexicaines renvoient constamment des personnes dans leurs pays, là où leurs vies sont menacées.
L’agent de l’INM m’a dit : « Maintenant que tu as été arrêté, tu es foutu et tu vas être renvoyé dans ton pays. »
Un Hondurien relatant la réponse d’un agent de l’immigration lorsqu’il a fait part de sa peur d’être renvoyé dans son pays.
Plus de la moitié des personnes qui ont répondu à notre enquête, soit 310, ont déclaré que les services mexicains de l'immigration les avaient placées en détention. La vaste majorité d'entre elles, soit 84 %, ne souhaitent pas retourner dans leur pays. Pourquoi ? Principalement en raison de la violence et de la peur.
Ce que les services mexicains de l'immigration prétendent mettre en œuvre, face à la réalité que vivent les personnes en quête de protection
L'Institut national de la migration (INM) est l'organisme fédéral chargé de réguler la migration dans le pays.
Aux termes de la loi, l'INM est tenu d'informer toute personne qu'il arrête ou place en détention de son droit de demander l'asile au Mexique et d'adresser celles qui expriment leur souhait de le faire au bureau de l'agence mexicaine pour les réfugiés, la Commission mexicaine d'aide aux réfugiés (COMAR). Les agents de l'INM nous ont assuré qu'ils se conforment à ces dispositions.