Côte d’Ivoire. La personne élue président·e devra s’attaquer aux problèmes urgents en matière de droits humains

La personne élue président·e de la Côte d’Ivoire doit saisir l’occasion de son mandat pour donner la priorité aux droits humains de tous les habitant·e·s du pays, a déclaré Amnistie internationale lors du lancement d’un manifeste listant six priorités clés pour le prochain gouvernement. La liste officielle des candidat·e·s à l’élection du 25 octobre a été publiée le 9 septembre.
« Au cours des cinq prochaines années, le ou la président·e devrait s’attaquer aux violations des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. La personne élue devrait mettre fin aux expulsions forcées et soutenir les personnes affectées, faire respecter le droit à la vérité, à la justice et aux réparations pour les victimes des violences électorales, protéger les droits des femmes et des enfants et le droit à un environnement sain », a déclaré Marceau Sivieude, directeur régional d’Amnistie internationale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Garantir et protéger les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique
Le Code pénal criminalise la diffusion de « fausses nouvelles » et prévoit des peines d’emprisonnement pour les organisateurs ou participants à des manifestations non déclarées. Ces dispositions sont souvent utilisées pour les museler les voix critiques. Par ailleurs, les autorités peuvent actuellement dissoudre des organisations par simple décret, sans mécanisme d’appel.
Il est essentiel de modifier la loi relative à l’organisation de la société civile pour garantir le droit à la liberté d’association, et de réviser le Code pénal pour alléger les sanctions prévues pour la diffusion de fausses nouvelles et garantir sa conformité avec les normes internationales en matière de droits humains.
« La personne qui sera élue doit s’engager à mettre fin aux procédures judiciaires abusives et à toutes les formes d’intimidation, de harcèlement ou de violence à l’encontre des personnes physiques et morales qui exercent simplement leurs droits humains », a déclaré Marceau Sivieude.
Mettre un terme aux expulsions forcées et accorder une compensation aux victimes
Bien que des mesures de soutien aient été annoncées pour les dizaines de milliers de victimes d’expulsions forcées, elles restent insuffisantes et n’ont pas été mises en œuvre pour toutes les victimes.
Amnistie internationale appelle le ou la prochain.e président·e à mettre fin aux expulsions forcées, conformément aux obligations du pays en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, ratifiés par la Côte d’Ivoire en 1992. Toutes les victimes devraient se voir garantir une indemnisation équitable et un relogement adéquat et sûr.
Garantir le droit à la vérité, à la justice et aux réparations
La loi d’amnistie de 2018 a bénéficié à des centaines de personnes poursuivies ou condamnées pour des infractions liées aux violences postélectorales de 2010-2011. Lors des violences qui ont suivi les élections de 2020, 85 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées. Des victimes et leurs familles attendent toujours que justice soit faite et d’obtenir réparation. Depuis 2020, les individus et organisations non gouvernementales ne peuvent plus saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples car les autorités ont retiré la déclaration qui le permettait.
« Les efforts en faveur de la réconciliation nationale ne doivent pas compromettre les droits des victimes et des familles des victimes de violences électorales. Les mécanismes judiciaires nationaux doivent être renforcés et la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour recevoir les plaintes doit être rétablie », a déclaré Marceau Sivieude.
S’attaquer aux violences basées sur le genre
Malgré des progrès, les survivantes de violences sexuelles continuent de rencontrer des obstacles pour accéder à la justice et aux services de soutien. Par exemple, un certificat médical payant est toujours demandé lors de l’enregistrement des plaintes pour viol, et le Code pénal institue une présomption de consentement des époux.
Il est urgent de veiller à l’application des lois contre les violences basées sur le genre et de garantir aux survivantes l’accès sans délai et sans obstacles financiers à des soins médicaux et examens médico-légaux, conseils psychologiques et centres d’hébergement.
Les droits des enfants doivent être protégés
Le ou la président·e devrait prioriser la lutte contre le travail des enfants, dont, malgré certains progrès, le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage a relevé la persistance. Les autorités devraient mener des enquêtes, traduire les auteurs présumés en justice et garantir aux victimes l’accès à la justice et à des recours efficaces.
Il est également essentiel de faciliter l’accès à l’enregistrement civil pour tous les enfants afin de garantir leurs droits humains.
Assurer et garantir le droit à un environnement sain
Les communautés rurales déjà vulnérables voient leurs terres réduites ou accaparées, parfois sans consultation adéquate ni juste compensation, du fait de l’expansion des terres agricoles et de l’exploitation forestière illégale. Les produits chimiques utilisés pour l’extraction de l’or rendent des sources d’eau impropres à la consommation et l’agriculture.
Il est urgent de faire respecter les lois contre la déforestation illégale, l’exploitation forestière non durable et l’accaparement des terres, de mettre en place des mécanismes de consultation et d’indemnisation, et de faciliter l’accès des communautés à l’information et aux recours lorsque leurs droits humains sont violés par la dégradation de l’environnement, y compris du fait du changement climatique. Les initiatives des communautés doivent être soutenues et intégrées aux politiques publiques.
« Les recommandations de notre manifeste ne sont pas exhaustives mais elles fournissent une feuille de route au futur ou à la future président·e. Ces élections offrent l’occasion de renforcer le respect des droits humains en Côte d’Ivoire. Nous appelons tous les candidat·e·s à s’engager en ce sens », a déclaré Marceau Sivieude.