• 6 oct 2025
  • Afghanistan
  • Communiqué de presse

Afghanistan. La mise en place d'un mécanisme d’obligation de rendre des comptes constitue un tournant majeur dans la quête de justice

En réaction à la décision du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’établir un mécanisme d’enquête indépendant pour l’Afghanistan chargé de recueillir, regrouper, préserver et analyser les éléments de preuve sur la commission de violations des droits humains et atteintes à ces droits et de crimes de droit international passés et présents, la secrétaire générale d’Amnistie internationale, Agnès Callamard, a déclaré : 

« Face à l’impunité qui perdure en Afghanistan, la mise en place d’un mécanisme de recueil de preuves mandaté par l’ONU est un jalon essentiel vers l’établissement des responsabilités pour les crimes de droit international, passés et présents, et ouvre la voie, pour les victimes, à l’accès à la justice, à des réparations et à la vérité. 

« Amnistie internationale, aux côtés de la société civile afghane et d'autres acteurs, réclame ce mécanisme depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Depuis cette date, ils ont plongé l'Afghanistan dans un système de contrôle et de répression. Les femmes et les filles sont systématiquement effacées de la vie publique, privées d'éducation, de travail et de parole ; les journalistes, les militant·e·s et les minorités sont réduits au silence par le biais de détentions arbitraires, de tortures et de disparitions forcées ;  les châtiments corporels brutaux et les exécutions, en public, servent à instiller la peur parmi la population. Cette offensive contre les droits humains exige, depuis longtemps, bien plus que de simples déclarations de la part de la communauté internationale, et ce mécanisme constitue une étape majeure du long cheminement vers l'obligation de rendre des comptes pour le peuple afghan. » 

La résolution du 6 octobre 2025 pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l'impunité pour des millions de victimes en Afghanistan, couvrant plus de quatre décennies de conflit. Toutefois, ce potentiel dépend de l'adoption par le mécanisme d'une approche vraiment globale, prenant en compte les crimes commis avant et après août 2021 - incluant les attaques ciblées systématiques menées par l’État islamique-Province du Khorassan (EI-K) et d'autres groupes insurgés, ainsi que les allégations de crimes de droit international imputables aux forces de sécurité de l'ancien gouvernement, à des forces internationales militaires et de sécurité et à d'autres agents. 

« La mise en place d'un mécanisme n'est qu'un début. Les États ont le devoir, envers les victimes, de veiller à ce qu’il soit doté des ressources et des moyens nécessaires pour promouvoir la justice. » 

Complément d’information 

Depuis août 2021, Amnistie internationale, aux côtés de la société civile afghane et d'autres acteurs, plaide sans relâche pour que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies mette en place un mécanisme d'enquête impartial et indépendant sur la situation en Afghanistan. Dès 2003, des appels en faveur d’un tel mécanisme avaient émergé, ravivés en mai 2021 après l'attaque délibérée et ciblée visant le lycée pour filles Sayed Shudaha, dans l'ouest de Kaboul, qui a fait plus de 250 mort·e·s et blessé·e·s, principalement des élèves. En réaction, sous l'impulsion de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan (AIHRC), des organisations de la société civile afghane et des organisations internationales de défense des droits humains ont appelé à la création de ce mécanisme. 

L'Afghanistan est aux prises avec un conflit permanent depuis plus de 40 ans, qui a donné lieu à des crimes de droit international et à des violations des droits humains et des violences commises par les parties belligérantes, notamment les talibans, l’État islamique-Province du Khorassan (EI-K), les forces de sécurité de l'ancien gouvernement, les forces internationales militaires et de sécurité et d'autres agents. Les victimes et les survivants n'ont eu qu’un accès très restreint à la justice, à des réparations et à la vérité. La situation s'est aggravée avec le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Amnistie internationale a recensé de nombreux cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité de persécution sexiste, ainsi que d'autres crimes et violations des droits humains commis par les talibans et d'autres acteurs à travers le pays. 

Sans accès à la justice, à la vérité ni à des réparations, entre 1978 et 2001, on estime qu’au moins deux millions de personnes ont été tuées ou blessées en raison du conflit.  

Suite aux appels répétés d’organisations de la société civile afghanes et internationales, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté aujourd'hui, sans vote, une résolution visant à établir « un mécanisme d'enquête permanent et indépendant chargé de recueillir, de regrouper, de préserver et d’analyser les éléments de preuve attestant la commission de crimes internationaux les plus graves et de violations du droit international, y compris celles qui peuvent également constituer des violations et des atteintes au droit international des droits de l'homme, commis en Afghanistan ». Bien qu'il ne dispose pas de pouvoirs en matière de poursuites, il peut recueillir et préserver les preuves de crimes internationaux et de violations graves des droits humains. Ces preuves peuvent étayer de futures poursuites devant les tribunaux internationaux et nationaux, exerçant notamment une compétence universelle ou d'autres formes de compétence extraterritoriale, et renforcer la crédibilité des initiatives futures visant à façonner un cadre favorisant l’obligation de rendre des comptes et la justice en Afghanistan.