Pakistan. L’interdiction du film Joyland qui met en scène un personnage transgenre doit immédiatement être annulée
Réagissant à l’interdiction récente par le gouvernement pakistanais du film Joyland, qui a été primé à l’étranger et qui met en scène un personnage transgenre, et à l’indécision de la Commission de révision qui ne s’est aujourd’hui pas prononcée sur l’annulation ou non de cette interdiction, Nadia Rahman, chercheuse et conseillère sur la question du genre à Amnistie internationale, a déclaré :
« Il s’agit là de la dernière manifestation en date d’une tendance à la censure et à la répression de la liberté d’expression observée au Pakistan. L’interdiction du film Joyland intervient dans un contexte où le droit à la liberté d’expression et les droits déjà très limités des personnes transgenres sont de plus en plus menacés dans le pays. Nous espérons que cette décision décevante supprimant l’autorisation de sortie en salle au Pakistan de ce film sera immédiatement annulée, et que des mesures seront prises pour desserrer l’étau sur ce que les personnes ont le droit de lire, de regarder, de dire et de faire.
« La liberté d’expression et de création artistique est essentielle pour raconter des histoires mettant en scène la vie de personnes sur le plan local et les difficultés qu’elles affrontent, en particulier quand il s’agit de personnes marginalisées. Les personnes transgenres au Pakistan n’ont toujours pas accès à des services essentiels, et sont constamment en butte au harcèlement, à la stigmatisation et à la violence. On observe actuellement un mouvement concerté visant à rogner les droits que la Loi relative aux personnes transgenres leur a accordés, ainsi qu’une campagne de diffamation qui attise la stigmatisation et la violence contre les personnes transgenres, et qui les met donc en danger.
« Avec ce texte, le Pakistan disposait de l’une des lois les plus progressistes au monde sur les droits des personnes transgenres. Ce texte permettait au Pakistan de défendre les droits de personnes qui comptent parmi les populations les plus marginalisées et qui présentent une importance historique et culturelle en Asie du Sud et à travers le monde. Mais cette réaction hostile persistante et profondément enracinée s’opposant à ce qu’elles puissent vivre dans la société sur un pied d'égalité avec les autres gens favorise la montée de la violence et de la discrimination contre les personnes transgenres au Pakistan. »
Complément d'information
Joyland est le premier long métrage pakistanais présenté à Cannes en sélection officielle, et il a remporté le prestigieux Prix du jury.
Le 11 novembre, le ministère de l’Information et de la Diffusion a annulé l’autorisation de sortie en salle de ce film, invoquant « un contenu très contestable » dépeignant la relation entre un homme et une femme transgenre.
Le 14 novembre, le Premier ministre a mis en place une commission de révision composée de huit membres et chargée d’examiner les plaintes visant ce film.
Le 15 novembre, cette commission a publié un communiqué de presse indiquant que le Comité central des censeurs de films devait mener « immédiatement un examen en comité plénier » afin de se prononcer sur le caractère convenable ou non de la projection du film Joyland.
L’an passé (entre octobre 2021 et septembre 2022) 18 personnes transgenres ont été tuées au Pakistan, selon les informations disponibles, ce chiffre étant le plus élevé relevé dans toute l’Asie. Dans un récent rapport intitulé Pandémie ou pas, nous avons le droit de vivre, Amnistie internationale fait état de cas de discrimination, de violence et de marginalisation exercées contre des personnes transgenres dans 15 pays, notamment au Pakistan, et ces abus se sont intensifiés au pic de la pandémie de la COVID-19.