• 19 fév 2020
  • Singapour
  • Communiqué de presse

Les entreprises de réseaux sociaux sont contraintes de coopérer en vertu de la nouvelle loi abusive sur les « fausses informations »

Les autorités de Singapour recourent de plus en plus à la loi répressive sur les « fausses informations » en vue de faire taire détracteurs et opposants en amont des élections, a déclaré Amnistie internationale le 19 février 2020, alors que Facebook a fait part de son inquiétude après avoir été contrainte de se plier à une injonction et de bloquer la page d’un site d’information.

Le projet de loi sur la protection contre les mensonges délibérés et les manipulations en ligne (POFMA) est entré en vigueur en octobre 2019 et il a servi à plusieurs reprises depuis pour cibler les détracteurs et les opposants politiques.

Le 17 février, S. Iswaran, ministre singapourien des Communications et de l’Information, a ordonné à Facebook de bloquer pour les utilisateurs à Singapour l’accès à la page Facebook de States Times Review, un média alternatif qui se montre critique à l’égard du gouvernement.

« Lorsque Singapour a promulgué la loi draconienne sur les fausses informations, Amnistie internationale et d’autres ont averti qu’elle risquait d’être utilisée abusivement par le gouvernement et le parti au pouvoir notoirement procédurier, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur pour la région Asie de l’Est, Asie du Sud-Est et Pacifique à Amnistie internationale.

« Les manœuvres visant States Times Review illustrent une nouvelle fois le fait que cette loi n’est qu’un outil de censure. Les entreprises de réseaux sociaux sont contraintes d’obéir aux autorités de Singapour et de supprimer les critiques en ligne et bâillonner les opposants politiques. »

Les élections générales doivent se tenir à Singapour avant avril 2021, mais pourraient être avancées à 2020.

La loi sur la protection contre les mensonges délibérés et les manipulations en ligne prévoit de lourdes sanctions pénales, notamment des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans, pour toute personne reconnue coupable d’avoir enfreint la loi. En outre, elle exige des entreprises de réseaux sociaux, comme Facebook, qu’elles retirent des contenus ou publient des rectificatifs visibles sur leurs plateformes en suivant les indications du gouvernement, au risque de s’exposer à des amendes allant jusqu’à 1 million de dollars de Singapour (environ 655 000 euros).

La loi est entrée en vigueur en octobre 2019. Le mois suivant, les autorités ont émis la première directive contre un membre de l’opposition qui avait posté un message sur Facebook critiquant les décisions d’investissement de Temasek, fonds souverain singapourien. La directive enjoignait à ce membre du Parti du Progrès de Singapour de publier un « avis rectificatif » au sujet de son message initial, déclarant qu’il contenait « de fausses déclarations de faits », et d’ajouter un lien vers un site du gouvernement contenant les « faits corrects ». Les quatre directives suivantes publiées en 2019 portaient également sur des critiques visant le gouvernement et émanant de personnes liées à l’opposition politique.

En janvier 2020, les autorités ont assuré que c’était une « coïncidence » si les premiers cas concernaient des opposants politiques.

Au moins six directives découlant de la Loi sur la protection contre les mensonges délibérés et les manipulations en ligne ont été émises cette année. Deux se rapportent à des allégations sur des méthodes d’exécution illégales employées dans la prison de Changi, à Singapour, et quatre portent sur des informations diffusées au sujet du coronavirus. La directive contre la page Facebook de States Times Review a fait suite à plusieurs refus du rédacteur en chef du site d’obéir aux injonctions et de publier des rectificatifs, y compris sur des informations publiées au sujet du coronavirus. Cet homme a depuis déclaré qu’ils allaient transférer le contenu sur un autre site Internet.

« Jusqu’à présent, ces directives ne sont guère plus que des outils de propagande progouvernementale. Avec les élections en ligne de mire, un nombre croissant de journalistes, de militants et d’opposants politiques risquent d’être pris dans les filets répressifs de cette loi, a déclaré Nicholas Bequelin.

« Le gouvernement peut manier à sa guise ce texte de loi formulé en termes vagues en vue de faire taire toute forme de dissidence. Singapour doit l’abolir et veiller à ce que chacune et chacun puisse exercer son droit à la liberté d’expression sans craindre de représailles. »

 

Complément d’information

En janvier, le ministre singapourien des Communications et de l’Information a déclaré : « Les premières actions découlant de la Loi sur la protection contre les mensonges délibérés et les manipulations en ligne semblent avoir été dirigées contre des personnes qui sont des responsables politiques ou des membres de partis politiques, ou contre des partis politiques. Je dirais qu’il s’agit d’une convergence, d’aucuns pourraient dire une convergence ou une coïncidence malheureuse. » Il a ajouté : « S’il se trouve que cératines personnes impliquées sont affiliées à des partis politiques, c’est uniquement la conséquence de leurs actes. »

Les organisations de défense des droits humains, dont Amnistie internationale, ont vivement critiqué la Loi sur la protection contre les mensonges délibérés et les manipulations en ligne. Présentée par le gouvernement pour « protéger la société » contre les mensonges en ligne publiés par des « acteurs malveillants », elle confère en fait aux autorités des pouvoirs étendus et excessifs pour réprimer les opinions dissidentes.

Le gouvernement fait valoir que cette loi est nécessaire pour combattre la désinformation en ligne, mais elle va clairement à l’encontre des obligations internationales de Singapour en matière de liberté d’expression et ne comporte pas de clauses d’intérêt public.

 

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