Des manifestations pacifiques soumis à des arrestations, à des interdictions et des amendes au titre de la loi contre les fausses nouvelles.
Les autorités de l’oblast d’Arkhangelsk (nord-ouest de la Russie) ont réprimé une manifestation pacifique contre la construction d’un site de décharge, en procédant à des arrestations et en prononçant des interdictions et de lourdes amendes.
Le 7 avril 2019, des militants manifestant contre le projet de construction d’un site de décharge dans la commune de Shyes avaient prévu un rassemblement sur la place Lénine, dans le centre de la capitale régionale, Arkhangelsk. Les autorités régionales ont interdit la manifestation, affirmant qu’un événement sportif était prévu ce jour-là sur la place. Elles ont proposé un lieu dans une partie excentrée de la ville, loin de la circulation et des bâtiments officiels. La manifestation a quand même eu lieu à l’endroit prévu initialement, et des milliers d’habitants d’Arkhangelsk ont défilé pacifiquement dans le centre de la ville. Des policiers étaient présents mais ne sont pas intervenus. Aucun événement sportif n’a eu lieu sur la place à ce moment-là.
Le 6 avril, cependant, la police a arrêté un des organisateurs du rassemblement, Iouri Tchesnokov, et l’a accusé de ne pas avoir payé une amende de 1 800 roubles. Il a été placé en détention pendant trois jours pour cette « infraction ». Il semblerait que son arrestation ait eu pour but de l’empêcher de participer à la manifestation du 7 avril. Malgré le fait que Iouri Tchesnokov ait passé le 7 avril derrière les barreaux, il a été jugé trois jours plus tard pour avoir organisé le rassemblement « non autorisé » du 7 avril et a été condamné à une amende et à des travaux d’intérêt général. Dans les jours qui ont suivi le rassemblement, plus d’une dizaine d’autres manifestants ont été arrêtés et jugés pour y avoir participé.
Le dernier épisode d’une série de représailles contre les meneurs du mouvement a été le recours à une procédure administrative visant Elena Kalinina. Le 26 avril, elle est devenue la première personne à être officiellement accusée au titre de la nouvelle loi controversée « contre les fausses nouvelles », qui était entrée en vigueur un mois plus tôt, le 29 mars. Les autorités ont affirmé qu’une de ses publications sur les réseaux sociaux, dans laquelle elle annonçait le rassemblement du 7 avril, constituait une « diffusion volontaire d’informations incorrectes présentées comme étant des informations exactes », car elle savait que le rassemblement avait été interdit. Contre toute logique, le même document officiel attestant que cette publication d’Elena Kalinina était une infraction précisait également que le rassemblement avait ensuite bien eu lieu et qu’il avait occasionné des « atteintes à l’ordre public »[1].
La loi « contre les fausses nouvelles », entrée en vigueur le 29 mars 2019, est le dernier coup en date porté à la liberté d’expression en Russie. Aux termes de cette loi, une personne peut recevoir une amende de 300 000 roubles maximum pour « diffusion volontaire d’informations incorrectes présentées comme étant des informations exactes ».