La communauté internationale doit dénoncer le bilan désastreux de l’Égypte en matière de droits humains
La communauté internationale doit exiger la libération immédiate des manifestants, des militants et des défenseurs des droits humains pacifiques en Égypte à la suite de la répression draconienne au cours de laquelle plus de 3 800 personnes ont été arrêtées, pour la plupart au hasard, au cours des derniers mois, a déclaré Amnistie internationale à la veille de la session d’examen du pays devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU le 13 novembre.
Amnistie internationale demande aussi aux États de profiter de l’Examen périodique universel (EPU) de l’Égypte pour exiger des autorités qu’elles ouvrent une enquête sur le recours généralisé à la torture et aux autres mauvais traitements par les forces de sécurité, ainsi que sur les conditions ignobles de détention, et qu’elles cessent de sanctionner les défenseurs des droits humains à coups d’interdictions arbitraires de se rendre à l’étranger et de harcèlement judiciaire.
« L’examen de l’Égypte devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU cette semaine est l’occasion idéale pour la communauté internationale d’amener les autorités égyptiennes à s’expliquer sur leur bilan désastreux en matière de droits humains », a déclaré Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.
Cet examen intervient presque deux mois après que les autorités égyptiennes ont procédé à la plus grande vague d’arrestations depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi.
« Aujourd’hui plus que jamais, il est primordial que le monde dénonce publiquement la dégradation de la situation des droits humains en Égypte et exige la libération des manifestants pacifiques détenus de manière arbitraire », a déclaré Najia Bounaim.
Cette session de l’EPU intervient également quelques jours avant une audience importante au tribunal, le 17 novembre, consacrée à l’appel interjeté contre les interdictions arbitraires de voyager imposées à des employés d’ONG, notamment à plusieurs leaders d’organisations égyptiennes indépendantes qui défendent les droits humains.
C’est notamment le cas de Mozn Hassan, défenseure des droits des femmes et fondatrice du groupe Nazra pour les études féministes, d’Aida Seif el Dawla, fondatrice du Centre Nadeem pour les victimes de torture, et des célèbres défenseurs des droits humains Gamal Eid, Hossam Bahgat et Mohamed Zaree.
Au moins 31 employés d’ONG sont visés par des interdictions de se rendre à l’étranger et 10 défenseurs et sept ONG ont vu leurs avoirs gelés, dans le cadre de l’enquête pénale menée sur le financement étranger des ONG et leur travail légitime en faveur des droits humains.
« Il est essentiel que les États de l’ONU saisissent cette occasion pour condamner fermement la répression brutale menée contre les employés d’ONG et la société civile ces dernières années. Ils doivent demander à l’Égypte de lever les interdictions arbitraires de se déplacer, d’annuler les gels d’avoirs et de clore cette enquête définitivement », a déclaré Najia Bounaim.
En juin 2019, Amnistie internationale a publié un rapport accablant sur la situation des droits humains en Égypte depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi. Ce rapport, présenté au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dénonçait les restrictions abusives imposées à la liberté d’expression et de réunion, le recours généralisé à la détention arbitraire, à la torture et aux mauvais traitements, les disparitions forcées et les procès iniques, et les conditions de détention déplorables, entre autres motifs de préoccupation.
Depuis sa publication, la situation des droits humains en Égypte a continué de se dégrader : en témoignent la dernière vague d’arrestations massives en septembre et octobre, et le recours de plus en plus fréquent à des méthodes brutales, notamment à la torture, contre les défenseurs des droits humains. Le 29 septembre, le militant de renom Alaa AbdelFattah a été arrêté de manière arbitraire dans le contexte de la campagne de répression et des gardiens lui ont bandé les yeux, l’ont frappé et roué de coups de pied, et l’ont insulté verbalement. Un peu plus tard, le 12 octobre, la défenseure des droits humains Esraa Abdelfattah a été enlevée par des membres des forces de sécurité et a plus tard été torturée par des agents qui l’ont frappée et ont tenté de l’étrangler.
Lors de son précédent EPU en 2014, l’Égypte a accepté 237 des 300 recommandations relatives aux droits humains formulées par les autres États. Cependant, l’analyse d’Amnistie internationale indique que les autorités, au lieu de mettre en œuvre les réformes essentielles correspondant à ces recommandations, ont adopté des mesures encore plus répressives qui restreignent davantage les droits et les libertés fondamentales.
« L’incapacité de l’Égypte à appliquer ces recommandations faites lors du précèdent examen par l’ONU atteste du manque de volonté des autorités s’agissant d’améliorer leur bilan en termes de droits humains », a déclaré Najia Bounaim.
Plusieurs procédures spéciales des Nations unies ont publiquement condamné la dégradation de la situation des droits humains en Égypte, notamment les arrestations arbitraires, les restrictions de la liberté de réunion et d'expression, la torture, les représailles pour le dialogue avec les procédures spéciales de l’ONU et, plus récemment, les conditions qui ont pu conduire à la mort de l’ancien président Mohamed Morsi en détention.
« Il incombe à la communauté internationale, et particulièrement aux alliés de l’Égypte, de dénoncer les crimes généralisés relevant du droit international et les violations des droits humains. Ils doivent se montrer limpides : l’incapacité de l’Égypte à remédier à ces violations flagrantes aura de graves conséquences sur leurs relations diplomatiques et commerciales avec le pays. »