Il faut que les autorités cessent de réprimer les manifestations pacifiques
Le 3 septembre, au moins 23 manifestants pacifiques ont été blessés, dont six grièvement, en République démocratique du Congo (RDC) et 89 autres ont été arrêtés dans la capitale, Kinshasa, ainsi qu’à Goma, Lubumbashi, Bukavu, Mbandaka, Mbuji-Mayi et Tshikapa lorsque la police a dispersé violemment des rassemblements pacifiques contre l’utilisation d’un système de vote électronique pour les élections prévues le 23 décembre.
En outre, Amnistie internationale a pu établir que deux manifestantes avaient été victimes d’agression sexuelle à Bukavu et que trois journalistes – correspondants de Reuters et de Voice of America (VOA) – et un reporter local de Congo Synthèse avaient été brutalisés et menacés par la police alors qu’ils couvraient les manifestations à Goma, dans l’est du pays.
« À seulement trois mois des élections, les autorités congolaises persistent à supprimer l’espace civique et à réprimer les manifestations pacifiques. Comme nous l’avons constaté le 3 septembre, les voix dissidentes sont réprimées tandis que les sympathisants du président Joseph Kabila et du candidat à l’élection présidentielle désigné par sa coalition, Emmanuel Ramazani Shadary, peuvent organiser des rassemblements et des manifestations sans aucune entrave, a déclaré Jean-Mobert Senga, spécialiste de la RDC à Amnistie internationale.
« La communauté internationale ne doit pas s’en tenir à des appels polis mais prendre des mesures concrètes pour amener les autorités et les responsables des forces de sécurité à rendre des comptes au sujet de cette répression continue.
« Le respect des droits aux libertés d’expression, d’association, de réunion pacifique et de la presse doit être garanti avant, pendant et après les élections. La protection de la loi doit être la même pour tous et il faut que les autorités cessent de prendre pour cible la société civile, les journalistes et l’opposition politique. L’étouffement persistant des voix dissidentes vise sans nul doute à faire taire les critiques et à instaurer un climat de peur à l’approche des élections. »
Les manifestations organisées dans plusieurs villes du pays par le mouvement de jeunes LUCHA ont été dispersées pour des motifs infondés liés à l’ordre public et à la sécurité.
À Lubumbashi, le maire a réagi à une lettre de LUCHA qui l’informait des manifestations prévues en interdisant ces rassemblements sous prétexte qu’il n’existait pas de raisons valables et objectives de refuser l’utilisation du système de vote électronique par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
À Goma, la police a roué de coups de pied, de matraque et de crosse des manifestants qui défilaient pacifiquement vers les locaux de la commission électorale afin d’y déposer une pétition.
« Il faut que les autorités libèrent immédiatement et sans condition tous les manifestants pacifiques qui ont été arrêtés et veillent à ce que tous les blessés bénéficient de soins médicaux adéquats, a déclaré Jean-Mobert Senga.
« Elles doivent aussi lever officiellement l’interdiction des manifestations en communiquant des instructions précises à l’administration et aux organes chargés de l’application des lois afin que toute personne puisse exercer son droit à la liberté de réunion, quelle que soit sa tendance politique.
Complément d’information
L’objectif des manifestations était d’appeler la CENI à abandonner son projet d’utiliser un système de vote électronique et à corriger les listes électorales. Selon une vérification réalisée récemment par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), les empreintes de 16 % des électeurs inscrits n’étaient pas enregistrées.
Les élections, reportées à maintes reprises, doivent se tenir le 23 décembre 2018. Le président Joseph Kabila ne sera pas candidat. Néanmoins, il demeure actuellement au pouvoir alors que son second mandat s’est achevé en décembre 2016 et que la Constitution fixe une limite de deux mandats. Par ailleurs, les dirigeants de l’opposition n’ont toujours pas pu déposer leur candidature à l’élection présidentielle.