La loi sur l'Institut de la mémoire nationale va à l’encontre du droit à la liberté d'expression
Le 6 février, le président polonais a signé une modification de la loi sur l'Institut de la mémoire nationale, qui érige en infraction le fait d’affirmer publiquement que la Pologne a joué un rôle dans la Shoah ou en a été complice. Cette loi entrera en vigueur dans deux semaines. Le président a également renvoyé cette modification (article 55a) au tribunal constitutionnel pour que celui-ci vérifie qu’elle respecte l’article 54 de la Constitution, qui garantit « la liberté d’exprimer ses opinions ».
Selon cette modification, « [q]uiconque prétend, publiquement et contrairement aux faits, que la nation polonaise ou la République de Pologne est responsable ou co-responsable des crimes nazis commis par le Troisième Reich [...] est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. »
Amnistie Internationale considère que cette modification enfreint le droit à la liberté d'expression garanti par le droit international relatif aux droits humains, qui est juridiquement contraignant pour la Pologne. Le droit à la liberté d'expression ne peut être restreint que dans les cas où cela est nécessaire et proportionné à la protection des droits ou de la réputation d’autrui ou à la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public ou de la moralité ou de la santé publiques. Les lois qui interdisent d’insulter ou de manquer de respect à des institutions publiques ou des symboles nationaux, ou les lois qui visent à protéger l’honneur de l’État ne sont pas autorisées au titre du droit international et des normes internationales, et sont contraires au droit à la liberté d'expression. De même, les lois qui pénalisent l’expression des opinions sur des faits historiques sont incompatibles avec l’obligation de l’État de respecter les libertés d’opinion et d’expression.
Ériger en infraction l’expression des idées et des opinions, comme le fait l’article 55a de la modification de la loi sur l'Institut de la mémoire nationale, est une restriction indue du droit à la liberté d'expression et bafoue les obligations de la Pologne au titre du droit international relatif aux droits humains. Cela pourrait avoir des conséquences graves en empêchant les personnes de débattre de sujets d’intérêt public et pourrait être utilisé comme un outil pour réduire au silence les voix critiques en Pologne.
Amnistie Internationale demande aux autorités polonaises de modifier la loi sur l'Institut de la mémoire nationale et de retirer toutes les dispositions qui érigent en infraction les déclarations concernant des faits historiques et qui pourraient avoir un effet dévastateur sur la liberté d'expression.