« Guerre contre la drogue » : la première condamnation de policiers met en lumière une réalité sanglante
Après que trois policiers ont été déclarés coupables de l’homicide de Kian delos Santos (17 ans) aux Philippines, Nicholas Bequelin, directeur du programme Asie de l’Est et du Sud-Est à Amnistie internationale, a déclaré :
« L’homicide de Kian est emblématique des atrocités de la “guerre contre la drogue” et ce verdict confirme qu’il s’agit d’une campagne brutale et meurtrière qui fait d’innocentes victimes.
« Mais ce verdict, certes bienvenu, ne va pas assez loin. La première condamnation de policiers dans le cadre de cette campagne sanglante intervient beaucoup trop tard. Trois policiers ont été déclarés coupables mais d’autres doivent encore être amenés à rendre des comptes, y compris les supérieurs qui sont susceptibles de porter une responsabilité dans les milliers d’homicides et d’autres violations des droits humains.
« En outre, le fait que seuls trois policiers aient été déclarés coupables jusqu’à présent montre qu’on ne peut pas faire confiance à la police pour enquêter sur ses propres agents. Il est donc nécessaire de créer un organe indépendant qui serait chargé de faire la lumière sur tous les homicides commis au nom de la “guerre contre la drogue” et d’amener tous les responsables présumés à répondre de leurs actes. Faute d’une telle entité, il est essentiel que les Nations unies ouvrent de toute urgence une enquête destinée à compléter l’examen en cours au sein de la Cour pénale internationale (CPI).
« Cette affaire n’est que la partie émergée de l’iceberg : Amnistie internationale et d’autres organisations ont recueilli des éléments sur des milliers d’homicides de personnes pauvres et marginalisées, notamment de mineurs comme Kian. Le bilan humain ne cesse de s’alourdir et les propos glaçants du président Rodrigo Duterte concernant la mise en place d’escadrons de la mort aux fins d’une autre de ses campagnes, qui vise les “insurgés communistes”, ne feront qu’ancrer davantage la culture de l’impunité qui s’est propagée dans le pays. Toutes les victimes méritent la justice et cette campagne illicite et meurtrière du régime Duterte doit prendre fin immédiatement. »
Complément d’information
Le 16 août 2017, Kian Loyd delos Santos a été tué dans une ruelle sombre proche de son domicile, à Caloocan. Selon le rapport de police, l’adolescent aurait fait feu le premier pendant l’opération, obligeant la police à répliquer. Pourtant, des témoins et des enregistrements de vidéosurveillance ont révélé que des agents en civil avaient traîné Kian jusque dans une ruelle, où ils l’avaient abattu à bout portant.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Rodrigo Duterte, des milliers de personnes ont été tuées dans une vague de violence cautionnée par l’État. En 2018, la CPI a démarré un examen préliminaire de tous les crimes que le régime philippin aurait commis dans le cadre de la « guerre contre la drogue ».
Amnistie internationale a signalé à plusieurs reprises que les appels de Rodrigo Duterte avaient créé un environnement dans lequel la police, des tireurs inconnus qui auraient un lien avec elle et même de simples citoyens estiment qu’ils peuvent tuer en toute impunité. Le président a établi des listes de personnes à abattre et les a rendues publiques – ces listes contiennent le nom de personnes qui consommeraient de la drogue ou se livreraient au trafic de stupéfiants – et a laissé entendre que les policiers ou les civils qui tueraient des consommateurs ou des trafiquants de drogue ne seraient pas inquiétés.