Nous sommes plus que des réfugiés. Nous sommes des êtres humains qui ont une histoire
Je m’appelle Liliana Esther. J’ai 36 ans et je viens de Valledupar, en Colombie. Je vis actuellement avec mon mari Fabian à Texcoco, dans le centre du Mexique, en attendant le résultat de notre demande d’asile. Mes deux filles – Dalyn, 13 ans, et Cely, 11 ans – ont des difficultés d’apprentissage.
Avant de venir au Mexique, nous habitions à Maicao, une ville non loin de la mer dans le nord de la Colombie. Nous étions heureux là-bas. Nous avions une petite boutique et nous vivions près de notre famille. Mais en 2008, tout a changé. Les paramilitaires s’en sont pris à mon beau-frère en raison d’un litige avec l’entreprise pour laquelle il travaillait. Il a été tué peu de temps après. Ma famille a également commencé à recevoir des menaces à la suite de ce litige, et nous avons dû nous enfuir au Venezuela.
J’ai une double nationalité, colombienne et vénézuélienne, je pensais donc que ma famille serait en sécurité là-bas. J’étais persuadée que nous pourrions démarrer une nouvelle vie, et ce fut le cas pendant quelques années. Nous avons habité à Maracaibo et dans la région d’Oriente, à travailler pour l’église. Mais la situation s’est à nouveau dégradée petit à petit. Une crise politique et socio-économique a éclaté.
Mes filles avaient besoin de certains médicaments que je ne pouvais pas trouver au Venezuela. Moi-même, je devais subir une intervention chirurgicale qui ne pouvait pas être réalisée dans le pays. Le coup de grâce a été le moment où les autorités m’ont confisqué ma carte d’identité parce que je n’avais pas voté pour le parti au pouvoir. C’est là que j’ai su que je devais quitter définitivement le Venezuela.
Nous sommes rentrés en Colombie en 2014 et nous nous sommes lancés dans l’agriculture. Mais le fantôme du passé nous hantait. Les mêmes groupes qui avaient tué mon beau-frère ont continué de nous menacer et de chercher à nous intimider. Nous avons donc décidé une bonne fois pour toutes de recommencer notre vie ailleurs. Nous avions besoin d’un nouveau départ loin de toutes les épreuves traversées.
Nous sommes arrivés au Mexique en novembre 2017 et nous avons déposé une demande d’asile en mars 2018. Nous attendons avec impatience l’issue de cette démarche. Malgré l’incertitude, nous nous sentons en sécurité ici. Le Mexique et les Mexicains nous traitent bien. Nous sommes arrivés avec moins de 200 dollars en poche et peu de temps après, une famille nous a offert de la nourriture et un logement, où nous vivons encore aujourd’hui.
Fabian et moi avons un travail. Nous vendons des flans maison et de la gélatine sur un marché local. Le week-end, nous visitons des musées et des villes de la région, et nous profitons de la richesse historique et culturelle du Mexique. Cely et Dalyn se sont fait des nouveaux amis. Tout le monde se montre compréhensif et les aide. Elles espèrent pouvoir étudier à l’université de Chapingo, près de chez nous, quand elles seront plus grandes. Fabian et moi prévoyons d’ouvrir un restaurant colombien, pour partager notre gastronomie et notre culture avec le pays qui nous a si chaleureusement accueillis.
Nous entendons souvent que les personnes réfugiées sont un fardeau pour la société, mais nous sommes la preuve vivante que ce n’est pas le cas. Nous souhaitons que le Mexique nous accorde l’asile, non pas seulement pour notre sécurité, mais aussi pour que nous puissions nous créer une nouvelle vie et intégrer une nouvelle société. Nous avons l’espoir et l’ambition de nous développer personnellement, professionnellement et en tant que famille dans notre nouveau pays. Nous ne voulons pas être un fardeau pour la société, mais plutôt une partie intégrante.
Nous voulons que les gens nous connaissent par notre prénom, et non par notre statut d’immigrés. On m’a baptisée Liliana, d’après une amie proche de ma mère, tandis que Fabian Lino doit son nom à son héritage italien. Cely était le prénom de ma mère, c’est maintenant celui de ma plus jeune fille. Et Dalyn, notre aînée, tient son nom d’une de mes meilleures amies. Nos noms ont une signification et nous façonnent en tant que personnes et en tant que famille. C’est ainsi que nous souhaitons êtres vus. Non pas comme des « réfugiés », mais comme Liliana, Fabian, Dalyn et Cely. Non pas comme des « demandeurs d’asile », mais comme des êtres humains qui ont une histoire, une vie et des ambitions.
Nous appelons le gouvernement mexicain et les gouvernements à travers le monde à reconnaître non seulement l’humanité de notre famille, mais aussi l’humanité de toutes les personnes qui, en raison des épreuves endurées dans leur ancienne vie, ont besoin d’un nouveau départ, d’écrire une nouvelle page. Car derrière chaque demandeur d’asile, il y a un être humain. Derrière chaque personne réfugiée, il y a un nom.
Cet article a été publié initialement par The Lily.