Cinq cent mille actions ont été lancées par des sympathisants d’Amnistie internationale pour mettre fin à l’impunité pour les homicides illégaux perpétrés par la police
Le 15 mars, Amnistie internationale, accompagnée de proches de personnes tuées par la police dans plusieurs pays du continent américain, a remis 64 331 lettres et signatures au bureau du Premier ministre jamaïcain Andrew Holness, dans le cadre d’une campagne qui a généré 500 000 actions demandant au gouvernement jamaïcain de protéger les familles des victimes contre les mesures d’intimidation généralisées de la police et de veiller à ce qu’elles puissent avoir accès à la justice.
« Des centaines de milliers de militants et de militantes des quatre coins du monde, jusqu’en Suède, à Taiwan ou en Côte d'Ivoire, ont fait clairement savoir au Premier ministre Andrew Holness que la vague inquiétante d’homicides imputables à la police ne pouvait pas rester impunie », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice d’Amnistie internationale pour la région Amériques.
« Le gouvernement jamaïcain doit donner au tribunal spécial du coroner les moyens de traiter les affaires d’homicides imputables à la police et éliminer les obstacles structurels et les méthodes d’intimidation dont la police se sert pour empêcher les familles des victimes de tenter d’obtenir justice.
En 2017, quelque 168 personnes ont été tuées par des agents des forces de l’ordre jamaïcains, soit en moyenne trois personnes par semaine dans un pays qui compte 2,8 millions de personnes. Au cours des dix dernières années, seuls quelques rares policiers ont été déclarés coupables de tels homicides.
Un tribunal spécial du coroner a été créé en 2011 pour mener des enquêtes sur ces homicides imputables à la police et déterminer la légalité de leurs actions, mais le nombre d’affaires en attente s’accumule, en raison du budget annuel insuffisant qui lui est alloué et qui permet d’employer seulement un juge et très peu de personnel.
Les méthodes d’intimidation et de harcèlement auxquelles la police a recours pour réduire les familles des victimes au silence sont un autre obstacle à la justice, comme l’a démontré Amnistie internationale dans son rapport de 2016 (en anglais) intitulé Waiting in Vain, Jamaica: Unlawful Police Killings and Relatives’ Long Struggle for Justice.
Dans le cadre de la campagne annuelle d'Amnistie internationale Écrire pour les droits, 500 000 actions dénonçant les homicides commis par la police en Jamaïque ont été lancées dans le monde entier depuis décembre 2017, notamment des tweets, des lettres, des courriels et des milliers de messages de solidarité pour Shackelia Jackson, dont le frère, Nakiea Jackson, a été tué par la police jamaïcaine en 2014.
En 2016, une enquête préliminaire sur cette affaire avait été classée sans suites lorsqu’un témoin clé avait refusé de comparaître au tribunal, par peur des représailles. La famille Jackson a déclaré que la police avait effectué plusieurs descentes dans leur quartier, et qu’elle avait été victime de manœuvres d’intimidation au tribunal. Comme des centaines d’autres, l’affaire est maintenant en attente d’enquête.
« En Jamaïque, le problème c'est le système. Il ne fonctionne plus. Je sais que c’est le tireur qui est responsable de la mort de mon frère, mais c'est le système qui a permis à cette tragédie de se produire, dans ce cas-là comme dans tant d'autres », a déclaré Shackelia Jackson, qui a participé à la remise de la pétition au bureau du Premier ministre à l’occasion de la Journée internationale contre les violences policières.
Mercia Fraser, la mère de Mario Deane, mort après avoir été violemment frappé en garde à vue, ainsi que des membres de l’ONG Jamaicans for Justice faisaient également partie de la délégation qui a remis la pétition.
Des proches de personnes tuées par la police aux États-Unis et au Brésil ont également participé, notamment Katrina Johnson, dont la cousine Charleena Lyles était enceinte de 14 semaines lorsqu’elle a été abattue par la police devant ses enfants après avoir signalé un cambriolage chez elle, à Seattle (État de Washington).
Ana Paula de Oliveira, la mère de Johnatha de Oliveira, tué par la police à Rio de Janeiro en 2014, à l’âge de 19 ans, était également présente.