Des prisonnières d’opinion membres de la minorité religieuse derviche Gonabadi d’Iran subissent des maltraitances verbales, notamment des insultes à caractère sexuel, et son privées des soins médicaux dont elles ont besoin par des médecins et d’autres professionnels de santé à la prison de Shahr-e Rey, près de Téhéran, a révélé Amnistie internationale vendredi 25 mai.

L’organisation a recueilli des témoignages indiquant que des médecins de la prison, installée sur le site d’une ancienne ferme avicole industrielle à Varamin, qualifient systématiquement de « fausses » les plaintes de douleur et d’inconfort de ces femmes et refusent de leur prescrire des médicaments en temps voulu ou de procéder à des examens diagnostiques complets. De plus, ils ne s’assurent pas que le matériel médical de l’infirmerie de la prison fonctionne correctement et ne présente aucun risque pour la santé des patientes.

« La privation délibérée de soins médicaux à une personne détenue est illégale, cruelle et inhumaine ; elle peut s’apparenter à une forme de torture. Ces femmes membres de la minorité religieuse derviche Gonabadi d’Iran ne devraient même pas être emprisonnées. Il est lamentable que les autorités iraniennes cherchent à les intimider et les tourmenter encore davantage, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.

« Les autorités iraniennes doivent veiller à ce que toutes les personnes en détention reçoivent les soins médicaux dont elles ont besoin et soient traitées avec respect et dignité. Tout agent de l’administration pénitentiaire soupçonné de mauvais traitements ou de privation de soins médicaux à l’égard de personnes détenues doit faire l’objet d’une enquête et être jugé dans le cadre de procès conformes aux normes internationales. »

Au moins 10 femmes membres de la minorité religieuse derviche Gonabadi d’Iran sont détenues arbitrairement à la prison de Shahr-e Rey dans des conditions inhumaines, sans pouvoir contacter leurs avocats, depuis février 2018. Elles ont été arrêtées pour avoir participé pacifiquement à une manifestation organisée à Téhéran par des membres de minorités persécutées, qui a tourné à la violence lorsque les forces de sécurité ont utilisé des canons à eau, des armes à feu et du gaz lacrymogène pour disperser la foule.

À la suite des mauvais traitements que leur ont infligés les forces de sécurité, ces femmes souffrent de divers problèmes de santé en détention, parmi lesquels des blessures à la tête, des fractures du bras et des saignements vaginaux. Elles sont également privées de soins médicaux pour des affections dont elles étaient déjà atteintes auparavant, telles que l’asthme, le diabète et l’hypertension.

Selon des informations reçues par Amnistie internationale, ces femmes ont été soumises à des questions hostiles à la manière d’un interrogatoire au sujet de leur dossier judiciaire et à des insultes relatives à leurs croyances par des médecins de la prison de Shahr-e Rey. Il semblerait que des médecins aient également cherché à les dégrader en exploitant des tabous culturels entourant la sexualité, au moyen de questions intrusives sur leurs relations sexuelles, par exemple en leur demandant si elles avaient des « petits-amis » ou si elles « couch[ai]ent avec des hommes ».

Une source a affirmé à Amnistie internationale que les femmes demandant des soins médicaux urgents le soir ou la nuit s’en voyaient refuser certains jusqu’au lendemain par des médecins et des infirmières et étaient même réprimandées pour avoir interrompu le sommeil du personnel médical en pleine nuit.

Des inquiétudes concernent par ailleurs la fiabilité du matériel médical de l’infirmerie de la prison car, au cours des trois derniers mois, la tension artérielle de certaines détenues a été mesurée comme normale alors même qu’elles présentaient des symptômes d’hypertension, comme de fortes céphalées, des troubles de la vision, des douleurs de poitrine, des difficultés respiratoires et un pouls irrégulier. L’hypertension expose à un risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de maladies cardiaques.

Des détenues ont également déclaré que, en raison du manque de brancards et de fauteuils roulants, d’autres détenues étaient forcées à porter des prisonnières malades de leur cellule à l’infirmerie, ce qui occasionnait des chutes et d’autres accidents.

« L’accès des détenus aux soins médicaux est un droit inscrit dans le droit international et la législation iranienne. La communauté internationale, en particulier l’Union européenne, doivent demander aux autorités iraniennes de permettre sans délai l’entrée d’observateurs internationaux, notamment le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, afin qu’ils puissent procéder à des inspections sans prévenir à la prison de Shahr-e Rey et s’y entretenir en privé avec des détenues », a déclaré Philip Luther.

Certaines informations préoccupantes indiquent que les autorités pénitentiaires, tentant délibérément de les maltraiter et de les dégrader encore plus, ont aussi forcé les prisonnières derviches Gonabadi à arracher des mauvaises herbes à mains nues dans la cour de la prison pour obtenir l’autorisation de téléphoner à leurs proches et de prendre l’air deux heures par jour.

La prison de Shahr-e Rey est une ancienne ferme avicole désaffectée, où sont détenues plusieurs centaines de femmes condamnées pour des infractions violentes, dans des conditions qui sont loin d’être conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Les détenues se plaignent souvent des taches d’urines sur les sols, de la mauvaise aération, de la saleté des installations sanitaires, qui sont en outre insuffisantes, de la fréquence des maladies contagieuses, de la mauvaise qualité de la nourriture, qui contient de petits morceaux de cailloux, et de l’eau qui est salée.

Complément d’information

Les 10 femmes membres de la minorité religieuse derviche Gonabadi d’Iran actuellement détenues se nomment Shokoufeh Yadollahi, Sepideh Moradi, Maryam Farisani, Nazila Nouri, Sima Entesari, Shima Entesari, Sedigheh Safabakht, Maryam Barakouhi, Elham Ahmadi et Avisha Jalaledin. Une onzième femme, Shahnaz Kiani, qui souffre de graves problèmes de santé, notamment d’hypertension, de douleurs abdominales et de diabète, a été libérée le 23 mai après avoir été privée de soins médicaux adaptés pendant plusieurs mois.

Au cours des dernières semaines, ces femmes ont été présentées devant le parquet et formellement inculpées d’accusations fallacieuses ayant trait à la sécurité nationale, telles que « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale », « troubles à l’ordre public » et « diffusion de propagande contre le régime ». Leurs avocats n’ont pas été autorisés à être présents pour cette audience ni à s’entretenir avec leurs clientes auparavant.

Les femmes détenues disent avoir été menacées de transfert dans des prisons situées dans des provinces éloignées.

Amnistie internationale a déjà appelé les autorités iraniennes à libérer immédiatement et sans condition toutes les femmes derviches Gonabadi détenues à la prison de Shahr-e Rey, qui sont emprisonnées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion.