Les droits humains dans le Golfe de nouveau au centre de l’attention à l’approche du sommet du CCG
L’intensification de la répression des libertés dans les États du Golfe a provoqué un regain d’intérêt à l’échelle internationale pour la situation des droits humains dans la région, a déclaré Amnistie internationale vendredi 7 décembre 2018, à l’approche du sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui se tient dimanche 9 décembre 2018 à Riyadh.
« L’année 2018 a été particulièrement brutale pour les militants pacifiques des droits humains, les journalistes et les dissidents dans les États du Golfe. L’ignoble assassinat de Jamal Khashoggi en octobre a braqué les projecteurs du monde entier sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits humains, tant sur son territoire qu’au Yémen. Tous les pays du Golfe se réunissant dimanche ont poursuivi leur entreprise de répression des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion au cours de l’année écoulée », a déclaré Heba Morayef, directrice des campagnes pour le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Les dirigeants du Golfe ne peuvent pas continuer à gouverner en estimant qu’ils ont carte blanche pour traiter leurs citoyens comme des criminels à chaque fois qu’ils expriment une opinion dissidente sans craindre de répercussions internationales. »
Les États du CCG – Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar – se réunissent habituellement pour débattre de la coopération en matière de commerce et de sécurité. Les questions relatives aux droits humains ont été totalement ignorées lors des sommets précédents. La participation du Qatar au sommet de dimanche reste incertaine en raison des tensions actuelles entre le Qatar et l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn.
Une situation des droits humains qui se détériore
En 2018, les persécutions à l’encontre de défenseur·e·s des droits humains, de journalistes et de dissident·e·s pacifiques se sont intensifiées dans la région du Golfe. Les actes de torture, le harcèlement, les détentions arbitraires, les exécutions et les procès iniques sont fréquents depuis des années, et certains gouvernements continuent d’utiliser des lois « antiterroristes » formulées en termes vagues afin de museler les voix dissonantes.
En mai, les autorités saoudiennes ont déclenché une vague d’arrestations qui visait de nombreux défenseur·e·s des droits humains, notamment des militant·e·s des droits des femmes. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient Loujain al Hathloul, Iman al Nafjan et Aziza al Yousef. Toutes trois ont fait campagne contre l’interdiction faite aux femmes de conduire des véhicules ainsi que le système de tutelle masculine. Ces femmes sont toujours maintenues en détention dans l’attente de leur procès. Des détracteurs et détractrices du gouvernement, des universitaires, des religieux et des membres de la minorité chiite ont également été visés. L’Arabie saoudite requiert actuellement la peine de mort pour Israa al Ghomgham, une militante chiite qui avait participé à des manifestations contre le gouvernement dans la province de Qatif.
À Bahreïn, aux Émirats arabes unis et à Oman, des dizaines de dissident·e·s sont toujours maintenus en détention. Parmi ces personnes, les figures d’opposition Ali Salman, Hasan Mushaima et Abdulwahab Hussain, ainsi que les défenseurs des droits humains Nabeel Rajab et Abdulhadi al Khawaja. Depuis mi-2016, les autorités bahreïnites ont lancé une campagne systématique visant à éliminer toute opposition politique organisée dans le pays.
Aux Émirats arabes unis, le militant des droits humains Ahmed Mansoor, l’avocat Mohammed al Roken et l’universitaire Nasser bin Ghaith purgent tous les trois de longues peines d’emprisonnement uniquement pour avoir exprimé pacifiquement leur opinion. À Oman, les militants des droits humains Saeed Jaddad et Mohammed al Fazari ont été conduits à l’exil après des années de persécution de la part du gouvernement.
Avec des lois restrictives toujours en vigueur et un environnement politique particulièrement répressif, les autorités du Koweït et du Qatar semblent avoir remporté, pour l’heure, leur bataille contre la liberté d’expression. Cette année, le Koweït a imposé une nouvelle peine d’emprisonnement à l’ancien député Musallam al Barrak car celui-ci avait soutenu une manifestation publique. Quant au Qatar, il a emprisonné jusqu’en 2016 le poète Mohammed al Ajami car celui-ci avait lu des extraits de son œuvre à des invités dans son propre appartement.
Les gouvernements des pays du Golfe n’ont pas seulement commis des violations des droits humains sur leur propre territoire. La coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis continue de ravager le Yémen. En trois ans et demi de conflit, la coalition a tué des milliers de civils, dont des enfants, en bombardant ou en tirant des obus sur des hôpitaux, des écoles et des habitations, et des milliers d’autres civils sont menacés par une famine causée par la guerre.
Amnistie internationale appelle la communauté internationale, en particulier les alliés occidentaux des pays du CCG, à faire davantage pression sur les dirigeants du Golfe afin qu’ils respectent et protègent les droits humains.
« Il est temps que les membres du CCG cessent d’ignorer les droits humains. Nous appelons les gouvernements à faire usage des leviers dont ils disposent pour demander la libération immédiate et sans condition de toutes celles et tous ceux qui sont détenus uniquement en raison de leurs activités pacifiques de défense des droits humains, de leurs publications dans les médias ou en ligne, ou parce qu’ils ont exprimé des opinions divergentes dans les États du Golfe », a déclaré Heba Morayef.