• 17 oct 2025
  • Türkiye
  • Communiqué de presse

Turquie. Les dispositions divulguées qui criminaliseraient les personnes LGBTI « ne doivent en aucun cas être intégrées dans la législation »

En réaction à un projet de loi divulgué intitulé « 11paquet judiciaire » qui propose des sanctions pénales visant la communauté LGBTI en Turquie, Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe pour l’Europe à Amnistie internationale, a déclaré :

« Ces propositions constituent une grave menace pour les droits des personnes LGBTI et de celles qui les défendent. Elles ne doivent en aucun cas être intégrées dans la législation.  

« Pour la première fois de l’histoire de la République turque, les législateurs pourraient envisager la criminalisation de toute expression des identités LGBTI, des relations sexuelles entre adultes consentants et de l’accès à des soins de réattribution sexuelle qui sont vitaux. Aux termes des dispositions figurant dans ce projet de loi, des gens pourraient encourir des peines d’emprisonnement sur la base de stéréotypes de genre, en fonction de la manière dont ils se présentent et des personnes qu’ils choisissent de fréquenter. Si ce texte était examiné et adopté, tout propos positif sur des sujets liés aux personnes LGBTI pourrait également être passible de poursuites pour “incitation, promotion ou éloge” de celles-ci.

« Sous le prétexte fallacieux de protéger “les bonnes mœurs” et “l’institution familiale”, ces mesures menaceraient en réalité les fondements mêmes de la société turque. Si ces dispositions étaient adoptées, elles constitueraient une violation grave de l’obligation qui incombe aux autorités turques de respecter, de protéger et de garantir les droits humains des personnes LGBTI et de leurs allié·e·s sans discrimination. Elles représenteraient un immense retour en arrière, il faut donc y répondre par une résistance forte et un rejet catégorique. »

Complément d’information

Le texte de 66 pages qui a été divulgué, intitulé Projet de loi portant modification du Code pénal turc et de certaines lois, comporte des dispositions qui modifieraient le Code pénal, le Code civil et d’autres lois. C’est la troisième fois en un an qu’un projet législatif comprenant des mesures visant les personnes LGBTI est porté à la connaissance du public. Les deux précédents n’ont pas été examinés par la Commission parlementaire pour la Justice, comme le prévoit la procédure législative.

La modification proposée de l’article 225 du Code pénal turc (relatif aux « actes indécents ») alourdirait à trois ans la peine encourue par toute personne qui « se livre publiquement à des relations sexuelles ou de l’exhibitionnisme » et prévoirait dans le nouveau deuxième paragraphe que « toute personne qui affiche une attitude ou un comportement contraire à son sexe biologique de naissance et aux bonnes mœurs, ou qui encourage, félicite ou promeut publiquement ce type de comportement, est passible d’une peine d’emprisonnement d’un à trois ans ».

Si ces propositions étaient examinées et approuvées par le Parlement, les couples de même sexe organisant des cérémonies symboliques de fiançailles ou de mariage encourraient jusqu’à quatre années de prison. Le mariage entre personnes de même sexe n’est pas légal en Turquie.

La motivation invoquée pour justifier cette modification est « d’élever des personnes et des générations saines physiquement et mentalement et de protéger l’institution familiale et la structure sociale ».  

Par ailleurs, le document divulgué comporte des modifications de l’article 40 du Code civil turc qui rendraient les procédures de réattribution sexuelle extrêmement difficiles, voire impossibles, et créeraient de nouveaux obstacles pour les personnes souhaitant obtenir une reconnaissance juridique de leur identité de genre. Les propositions de modification relèveraient notamment l’âge minimum pour s’engager dans ces procédures de 18 à 25 ans, réintroduiraient l’obligation d’être privé définitivement de ses fonctions reproductives et imposeraient des évaluations supplémentaires dans les hôpitaux conventionnés pour démontrer que la réattribution sexuelle est nécessaire au bien-être de la personne concernée.

Un nouvel article est également proposé pour le Code pénal, selon lequel les personnes s’engageant dans des procédures de réattribution sexuelle seraient passibles de poursuites. Cet article criminaliserait aussi les professionnel·le·s de santé qui réalisent ces procédures, en prévoyant des peines d’emprisonnement à leur encontre.