Alieta : « J’ai très peur du changement climatique »

Alieta, 55 ans, est une enseignante de Tuvalu qui souffre d’une déficience visuelle. En 2016, elle n’a eu d’autre choix que de retirer son nom de la demande de visa PAC de sa famille afin de permettre à sa fille de six ans et à son mari de partir en Nouvelle-Zélande. Elle n’a jamais pu aller voir sa fille en Nouvelle-Zélande, toutes ses demandes de visa de visiteur ayant été rejetées.
En 2015, nous avons déposé une demande de visa PAC, et en 2016, mon mari est parti avec notre fille. Nous sommes allés jusqu’aux Fidji, mais je suis restée bloquée sur place. J’y ai séjourné pour tenter de redemander un visa pour moi. La première fois, dans le cadre de la demande de visa PAC, je n’ai pas été acceptée en raison de mon handicap. Ma vision est très basse ; je ne vois que de près.
Le premier formulaire à remplir ne fait pas mention des handicaps. Ce n’est qu’à la deuxième étape que le formulaire indique que les personnes en situation de handicap ne sont pas éligibles. J’ai pris connaissance de cette information qui m’a fait de la peine pendant le processus de demande. Je n’aurais pas déposé de demande pour que ma famille parte si j’avais su qu’ils n’accepteraient pas les personnes en situation de handicap. Je ne voulais pas que notre famille soit séparée.
J’ai un handicap, mais je voulais que ma fille soit fière de moi. Je me disais que si j’allais en Nouvelle-Zélande, je ferais de mon mieux pour trouver un bon travail sur place, afin qu’elle soit fière de moi, de ce que je ferais pour elle.
Je voulais que [mon mari] ait un bon travail pour scolariser notre fille et je pense aux effets du changement climatique ici. J’ai très peur du changement climatique.
Le changement climatique et les personnes en situation de handicap [...]. C’est très difficile pour nous. J’habitais à un endroit très proche de la mer, entre l’océan et le lagon. Quand la marée haute est arrivée, elle a inondé toute la route et aussi la maison. La pluie est entrée dans la maison. Dans ce type de situation, il est difficile pour nous, les personnes en situation de handicap, de nous déplacer mais nous ne sommes pas non plus en sécurité si nous restons chez nous. Par mauvais temps, nous restons à l’intérieur [...] c’est pour cela que je veux m’éloigner de la mer.
Lorsque ma fille m’a dit au revoir, au moment d’embarquer, elle pleurait et disait : « Maman, je ne veux pas y aller, je veux que tu viennes ! » J’essayais d’être forte pour ma fille, je voulais qu’elle parte pour bénéficier d’une éducation. Je voulais qu’elle ait une belle vie pour son avenir. [En tant qu’enseignante], j’avais suivi des cours d’enseignement préscolaire, donc je savais à quel point ce serait difficile pour mon enfant. Je ne lui montrais pas comme je me sentais faible.
Après leur départ en 2015, je ne les ai revus qu’une fois, aux Fidji, en 2017 pendant un séjour d’un mois. J’appelle ma fille et je lui parle, mais depuis, nous ne nous sommes jamais revues. Je parle à ma fille, mais mon mari m’a bloquée […]. La première fois, avec la demande de visa PAC, je ne pouvais pas y aller. Je suis allée au bureau du médiateur, ici à Tuvalu, et on m’a dit de redéposer une demande de visa. J’ai demandé un visa de visiteur depuis les Fidji en 2017 et celle-ci a quand même été rejetée. J’ai déposé deux ou trois demandes et toutes ont été refusées. J’ai payé 200 à 300 dollars australiens pour chaque demande.
Au début, je n’étais pas en colère contre la Nouvelle-Zélande. J’ai continué à demander un visa [...]. Mais je suis triste pour ma fille. Je ne voulais pas être séparée d’elle. C’est difficile pour les enfants.