• 7 fév 2025
  • Israël et territoire palestinien occupé
  • Communiqué de presse

Israël/TPO. La libération d’un travailleur humanitaire palestinien après presque neuf années d’incarcération inique clôt une terrible erreur judiciaire

La libération attendue de longue date du travailleur humanitaire et prisonnier d’opinion palestinien Mohammed al Halabi, dans le cadre de l’accord d’échange d’otages et de prisonniers entre Israël et le Hamas, met fin à son calvaire et à une erreur judiciaire flagrante, a déclaré Amnistie internationale le 7 février2025. Elle demande une nouvelle fois la libération immédiate de tous les otages civils retenus à Gaza et de tous les Palestiniens détenus arbitrairement en Israël. 

Le 15 juin 2016, l’Agence israélienne de sécurité a arrêté Mohammed al Halabi, ancien directeur à Gaza de l’organisation d’aide humanitaire et de développement World Vision, au poste-frontière d’Erez, entre Israël et la bande de Gaza occupée. Il a été interrogé sans avocat, torturé, jugé lors d’audiences secrètes et condamné à l’issue d’un procès manifestement inique, sur la base de preuves non divulguées selon lesquelles il aurait détourné des fonds au profit du Hamas. En août 2022, il a été condamné à 12 ans de prison par le tribunal de district de Beersheba. 

Lors de sa libération le 1er février 2025, il présentait des signes visibles de torture et de malnutrition, notamment une perte de poids inquiétante. 

« Mohammed al Halabi a été injustement pris pour cible par les autorités israéliennes en raison de son travail humanitaire. Il n’aurait jamais dû être arrêté, et encore moins passer près de neuf ans derrière les barreaux, en toute illégalité. La procédure kafkaïenne intentée contre lui, marquée par une détention provisoire prolongée, les multiples reports de son procès qui a duré six ans et sa condamnation inique, qui reposait largement sur la déposition d’un détenu informateur, constitue une terrible erreur judiciaire, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale des recherches, du travail de plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnistie internationale. 

« La condamnation injuste de Mohammed al Halabi doit être annulée. Les actes de torture et les mauvais traitements auxquels il a été soumis lors des interrogatoires et en prison doivent faire l’objet d’une enquête indépendante en vue d’amener les responsables à rendre des comptes. 

« Son calvaire derrière les barreaux illustre la façon dont le système judiciaire discriminatoire israélien contribue à maintenir le système d’apartheid à l’égard des Palestinien·ne·s. Il souligne la nécessité de libérer tous les Palestinien·ne·s détenus arbitrairement dans les prisons israéliennes. » 

Tout au long de la procédure engagée contre lui, le parquet israélien n’a pas réussi à étayer les allégations selon lesquelles il était coupable d’avoir détourné des fonds au profit du Hamas et les charges retenues contre lui reposaient sur des preuves « secrètes » et sur la déposition obtenue sous la contrainte d’un détenu informateur. Malgré d’énormes pressions, Mohammed al Halabi a refusé à plusieurs reprises de conclure un accord qui lui aurait permis d’obtenir une forte réduction de sa peine en échange d’« aveux » au sujet d’accusations qu’il a fermement niées. 

S’adressant à Amnistie internationale après sa libération et son retour dans sa maison gravement endommagée dans la ville de Gaza, Mohammed al Halabi a déclaré : « Elles [les autorités israéliennes] m’ont torturé mais n’ont pas réussi à briser mon esprit. Je répète que je suis innocent de toutes les accusations portées contre moi et je reste déterminé à le prouver devant un tribunal, même après ma libération. » 

Mohammed al Halabi a raconté qu’après le 7 octobre 2023, il a été transféré à la prison de Nafha, dans le sud d’Israël, où les radios ont été confisquées et la plupart des visites des avocats refusées, de même que tout contact avec des membres de sa famille ou des observateurs indépendants. Tout au long des 15 mois de conflit, il n’a pu recevoir que des bribes d’informations sur ses proches à Gaza, la seule fois où il a pu rencontrer son avocat.  

« C’était le pire : ne pas savoir si ma femme et mes enfants sont en vie, ne pas savoir comment ils s’en sortent ? Ont-ils été déplacés ? Bombardés ? Les reverrai-je un jour ? C’était encore pire que la famine et la torture que nous avons endurées [en prison]. » 

Il a également déclaré être prêt à reprendre son travail humanitaire :  

« Le besoin d’aide humanitaire, le type de travail que je faisais avant d’être arrêté, sont plus nécessaires que jamais. Lors des précédents conflits, nous divisions les bâtiments touchés en deux catégories : entièrement ou partiellement détruits. Mais lorsque je suis retourné au camp de réfugiés de Jabalia [dans le gouvernorat de Gaza-Nord], j’ai réalisé que la catégorie " partiellement détruits " était quasiment inexistante. Presque tous les bâtiments sont rasés. » 

Mohammed al Halabi a fait part de sa gratitude pour le soutien public qu’il a reçu du monde entier depuis son arrestation : « Même pendant les heures les plus sombres, je savais que beaucoup croyaient en mon innocence et que des partisans de la justice faisaient campagne en faveur de ma libération. Leur solidarité restera à jamais gravée dans mon cœur. » 

 

Complément d’information   

Le 30 août 2022, Mohammed al Halabi a été condamné à 12 ans de prison par le tribunal de district de Beersheba. Il a fait appel de sa condamnation auprès de la Cour Suprême israélienne, agissant en qualité de Haute Cour d’appel, et son appel est demeuré en instance jusqu’à sa libération le 1er février dans le cadre de l’accord d’échange d’otages et de prisonniers entre Israël et le Hamas. Amnistie internationale l’a adopté comme prisonnier d’opinion en mai 2023, concluant que les autorités israéliennes le prenaient pour cible en vue d’intimider d’autres défenseur·e·s des droits humains et de limiter l’espace du travail humanitaire à Gaza à l’époque. 

Mohammed al Halabi a été libéré dans le cadre du quatrième échange d’otages et de prisonniers entre Israël et le Hamas. Amnistie internationale demande une nouvelle fois au Hamas et aux autres groupes armés de libérer immédiatement et sans condition tous les civil·e·s retenus en otage à Gaza et à Israël de libérer tous les Palestinien·ne·s détenus arbitrairement, y compris ceux qui sont victimes d’une disparition forcée ou détenus au secret.