Les attaques aériennes des États-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes sont des meurtres. Le Congrès doit y mettre fin immédiatement
Les attaques aériennes des États-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui ont tué au moins 57 personnes depuis début septembre, sont illégales et le Congrès doit agir immédiatement pour empêcher le gouvernement américain de procéder à d’autres bombardements, a déclaré Amnistie internationale mercredi 29 octobre.
« Au cours des deux derniers mois, le Commandement Sud des États-Unis s’est livré à une frénésie meurtrière en suivant les ordres illégaux du gouvernement de Donald Trump, a déclaré Daphne Eviatar, responsable du programme Sécurité et droits humains à Amnistie internationale États-Unis. Le gouvernement n’a même pas donné les noms de ses victimes, ni présenté la moindre preuve de leurs crimes présumés. Mais de toute façon, tuer intentionnellement des personnes accusées d’avoir commis des infractions qui ne constituent pas une menace imminente pour la vie de quelqu’un, cela s’appelle un meurtre.
« Il est grand temps que le Congrès exerce son rôle de contrôle sur le comportement illicite du gouvernement, qu’il mette fin à ces frappes aériennes illégales et qu’il amène les responsables de ces meurtres à rendre des comptes. »
Ni preuve, ni fondement juridique
Les autorités américaines ont annoncé avoir procédé à 13 frappes aériennes en Amérique latine jusqu’à présent, dont huit dans les Caraïbes et cinq dans l’océan Pacifique. Le gouvernement de Donald Trump a tenté de justifier ses actions en affirmant – sans fournir la moindre preuve – que les cibles étaient des « narcoterroristes » qui transportaient de la drogue.
L’interception de bateaux soupçonnés de transporter des stupéfiants est une opération de maintien de l’ordre soumise au droit international relatif aux droits humains, qui dispose que toutes les personnes ont droit à la vie et à un procès équitable et qui n’autorise les États à utiliser la force meurtrière qu’en cas de risque imminent de mort et si des moyens moins extrêmes, tels que la capture, sont insuffisants.
Un État qui tue intentionnellement une personne en dehors de ce cadre commet une exécution extrajudiciaire, qui est une forme de meurtre, quel que soit le crime présumé que la victime pourrait avoir perpétré.
Dans le cas de ces bombardements, le gouvernement de Donald Trump n’a fourni aucune preuve que ses victimes présentaient des menaces imminentes pour la vie humaine. Même si les bateaux ou les personnes visés transportaient des stupéfiants, le transport de drogue ne constitue pas à lui seul une menace imminente pour la vie qui pourrait justifier un recours à la force meurtrière.
Le gouvernement n’a par ailleurs pas démontré qu’il n’aurait pas pu arrêter et arraisonner les bateaux, comme le font régulièrement les garde-côtes des États-Unis. En réalité, le secrétaire d’État, Marco Rubio, a même confirmé que les États-Unis auraient pu intercepter le premier bateau touché mais ont préféré le bombarder.
« Les frappes aériennes du Commandement Sud des États-Unis sont des actes commis sans scrupules par un gouvernement qui fait fi du cadre légal, a déclaré Daphne Eviatar. Si le gouvernement de Donald Trump veut lutter contre la toxicomanie, il doit financer des programmes de santé publique en faveur de la prise en charge et de la prévention aux États-Unis, au lieu de faire exploser des bateaux illégalement en Amérique latine et dans les Caraïbes. Quelles que soient les infractions commises par les cartels de la drogue, c’est un crime au regard du droit international et national, de la part des autorités américaines, d’exécuter une personne qu’elles accusent de faire partie d’une organisation qui transporte des stupéfiants. Elles ne peuvent pas le faire dans la rue aux États-Unis, et elles ne peuvent pas le faire dans les eaux internationales. »
Les Caraïbes et le Pacifique Est ne sont pas des zones de guerre
Des responsables gouvernementaux ont affirmé que les États-Unis sont « en guerre » avec les cartels de la drogue, en laissant entendre que le gouvernement estime que les lois de la guerre, qui autorisent à tuer des combattants ennemis sur le champ de bataille, s’appliquent dans les Caraïbes et le Pacifique. Cet argument est faux.
Les États-Unis ne sont partie à aucun conflit armé dans les Caraïbes ou le Pacifique. Personne, y compris les trafiquants de drogue, n’a attaqué les États-Unis d’une quelconque manière qui justifierait une réponse militaire.
En outre, le Congrès n’a pas autorisé le recours à la force militaire contre les cartels. Toutefois, même s’il le faisait, ces frappes aériennes seraient toujours illégales au regard du droit international relatif aux droits humains.
« Les lois de la guerre ne s’appliquent absolument pas ici. Les Caraïbes et le Pacifique Est ne sont pas des zones de guerre où l’armée américaine peut bombarder des bateaux dont la Maison-Blanche affirme qu’ils transportent des ennemis, a déclaré Daniel Noroña, directeur des actions de plaidoyer pour les Amériques à Amnistie internationale États-Unis. Déployer l’armée pour de prétendus motifs liés au maintien de l’ordre est une vieille stratégie autoritaire vouée à l’échec qui a conduit à maintes reprises à de graves violations des droits humains en Amérique latine. Ces frappes aériennes envoient par ailleurs un message inquiétant d’autorisation tacite aux autres dirigeant·e·s qui souhaitent procéder à des exécutions extrajudiciaires. »
Le Congrès doit agir
Le Congrès doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher ces frappes aériennes afin que le gouvernement ne commette plus de meurtres à l’étranger ni aux États-Unis.
Il doit également exiger que les personnes responsables de ces homicides, tant de façon directe qu’en les ordonnant, soient traduites en justice. Les parlementaires doivent pour cela mener des enquêtes approfondies et indépendantes jusqu’au plus haut niveau du gouvernement afin d’établir les responsabilités.
Le président Donald Trump a déjà revendiqué publiquement la responsabilité des ordres de procéder à ces homicides. Lui et d’autres hauts représentants du gouvernement s’en sont également vantés ouvertement en balayant d’un revers de la main le rôle de surveillance du Congrès et les préoccupations relatives au droit international.
« Le Congrès, la population des États-Unis et la communauté internationale doivent tirer la sonnette d’alarme pour mettre fin à ces frappes aériennes cyniques et déshumanisantes, et demander que l’obligation de rendre des comptes soit respectée, a déclaré Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnistie internationale. La vie humaine ne peut pas être laissée à la merci des coups de tête d’un dirigeant. Aucun président n’a le droit de tuer arbitrairement et sans avoir à rendre de comptes. »