Lettre ouverte: Investissements québécois complices des crimes commis par Israël et appel au désengagement immédiat

Amnistie internationale Canada francophone a envoyé une lettre à François Legault (premier ministre du Québec), à Christine Fréchette (ministre de l’Économie), à Charles Émond (PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec), ainsi qu’aux député·es de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2025.
La lettre exprime de vives préoccupations concernant les investissements de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans des entreprises accusées de contribuer :
- au génocide en cours contre les Palestinien·nes à Gaza,
- à l’apartheid imposé par Israël,
- à l’occupation illégale des territoires palestiniens
Objet : Dénonciation des investissements québécois complices des crimes d’Israël et appel au désengagement immédiat.
Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous faire part de nos plus profondes préoccupations au sujet des investissements faits par La Caisse dans des entreprises qui contribuent par leurs activités commerciales à alimenter les crimes de génocide, d’apartheid et d’occupation illégale commis par Israël.
Dans cet esprit, les récentes annonces de la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, qui a demandé à Investissement Québec de modifier ses règles d’investissement nous inquiète aussi grandement. Nous craignons que l’assouplissement des règles d’investissement dans le secteur de la défense se fasse au dépend des principes du droit international et sans égard pour leur possible utilisation dans des crimes de guerre et contre l’humanité.
Par leur complicité, leur soutien ou leur passivité délibérée, des États, des institutions publiques et des entreprises du monde entier permettent les violations du droit international commises par Israël ou en profitent, notamment son génocide en cours contre la population palestinienne dans la bande de Gaza occupée, son occupation illégale de l’ensemble du territoire palestinien occupé et son système cruel d’apartheid contre tous les Palestiniens et Palestiniennes dont il contrôle les droits. C’est ce qui ressort dans le document d’Amnistie internationale publié aujourd’hui sur l’économie politique mondiale permettant les crimes d’Israël.
Les informations y sont accablantes. Une liste non exhaustive vise 15 entreprises identifiées par Amnistie internationale comme contribuant à l’occupation illégale au génocide ou à d’autres violations du droit international commises par Israël. Selon son rapport annuel, La Caisse, « le bas de laine des Québécois », investit dans bon nombre des 15 entreprises citées dans l'analyse d’Amnistie internationale. Ce qui la rend également passible de complicité.
Boeing, Lockheed Martin, HD Hyundai... La Caisse
Amnistie internationale a recueilli des éléments faisant état de l’utilisation de bombes et de dispositifs de guidage fournis par Boeing dans des frappes aériennes illégales visant la bande de Gaza occupée. En particulier, il est probable que l’armée israélienne ait utilisé des armes fabriquées par Boeing, dont des bombes munies d’un système de guidage de type JDAM (Joint Direct Attack Munitions) et des bombes de petit diamètre de modèle GBU-39, dans une série de frappes aériennes meurtrières qui ont tué des dizaines de civil·e·s palestiniens à Gaza, dont de nombreux enfants.
Lockheed Martin fournit et entretient des avions de combat F-16 et la flotte grandissante de F-35 d’Israël, équipements clés de l’armée de l’air israélienne qui ont été très largement utilisés pendant les bombardements de Gaza.
HD Hyundai assure la fabrication, la maintenance et l’entretien d’engins de chantier utilisés dans des démolitions illégales dans le territoire palestinien occupé.
Ce ne sont que 3 exemples des entreprises visées par Amnistie et dans lesquelles La Caisse investit.
Nous interpellons ici nos dirigeants politiques et économiques québécois. Notre conscience citoyenne peut-elle tolérer que nos fonds publics puissent, de près ou de loin, être entachés par une complicité économique dans la tragédie qui se déroule à Gaza ?
Nous exhortons La Caisse à cesser d'investir dans des entreprises complices de génocide, d’apartheid et d’occupation illégale du territoire palestinien commis par Israël.
Nous exhortons le gouvernement du Québec à prendre toutes les mesures nécesaires pour s’assurer :
- De ne pas investir dans des entreprises à risque de complicité de génocide et d’occupation illégale du territoire palestinien
- De ne pas acheter des biens et services auprès de ces entreprises
- D'interdire toute activité impliquant la commercialisation de ses biens et services, y compris, mais sans s'y limiter, l'interdiction de participer à des salons consacrés aux armes ou aux équipements de sécurité, à des réunions gouvernementales, à des contrats, ainsi qu'à des subventions de recherche et à des activités avec des organismes publics liés aux biens et services militaires.
Ces mesures doivent rester en vigueur jusqu'à ce que les entreprises puissent démontrer qu'elles ne contribuent pas à l'occupation illégale d'Israël ou à ses crimes au regard du droit international.
Amnistie internationale appelle les États, le Canada et le Québec, à interdire totalement, avec effet immédiat, la fourniture à Israël d’armes et d’équipements et services militaires et de sécurité, ainsi que d’équipements de surveillance, de dispositifs d’intelligence artificielle et d’infrastructures de type cloud utilisés pour soutenir des activités de surveillance, de sécurité et militaires. Cette interdiction doit aussi s’appliquer au transit et au transbordement d’armes, d’équipements militaires et de sécurité et de pièces détachées et composants connexes transférés à Israël via leur territoire, par leurs ports, aéroports ou espaces aérien et terrestre.
Nous demandons également l’arrêt du commerce avec les entreprises, où qu’elles soient établies dans le monde, qui contribuent au génocide, à l’apartheid ou à l’occupation illégale imputables à Israël, ainsi que des investissements dans ces entreprises. Il s’agit au grand minimum des entreprises citées dans le rapport de la rapporteuse spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, ainsi que de celles figurant dans la base de données des entreprises contribuant aux colonies illégales établie par les Nations unies.
Le sort de 2,38 millions d’enfants palestiniens en dépend.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, Madame la ministre de l’Économie, Monsieur le Président et chef de la direction de La Caisse, Mesdames et Messieurs les député·e·s de l’Assemblée nationale.
France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone