Pakistan. Les autorités doivent annuler immédiatement l’interdiction du Mouvement de protection pachtoune (PTM)
L’interdiction par le gouvernement pakistanais du Pashtun Tahaffuz Movement (PTM, Mouvement de protection pachtoune) et le recours aux lois antiterroristes pour cibler les militant·e·s et les manifestant·e·s pacifiques issus de groupes minoritaires constituent une atteinte aux droits à la liberté d’association et de réunion pacifique dans le pays, a déclaré Amnistie internationale le 8 octobre 2024.
Le Mouvement de protection pachtoune (PTM) est une organisation militante qui revendique pacifiquement les droits fondamentaux de tous les Pachtounes, soumis depuis longtemps par les autorités pakistanaises au harcèlement et à la violence. Le 6 octobre 2024, dans un nouvel avis du gouvernement, le PTM a été désigné comme « organisation interdite » et inscrit sur la première annexe de la Liste des organisations proscrites de la Loi antiterroriste de 1997.
« L’inscription du Mouvement de protection pachtoune (PTM) sur la liste des organisations interdites, quelques jours avant leur rassemblement prévu le 11 octobre, s’inscrit dans le cadre de la répression systématique et implacable des manifestations et réunions pacifiques organisées par des groupes dissidents. Cette interdiction arbitraire au titre des pouvoirs excessifs de la loi antiterroriste n’est que la partie émergée de l’iceberg – depuis des années, les autorités pakistanaises répriment ces mouvements issus de régions marginalisées en recourant à un usage illégal de la force et aux disparitions forcées, et en interdisant aux médias de couvrir les manifestations et les rassemblements », a déclaré Babu Ram Pant, directeur régional adjoint pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale.
Criminaliser la dissidence par le biais de lois antiterroristes
En vertu des vastes pouvoirs que lui confère la Loi antiterroriste (ATA), le gouvernement pakistanais peut désigner une organisation comme interdite « sur la base d’informations reçues de toute source crédible ». Cependant, le gouvernement n’a pas fourni de preuves concrètes en ce sens au sujet du Mouvement de protection pachtoune (PTM). La loi prévoit également que cette décision peut être prise sur requête de l’une des parties, sans audience ni représentation des personnes proscrites.
S’entretenant avec Amnistie internationale, Zubair Shah Agha, membre du Comité central du PTM, a déclaré : « On constate un effort long et concerté visant à criminaliser notre mouvement par le biais de la Loi antiterroriste ».
Le mois dernier, il a été révélé qu’au moins 137 personnes ont été désignées comme « personnes interdites » en vertu de cette loi. Il s’agissait notamment de plusieurs membres du PTM et de militants baloutches appartenant au Comité Baloch Yakjehti (BYC), qualifiés à tort de membres d’organisations militantes. Lors d’un entretien avec Amnistie internationale, des membres du PTM et du BYC figurant sur cette liste ont confirmé qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de contester cette décision, qui s’est traduite par de fortes restrictions de leurs droits à la vie privée, à la liberté de mouvement et de réunion pacifique.
Usage illégal de la force, arrestations et détentions arbitraires
L’interdiction intervient quelques jours avant la Pashtun Qaumi Jirga (Cour nationale pachtoune), un rassemblement prévu à partir du 11 octobre dans le district de Khyber, citant des « activités qui sont préjudiciables pour la paix et la sécurité du pays ».
Réagissant à cette méthode souvent utilisée par le gouvernement pakistanais, Zubair Shah Agha a déclaré : « Par le passé, des membres de notre mouvement ont également été visés par l’Ordonnance sur le maintien de l’ordre public (MPO), avant et après des rassemblements publics. »
Les 1er et 2 octobre, les autorités ont utilisé des gaz lacrymogènes et des armes à feu pour démanteler un camp de contestation pacifique à Jamrud, dans le district de Khyber. Près de 100 militants du PTM ont été arrêtés et détenus depuis le 1er octobre en vertu de l’Ordonnance sur le maintien de l’ordre public. Elle autorise la détention préventive et prévoit jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour « tout propos susceptible de susciter peur ou panique au sein de la population ».
En outre, 16 étudiants de l’Université de Malakand, qui faisaient des sondages et se préparaient à rejoindre le rassemblement du PTM, ont été arrêtés le 4 octobre et inculpés d’obstruction à un fonctionnaire en service, d’association de malfaiteurs, d’atteinte à la paix et de « dégradations publiques » en vertu du Code pénal pakistanais. Le leader du PTM Ali Wazir est maintenu en détention depuis le 3 août 2024. La semaine dernière, il a été libéré sous caution, mais de nouveau arrêté à l’extérieur de la prison, lors même que la Haute Cour de Lahore a déclaré sa détention illégale en vertu de l’Ordonnance sur le maintien de l’ordre public.
« Le gouvernement pakistanais doit rectifier le tir sans délai et cesser de criminaliser les manifestations et les réunions pacifiques. Il doit mettre un terme à sa chasse aux sorcières contre les groupes dissidents sur la base de leur appartenance ethnique et revenir sur sa décision d’interdire le PTM en vertu de la Loi antiterroriste, a déclaré Babu Ram Pant.
« Amnistie internationale invite les autorités pakistanaises à respecter le droit à la liberté de réunion pacifique et à ne pas empêcher la Pashtun Qaumi Jirga. Tous les militants et sympathisants du PTM arrêtés et détenus de manière arbitraire doivent être libérés sur-le-champ. »