Nicaragua. Les autorités continuent à déployer une répression sans limites
La crise au Nicaragua se poursuit, tandis que le gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo continue d’instrumentaliser les institutions de l’exécutif, de l’Assemblée nationale et du pouvoir judiciaire pour légitimer son programme répressif et garantir l’impunité pour les crimes au regard du droit international et les violations des droits humains commis sous leur égide. Dans ce contexte, la moindre forme d’opposition et d’exercice de libertés, qu’elles soient politiques, sociales ou religieuses, donne systématiquement lieu à une répression étatique.
La récente vague de manœuvres de l’État contre toute forme d’utilisation de l’espace civique et de l’exercice des droits humain dans le pays s’inscrit dans le cadre d’efforts continus visant à réduire au silence tout acteur social perçu comme critique par le gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo. Ces dernières semaines, les autorités ont intensifié le recours à diverses tactiques répressives, telles que l’interdiction d’organisations sociales et la criminalisation des voix d’opposition, qui, au bout de plusieurs mois, voire d’années de prison, sont confrontées à une expulsion et à une privation arbitraire de leur nationalité.
« L’intensification des attaques systématiques contre des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s, des responsables religieux et des organisations de la société civile au Nicaragua constitue un nouveau coup porté à la liberté d’expression, d’association et de religion, qui n’a pas seulement des répercussions au Nicaragua », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnistie internationale. « L’absence de réponse résolue, coordonnée et systématique de la part de la communauté internationale face aux crimes que le gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo continue de commettre a créé un dangereux précédent dans la région, son impunité et l’absence d’obligation de rendre des comptes incitant les autorités d’autres États des Amériques à suivre sa recette répressive », a-t-il ajouté.
Le 20 août dernier, en une seule journée, le gouvernement a révoqué la personnalité juridique de plus de 1 500 organisations sociales de toutes sortes. Avec cette mesure, le nombre d’organisations fermées depuis le début de la crise dépasse les 5 000, et comprend notamment des groupes religieux de différentes confessions. Au cours de la même période, ont également été recensés le harcèlement et l’expulsion d’au moins deux prêtres catholiques, qui s’ajoutent à la liste des dizaines de responsables chrétiens de différentes obédiences ayant subi des représailles de la part du gouvernement.
Par ailleurs, le 3 septembre, l’Assemblée nationale a approuvé de nouvelles réformes du cadre juridique national, dans le but d’ajouter des éléments qui renforcent encore davantage la criminalisation des voix dissidentes. Les propositions de modification du Code pénal introduisent la possibilité de sanctionner pénalement des personnes ou des organisations qui, selon les autorités nicaraguayennes, commettent en dehors du territoire national des infractions contre l’administration publique, l’État ou ses institutions, ainsi que des actes de cybercriminalité, entre autres. Or, ces règles ne semblent pas viser l’ouverture de poursuites contre des infractions telles que le blanchiment d’argent. Il est au contraire prévu que le gouvernement les utilise pour continuer à criminaliser la liberté d’association et d’expression, comme il l’a fait précédemment avec l’instrumentalisation d’autres organes normatifs – par exemple la Loi sur la cybercriminalité (Loi 1042) et la Loi de défense des droits du peuple à l’indépendance, la souveraineté et l’autodétermination dans une optique de paix (Loi No. 1055). Les changements incluent la possibilité de poursuivre par contumace des personnes accusées de ces faits, ce qui pourrait être utilisé contre les personnes considérées comme des opposant·e·s par le gouvernement et qui ne sont plus dans le pays. Les réformes faciliteraient par ailleurs la confiscation des biens des églises et des organisations fermées, ce qui, en termes de droits humains, est une mesure hautement problématique car elle bafoue le droit à la défense et à une procédure régulière. Cette pratique pourrait contribuer à renforcer le climat d’impunité et de répression dans le pays.
Enfin, le 5 septembre, Daniel Ortega et Rosario Murillo ont de nouveau eu recours à la tactique consistant à substituer l’exil à la prison dans le cas de 135 personnes expulsées du Nicaragua et privées arbitrairement de leur nationalité, ce qui se traduit par leur déracinement et la perturbation de leurs projets de vie. Parmi les personnes libérées figurent des responsables religieux, des journalistes, des militant·e·s en faveur du progrès social et des étudiant·e·s, que les autorités ont considérés comme une menace parce qu’ils ont simplement essayé d’exercer leurs droits et libertés. Cette action met en évidence l’intention permanente du gouvernement de condamner et d’étouffer l’opposition et la défense des droits humains dans le pays. Au mois de juillet 2024, le Mécanisme pour la reconnaissance des prisonniers politiques au Nicaragua recensait un total de 151 personnes privées de liberté pour des motifs politiques.
« Daniel Ortega utilise toutes les ressources à sa disposition pour continuer à exercer un contrôle absolu sur tous les espaces sociaux, en faisant disparaître toute voix d’opposition et en criminalisant la défense des droits humains, sous le regard indifférent de la communauté internationale », a déclaré Ana Piquer. « La récente fermeture massive d’organisations œuvrant pour le progrès social, ainsi que l’expulsion forcée d’un nouveau groupe de personnes considérées comme des opposant·e·s, montrent que le régime Ortega continue d’étendre sa répression à tous les secteurs de la société nicaraguayenne et qu’il n’a aucune intention d’abandonner son approche répressive », a-t-il déclaré.
Face à ce scénario, il est impératif que la communauté internationale prenne en urgence des mesures coordonnées et efficaces pour garantir les droits humains au Nicaragua, et que son modèle répressif ne continue pas à être une référence attrayante en matière d’impunité pour d’autres pays du continent.