• 6 fév 2024
  • International
  • Communiqué de presse

Monde. Amnistie internationale publie une introduction à la défense des droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s à l’ère numérique

Amnistie internationale publie le 5 février 2024 un exposé introductif sur le déploiement rapide et généralisé des technologies numériques dans les systèmes de gestion de l’asile et des migrations à travers le monde, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne.

Intitulé Defending the Rights of refugees and Migrants in the Digital Age, il met en évidence certaines évolutions majeures des technologies numériques dans les systèmes de gestion de l’asile et des migrations, en particulier les systèmes qui traitent de grandes quantités de données, ainsi que les questionnements en termes de droits humains découlant de leur utilisation.

« Il s’agit d’un aperçu de quelques-uns des principaux développements de la technologie numérique dans les systèmes de gestion de l’asile et des migrations, qui se concentre sur les alternatives numériques croissantes à la détention, y compris les technologies d’externalisation des frontières, les logiciels de données, la biométrie et les systèmes de prise de décision reposant sur des algorithmes, a déclaré Matt Mahmoudi, chercheur sur l’intelligence artificielle et les droits humains à Amnistie internationale.

« La prolifération de ces technologies risque de perpétuer et de renforcer la discrimination, le racisme et la surveillance disproportionnée et illégale à l’égard des personnes racisées. »

Ces technologies deviennent une préoccupation de plus en plus grande en matière de droits humains, car les États les déploient d’une façon qui viole leurs obligations en la matière à l’égard des personnes réfugiées et migrantes.

Nature du déploiement des technologies numériques

Ce document révèle que les gouvernements du monde entier déploient des technologies spécifiques aux systèmes d’asile et d’immigration.

Aux États-Unis, les autorités frontalières utilisent le programme de surveillance intensive (Intensive Supervision Appearance Program - ISAP) et le programme de dispositif de surveillance électronique (Electronic Monitoring Device Program) pour surveiller les personnes migrantes et demandeuses d’asile libérées de détention, en faisant valoir que l’intention est de leur offrir d’autres options que la détention. 

Cependant, ces programmes sont liés à des violations des droits humains.

En outre, le rapport souligne le déploiement par le gouvernement américain d’infrastructures de surveillance « intelligentes », telles que des miradors pilotés par l’IA, le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, ce qui accroît le risque de profilage des communautés noires, latino-américaines et autres communautés racisées.

Au Royaume-Uni, la surveillance obligatoire par bracelet électronique à la cheville est mise en œuvre pour tous les étrangers menacés d’expulsion, tandis que le suivi via des montres intelligentes dotées d’une technologie de reconnaissance faciale est proposé.

L’Union européenne (UE) déploie une surveillance aérienne en temps réel et des drones au-dessus de la Méditerranée centrale en vue d’identifier les bateaux transportant des réfugiés et des migrants en mer et de se coordonner avec les autorités libyennes pour les empêcher d’atteindre les côtes européennes.

Un système automatisé de contrôle des frontières financé par l’UE, appelé iBorderCtrl, a été testé en Hongrie, en Grèce et en Lettonie. Ce projet s’appuie sur un système d’intelligence artificielle (IA) « détecteur de mensonges » pour interroger les voyageurs cherchant à franchir les frontières, tout en évaluant les moindres détails de leurs expressions faciales à l’aide de technologies de reconnaissance des visages et des émotions. Si le système estime qu’ils ont répondu honnêtement aux questions, ils reçoivent un code leur permettant de franchir la frontière.

Le document d’Amnistie internationale montre également que l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni introduisent de plus en plus de textes de loi autorisant à saisir les téléphones appartenant à des demandeurs et demandeuses d’asile dans le but de corroborer leurs témoignages lors de l’examen de leur demande.

Impact discriminatoire sur les personnes réfugiées, migrantes et demandeuses d’asile

Ces technologies renforcent l’exclusion et bloquent la circulation des migrant·e·s, réfugié·e·s et demandeurs·euses d’asile issus des communautés noires, musulmanes et racisées.

Elles instaurent des régimes discriminatoires aux frontières en fonction de la race, de l’appartenance ethnique, de l’origine nationale et du statut de citoyenneté. 

Par exemple, l’Union européenne (UE) a étendu virtuellement ses frontières dans la Méditerranée et à travers les régions de transit en Afrique grâce à un éventail de technologies, ce qui lui permet de surveiller leurs déplacements à chaque étape.

« Les technologies numériques renforcent des régimes de contrôle frontalier qui touchent de manière disproportionnée les personnes racisées. Le racisme inhérent est profondément enraciné dans les systèmes de gestion de la migration et de l’asile, a déclaré Charlotte Phillips, conseillère sur la question des droits des migrants et des réfugiés auprès d’Amnistie internationale.

« Ces technologies comportent des biais et des erreurs intrinsèques qui menacent, entre autres, le droit de ne pas subir de discriminations. »

Responsabilité des États quant à la protection des droits des migrant·e·s et des demandeurs·euses d’asile

Dans son introduction, Amnistie internationale recommande aux États de :

  • Protéger les droits des personnes en déplacement en s’abstenant d’employer des technologies qui vont à l’encontre des droits humains et en veillant à ce que les technologies numériques tiennent compte du racisme, de la xénophobie et de la discrimination systémiques.
  • Interdire l’utilisation d’outils de reconnaissance des émotions basés sur l’IA, en particulier dans le contexte de la gestion des migrations, de l’asile et des contrôles aux frontières.
  • Réaliser des études d’impact sur les droits humains et sur la protection des données avant de déployer des technologies numériques.
  • Interdire les systèmes automatisés d’évaluation des risques et de profilage dans le cadre de la gestion des migrations, de l’asile et des contrôles aux frontières.
  • Interdire toute utilisation de technologies prédictives qui menacent à tort le droit d’asile.

Complément d’information

Amnistie internationale publie cette introduction à la défense des droits des personnes réfugiées et migrantes à l’ère numérique pour aider les organisations de la société civile, les militant·e·s, les journalistes et les sympathisant·e·s du mouvement qui souhaitent s’informer sur les spécificités numériques des pratiques de gestion de l’asile et des migrations et sur leurs conséquences sur les droits humains.