• 17 déc 2024
  • Canada
  • Communiqué de presse

Les plaidoiries finales ont été entendues dans le procès des défenseur·e·s des terres Wet’suwet’en

Cette semaine, le procès de trois défenseur·e·s des terres autochtones a atteint un point critique à la suite de la présentation des plaidoiries finales, au tribunal de Smithers, en Colombie-Britannique. Rappelons que ces trois personnes avaient été criminalisées pour leurs efforts de protection d’un territoire ancestral et non cédé de la nation Wet'suwet'en. 

C’est au juge Michael Tammen, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qu’il revient désormais de trancher dans cette affaire d’abus de procédure, au terme d’audiences au cours desquelles il a été question de savoir si la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait fait un usage excessif de la force lors de l’arrestation de ces défenseurs des terres, en violation de leurs droits fondamentaux. Un jugement en faveur des défenseurs pourrait entraîner l’annulation de leurs condamnations antérieures pour outrage au tribunal, sur le fondement de motifs constitutionnels. 

Le procès des Wet'suwet'en met en cause Sleydo' (également connue sous le nom de Molly Wickham), cheffe adjointe (maison Cas Yikh) du clan Gidimt'en de la nation Wet'suwet'en, Shaylynn Sampson, une femme gitxsan ayant des liens familiaux avec la nation Wet'suwet'en, et Corey « Jayohcee » Jocko, un Kanien'kehá:ka (Mohawk) d’Akwesasne. Tous trois ont été arrêté·e·s lors d’une violente descente menée par la GRC sur le territoire des Wet'suwet'en en novembre 2021, avant d’être reconnu·e·s coupables d’outrage au tribunal pour avoir prétendument violé les termes d’une injonction liée au projet de gazoduc Coastal GasLink (CGL). 

« Les défenseurs des terres autochtones sont criminalisés au seul motif de vouloir protéger leurs terres et leurs droits contre un projet d’exploitation de combustibles fossiles auquel ils n’ont pas donné leur consentement préalable, libre et éclairé, comme l’exige pourtant le droit international », a déclaré France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Dans le contexte de crise climatique mondiale, il est pour le moins irresponsable, pour ne pas dire scandaleux, que le gouvernement de la Colombie-Britannique ait maintenu de telles accusations, au mépris de ses obligations internationales, alors même que la province a adopté une loi sur la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations unies il y a quelques années. »  

Amnistie internationale a conclu, sur la base de ses recherches, que l’ordonnance d’injonction de CGL restreignait indûment les droits humains des défenseur·e·s des terres et les droits de la nation Wet'suwet'en. L’organisation continue de suivre de près le procès des Wet'suwet'en et envisagera de déclarer les défenseur·e·s « prisonniers d’opinion » s’ils devaient être condamné·e·s à l’emprisonnement ou à une assignation à résidence. 

« En continuant de criminaliser les défenseurs des terres Wet'suwet'en et leurs alliés, le gouvernement canadien ternit la réputation du pays en matière de droits humains et fait un pas en arrière sur la voie de la réconciliation », a déclaré Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section canadienne anglophone d’Amnistie internationale. « Ces personnes méritent notre solidarité, et non pas une condamnation pénale, pour les efforts déployés en faveur de la protection de leur territoire et de notre droit collectif à un environnement sain. » 

La cause des défenseurs des terres Wet'suwet'en est l’une des neuf causes qui ont été retenues dans le cadre de la campagne Écrire, ça libère, cette année. Chaque année, des sympathisants d’Amnistie internationale provenant des quatre coins de la planète soulignent la Journée internationale des droits humains en écrivant des millions de lettres, de courriels, de tweets, de messages sur Facebook et de cartes postales pour témoigner de leur soutien à des personnes dont les droits sont menacés. Ce n’est que la deuxième fois qu’une personne du Canada est sélectionnée pour la campagne mondiale d’Écrire, ça libère. 

Le tout premier détenu canadien déclaré prisonnier d’opinion par Amnistie internationale. 

Plus tôt cette année, Amnistie internationale a pris la décision sans précédent d’attribuer le statut de prisonnier d’opinion à un défenseur des terres de la nation Wet'suwet'en, condamné par un tribunal de la Colombie-Britannique. En effet, il y a quelques mois, le chef Dsta'hyl (également connu sous le nom d’Adam Gagnon), chef héréditaire du clan Likhts'amisyu, de la nation Wet'suwet'en, est devenu la première personne détenue par le Canada à être déclarée prisonnier d’opinion par Amnistie internationale. Le chef Dsta'hyl a été arrêté en 2021, avant d’être inculpé pour avoir prétendument enfreint une injonction interdisant toute action de défense des terres à proximité du site de construction du gazoduc. Un juge l’a reconnu coupable et l’a condamné à 60 jours d’assignation à résidence. 

« J’ai été condamné pour avoir protégé des terres qui nous appartiennent, alors que les lois des Wet'suwet'en ont été ignorées », a déclaré le chef Dsta'hyl en juillet, au moment où il était assigné à résidence chez lui, sur le territoire des Wet'suwet'en. « L’objectif final de cette lutte que nous menons est la reconnaissance des lois Wet'suwet'en au Canada, et il est malheureux de constater que la Couronne préfère se braquer et camper sur ses positions. Cela fait 240 ans que nous nous battons pour nos droits. On nous a enfermés dans des réserves pour faire de nous des “Indiens inscrits”. Aujourd’hui, chacun de nous se retrouve à être un “prisonnier de conscience” en raison de ce que les colonisateurs nous ont fait subir. » 

Des années marquées par la surveillance illégale, le harcèlement et l’intimidation 

Pendant des années, les défenseurs des terres Wet'suwet'en ont été victimes de surveillance illégale, d’intimidation et de harcèlement dans leur lutte pour protéger leurs terres ancestrales contre la construction du gazoduc de gaz naturel liquéfié CGL. La construction du gazoduc a été entreprise sans avoir obtenu le consentement libre, préalable et éclairé des chefs héréditaires Wet'suwet'en, au nom de leurs clans. Cette situation est contraire à la législation et aux normes internationales en matière de droits humains, notamment aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Amnistie internationale a documenté ces abus dans un rapport historique publié en 2023, « Chassé·e·s de nos terres pour les avoir défendues : criminalisation, intimidation et harcèlement des défenseur·e·s du droit à la terre Wet’suwet’en. »  En 2024, Amnistie internationale a intégré la lutte des défenseurs des terres Wet'suwet'en à sa campagne mondiale annuelle d’envoi de lettres pour promouvoir la défense des droits humains, Écrire, ça libère