ANDORRE. AMNISTIE INTERNATIONALE, LE CENTRE POUR LES DROITS REPRODUCTIFS, WOMEN’S LINK ET FRONT LINE DEFENDERS SE RÉJOUISSENT DE L’ACQUITTEMENT DE LA DÉFENSEURE DES DROITS HUMAINS VANESSA MENDOZA CORTES
DÉCLARATION
Index AI : EUR 12/7568/2024
Amnistie Internationale, le Centre pour les droits reproductifs, Women’s Link Worldwide et Front Line Defenders se félicitent de l’acquittement prononcé mercredi 17 janvier en faveur de la défenseure des droits humains Vanessa Mendoza Cortés, présidente de l’organisation de défense des droits des femmes Stop Violències, qui était poursuivie pour « délit contre le prestige des institutions ». Vanessa Mendoza Cortes ne doit plus être victime d’actes d’intimidation ni de représailles dans le cadre de son travail important et légitime en faveur des droits fondamentaux.
Les autorités andorranes ont injustement engagé en 2019 des poursuites pénales contre Vanessa Mendoza Cortés pour son travail, dans le cadre duquel elle a exprimé auprès du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et dans les médias ses préoccupations concernant les droits des femmes et l’interdiction totale de l’avortement en Andorre.
L’acquittement prononcé mercredi 17 janvier confirme le droit de Vanessa Mendoza Cortés à la liberté d’expression et son droit de coopérer avec les Nations unies. Il affirme par ailleurs la légitimité des efforts déployés par toutes les personnes qui défendent les droits des femmes, les droits sexuels et reproductifs, et qui exercent leur droit à la liberté d’expression en Andorre et ailleurs. Vanessa Mendoza Cortes a cependant payé un lourd tribut à la défense des droits humains. Elle a enduré une procédure judiciaire injuste et prolongée de plus de trois ans, qui a empiété sur son travail crucial et sur celui de son organisation.
Amnistie Internationale, le Centre pour les droits reproductifs, Women’s Link Worldwide et Front Line Defenders appellent les autorités andorranes à reconnaître publiquement la légitimité du travail de défense des droits humains effectué par Vanessa Mendoza Cortés. Les autorités doivent prendre des mesures concrètes pour que cette femme et d’autres défenseur·e·s des droits humains puissent protéger le droit à un avortement sûr et légal, ainsi que d’autres droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles en Andorre, sans être victimes d’actes d’intimidation, ni craindre de représailles.
Les organisations rappellent aux autorités andorranes qu’en vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes, l’utilisation de lois relatives à la diffamation dans le but ou avec l’effet d’inhiber la critique à l’égard du gouvernement ou des fonctionnaires publics, bafoue le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les organisations exhortent donc les autorités à abroger en urgence l’article 325, invoqué contre Vanessa Mendoza Cortés, ainsi que les autres dispositions du Code pénal relatives à la diffamation. Les attaques susceptibles de porter atteinte à la réputation d’une personne ne devraient pas être criminalisées, et la législation visant à prévenir ce type d’attaques ne devrait pas chercher à protéger des valeurs abstraites ou des institutions publiques.
Les organisations rappellent que l’interdiction de l’avortement bafoue les droits fondamentaux des personnes, notamment leurs droits à la santé, à la vie privée, à l’autonomie corporelle, à la protection contre la torture et les mauvais traitements, et même leur droit à la vie. Andorre doit respecter ses obligations en dépénalisant l’avortement et en rendant l’accès à l’avortement sûr et légal dans le pays.
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Le 4 décembre 2023 s’est ouvert le procès de Vanessa Mendoza Cortés, présidente de l’organisation de la société civile Stop Violències, poursuivie pour « délit contre le prestige des institutions » (article 325 du Code pénal). Le ministère public a demandé au tribunal de la condamner à une amende de 6 000 euros, ainsi qu’au versement de 6 000 euros supplémentaires de dommages civils, et à l’interdiction d’exercer une fonction publique pendant six mois.
En octobre 2019, le gouvernement andorran a porté plainte auprès du ministère public après la participation de Vanessa Mendoza Cortés à l’examen par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) du bilan du pays sur le terrain des droits des femmes. Au cours de cette réunion, elle a exprimé sa préoccupation concernant l’interdiction totale de l’avortement et d’autres questions relatives aux droits des femmes en Andorre.
En 2020, le parquet a porté contre elle trois accusations de diffamation pénale pour « calomnie avec publicité » (article 172 du Code pénal), « calomnie contre les coprinces » (article 320 du Code pénal) et « délit contre le prestige des institutions » (article 325 du Code pénal). Les éléments présentés par le ministère public à titre de preuves comprenaient le contenu du rapport soumis par Stop Violències au CEDAW et des déclarations aux médias. Après un tollé international, les deux charges passibles de peines de prison ont été abandonnées.
Le 28 novembre 2023, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a appelé les autorités andorranes à garantir la liberté d’expression de Vanessa Mendoza Cortés, et à assurer un environnement favorisant le travail des défenseur·e·s des droits des femmes dans le pays.
Le rapport annuel le plus récent consacré par le Secrétaire général des Nations Unies aux représailles inclut Andorre parmi une liste de 40 pays à travers le monde où des personnes ont subi des représailles pour avoir coopéré avec les Nations Unies.
Compte tenu de la profonde inquiétude suscitée dans le monde par les poursuites ayant visé Vanessa Mendoza Cortes, l’audience a été observée par des expert·e·s indépendants des droits humains au nom du Centre pour les droits reproductifs, d’Amnistie Internationale et de Women’s Link Worldwide.
Andorre est le seul pays d’Europe où l’avortement est interdit en toutes circonstances. Les personnes souhaitant avorter sont donc obligées de se rendre à l’étranger pour obtenir les soins dont elles ont besoin, ce qui est contraire à leurs droits et leur inflige un stress supplémentaire. En septembre 2023, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies s’est dit préoccupé par l’absence de mesures prises pour dépénaliser l’avortement, et a appelé les autorités à dépénaliser l’avortement et à garantir l’accès des adolescentes à des services d’avortement et de soins après avortement sûrs en Andorre.