Ouganda. Les autorités doivent abandonner les poursuites dans une affaire où l’accusé encourt la peine de mort au titre de la Loi de lutte contre l’homosexualité
Les services de la Procureure générale de l’Ouganda doivent immédiatement abandonner les poursuites pour « homosexualité avec circonstances aggravantes » visant un homme de 20 ans inculpé le 18 août 2023, qui est deuxième Ougandais poursuivi pour ce chef d’accusation passible de la peine capitale en vertu de la loi intrusive contre l’homosexualité, a déclaré Amnistie internationale mercredi 30 août.
« Il est très préoccupant que les autorités ougandaises engagent des poursuites pénales contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre réelle ou supposée. Les discriminations et les persécutions visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) dans le pays doivent cesser », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
Les avocats de l’homme de 20 ans qui est poursuivi ont indiqué à Amnistie internationale que des agents de la police ougandaise avaient arrêté celui-ci en même temps qu’un autre homme âgé de 41 ans sur un terrain de sport de Soroti, une ville de l’est de l’Ouganda, le 15 août 2023. L’arrestation a eu lieu vers minuit et tous deux ont été conduits au poste de police central de Soroti pour suspicion de relations sexuelles avec une personne du même sexe – accusation que l’homme inculpé dément. Selon les avocats, les policiers leur ont dit avoir surpris les deux hommes à moitié nus.
« Inculper cette personne d’une infraction passible de la peine de mort uniquement en raison de son orientation sexuelle supposée constitue une violation flagrante du droit international. L’Ouganda doit non seulement abroger la Loi de lutte contre l’homosexualité, mais également garantir le respect de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains que subit la communauté LGBTI dans le pays », a déclaré Tigere Chagutah.
La police a libéré l’homme de 41 ans le jour même de son arrestation. Elle a déclaré aux avocats que celui-ci n’était pas en mesure de donner son consentement pour une relation sexuelle en raison de son « état mental » et qu’il était donc considéré comme une victime, ce qui « aggravait » l’infraction présumée. Un porte-parole des services de la Procureure générale a d’ailleurs déclaré que « la victime était un homme de 41 ans atteint d’un handicap ».
D’après les avocats de l’homme inculpé, la police n’a fourni aucun élément à l’appui de cette affirmation.
Leur client a été détenu au poste de police jusqu’au 18 août. Il a ensuite été présenté devant le tribunal de première instance de Soroti, qui a ordonné son placement en détention à la prison principale de Soroti jusqu’au 1er septembre, date à laquelle son dossier doit être examiné par ce même tribunal. Ses avocats ont également indiqué à Amnistie internationale que la police avait procédé à un examen anal sur la victime présumée le 16 août.
« Amnistie internationale s’oppose fermement à toute forme d’examen anal visant à déterminer si une personne a eu des relations homosexuelles. Ce type d’examen est contraire au droit international, qui interdit la torture et les autres mauvais traitements. »
Complément d’information
La Loi de lutte contre l’homosexualité, qui a été promulguée en mai 2023, a créé l’infraction d’« homosexualité avec circonstances aggravantes », qu’elle définit comme toute relation sexuelle avec une personne du même sexe âgée de plus de 75 ans ou de moins de 18 ans, qui ne donne pas son consentement ou n’est pas en mesure de le donner, ou qui est atteinte d’un handicap ou d’une maladie mentale. La peine maximale pour « homosexualité avec circonstances aggravantes » est la peine de mort.
Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence et quels que soient l’accusé, la nature ou les circonstances du crime commis et la méthode d’exécution.
Selon le Forum de sensibilisation et de promotion des droits humains (HRAPF), une ONG ougandaise, depuis l’adoption de la législation anti-LGBTI, au moins cinq personnes ont été inculpées d’infractions au titre de cette loi. Des informations font en outre état d’une flambée des violences et autres atteintes aux droits humains commises contre des personnes LGBTI en Ouganda. L’ONG a de son côté recensé 149 cas de violence visant des personnes LGBTI en juin et juillet 2023, notamment des expulsions hors du domicile, du village ou d’un logement loué ainsi que des agressions ou des menaces de violence.