Liban. Les autorités doivent mettre fin aux expulsions illégales de réfugié·e·s syriens
Les autorités libanaises doivent immédiatement cesser d'expulser de force des réfugié·e·s vers la Syrie, a déclaré Amnistie internationale le 24 avril 2023, alors que l'on craint que ces personnes ne soient torturées ou persécutées par le gouvernement syrien à leur retour.
La semaine dernière, les forces armées libanaises ont effectué une descente dans des maisons occupées par des familles syriennes dans différentes localités à travers le pays, notamment à Bourj Hammoud, quartier de Beyrouth. Elles ont expulsé vers la Syrie des dizaines de réfugié·e·s qui étaient entrés dans le pays illégalement ou dont la carte de séjour avait expiré.
Mohammed, frère de l’un des réfugiés expulsés par l’armée libanaise, a déclaré à Amnistie internationale qu’il avait réussi à joindre son frère ; celui-ci lui a dit que l’armée libanaise a conduit les réfugié·e·s directement à la frontière et les a remis à l’armée syrienne. Selon lui, beaucoup étaient enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
« Il est très inquiétant de voir l'armée décider du sort des réfugié·e·s, sans respecter la procédure légale ni permettre à ceux qui risquent d'être expulsés de contester cette mesure devant un tribunal ou de demander une protection. Aucun réfugié ne devrait être renvoyé dans un endroit où sa vie est menacée, a déclaré Aya Majzoub, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale.
« En vertu du principe de non-refoulement du droit international coutumier, le Liban est tenu de ne procéder à aucun renvoi vers un pays où les personnes concernées seraient menacées de torture ou de persécution. Au lieu de vivre dans la peur après avoir fui les atrocités en Syrie, les réfugié·e·s qui se trouvent au Liban doivent être protégés contre les raids arbitraires et les expulsions illégales. »
Plus de 100 réfugié·e·s, détenus côté syrien de la frontière depuis le 19 avril, connaîtront leur sort le 25 avril, selon le frère de Mohammed. Amnistie internationale et d’autres organisations de défense des droits ont constaté que les réfugié·e·s qui sont rentrés en Syrie ont été confrontés à de graves violations des droits humains, y compris des actes de torture et des disparitions forcées, aux mains du gouvernement syrien.
Mohammed a déclaré que son frère est recherché par le gouvernement syrien pour avoir voulu échapper au service militaire. L'armée libanaise l'a conduit, ainsi que sa femme et sa fille, directement de leur maison de Bourj Hammoud à la frontière syrienne. Bien qu'il soit enregistré auprès du HCR, selon Mohammed, son frère n'a pas eu le droit de contester l’arrêté d’expulsion le concernant. Mohammed a ajouté que le HCR avait été informé de la situation.
D’après Mohammed, cette récente vague d’expulsions le plonge lui et sa famille dans la peur, et ils n’osent plus sortir de chez eux.
« Si le Liban n'a aucune excuse pour avoir violé ses obligations légales, la communauté internationale doit renforcer son assistance, et en particulier ses programmes de réinstallation et d'autres voies d'accès, afin d’aider le Liban à faire face à la présence d'environ 1,5 million de réfugié·e·s dans le pays », a déclaré Aya Majzoub.
Le principe de non-refoulement est une règle contraignante du droit international coutumier qui interdit aux États de renvoyer des personnes vers un endroit où elles risquent de subir des persécutions ou des violations des droits humains. Toute personne risquant d’être expulsée doit avoir la possibilité de consulter un avocat, de rencontrer le HCR et de contester son expulsion devant un tribunal.
Complément d’information
En 2019, le Haut Conseil de la Défense du Liban, organe chargé de mettre en œuvre la stratégie de défense nationale du pays, a ordonné aux organismes de sécurité d’expulser les Syriens entrant au Liban en franchissant illégalement les frontières. Dans une lettre adressée à Amnistie internationale en décembre 2020, la Direction de la sécurité générale a confirmé que les autorités avaient expulsé 6 002 Syriennes et Syriens depuis mai 2019, dont 863 en 2020. Ces expulsions ont partiellement cessé en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19.
Dans un rapport de septembre 2021, Amnistie internationale a recensé la longue liste des terribles violations des droits humains commises par des agents des services de renseignement syriens contre 66 personnes revenues au pays, dont 13 enfants. La majorité des enfants étaient revenus depuis le Liban, et deux d’entre eux avaient été expulsés.
Les agents des services de renseignement syriens ont soumis des femmes, des enfants et des hommes rentrés en Syrie à des détentions illégales ou arbitraires, à des actes de torture et des mauvais traitements, y compris des viols et des violences sexuelles, ainsi qu'à des disparitions forcées – agissements qui sont la conséquence directe de leur appartenance présumée à l'opposition politique syrienne, du simple fait de leur statut de réfugié.