• 11 mai 2023
  • Liban
  • Communiqué de presse

Il faut mettre fin aux expulsions sommaires de réfugié·e·s syriens

Les forces armées libanaises ont récemment procédé à l’expulsion sommaire de centaines de Syrien·ne·s vers la Syrie, où ils risquent d’être victimes d’actes de persécution ou de torture. Ces expulsions interviennent alors que la rhétorique anti-réfugié·e·s prend de l’ampleur au Liban et que des mesures coercitives sont prises pour les inciter à retourner chez eux, déclare une coalition de 19 organisations nationales et internationales le 11 mai 2023.

Depuis début avril, les forces armées libanaises effectuent des descentes discriminatoires dans des logements occupés par des réfugié·e·s syriens dans différentes régions du pays, notamment au Mont-Liban, à Jounieh, Qob Elias et Bourj Hammoud, et procèdent le plus souvent à leur expulsion immédiate. Un grand nombre d’entre eux sont pourtant enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou connus de ses services. Certains ont déclaré à Amnistie internationale qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de consulter un avocat ni de rencontrer le HCR, et n’avaient pas bénéficié de leur droit de contester leur expulsion ni de faire valoir leur besoin de protection.

« Les autorités libanaises ont géré la crise économique du pays en dépit du bon sens, et ce de manière délibérée, appauvrissant des millions de personnes et les privant de leurs droits fondamentaux. Mais au lieu d’adopter des réformes indispensables, elles choisissent de faire des réfugié·e·s les boucs émissaires de leurs propres échecs. Rien ne justifie que des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants syriens soient sortis de force de leur lit au petit matin et remis au gouvernement qu’ils ont fui », ont déclaré les organisations signataires.

Selon des personnes interrogées, dont des réfugié·e·s enregistrés auprès du HCR depuis 2012, l’armée libanaise a conduit les personnes expulsées directement à la frontière et les a remises aux autorités syriennes. Certaines ont été arrêtées ou ont disparu dès leur retour en Syrie.

Des organisations locales et internationales continuent de faire état de terribles violations commises par les forces militaires et de sécurité syriennes à l’encontre des personnes rentrées en Syrie, y compris des enfants – détention illégale ou arbitraire, torture et mauvais traitements, viol et violences sexuelles, et disparitions forcées.

Ces expulsions s’accompagnent d’autres mesures visant à contraindre les réfugié·e·s syriens à retourner dans leur pays. Plusieurs municipalités libanaises imposent des mesures discriminatoires à l’encontre des Syrien·ne·s, comme des couvre-feux pour limiter leurs déplacements et des restrictions sur la location de logements. En outre, certaines autorités locales exigent qu’ils communiquent leurs informations personnelles, notamment leurs documents d’identité, cartes de résidence et justificatifs de domicile, et menacent de les expulser en cas de refus.

Cet environnement coercitif et hostile est exacerbé par la montée inquiétante de la rhétorique anti-réfugiés, parfois alimentée par les autorités et les responsables politiques au niveau local.

Des médias libanais sont critiqués pour le choix des termes employés à l’égard des Syrien·ne·s, ce qui avive les tensions entre les communautés d’accueil et les réfugié·e·s.

Ces événements récents génèrent un climat d’hostilité, d’anxiété et de panique au sein de la communauté syrienne au Liban. Certains ont déclaré vivre dans la peur d’être expulsés ou agressés, et beaucoup ne sont pas sortis de chez eux depuis des semaines.

« La montée de la rhétorique anti-réfugiés, qui repose en grande partie sur de fausses informations, contribue à la violence et à la discrimination à leur encontre. Les médias et les personnalités politiques doivent protéger les droits de tous au Liban, y compris des réfugié·e·s, et s’abstenir d’inciter à la violence à leur encontre », ont déclaré les organisations signataires.

En tant que partie à la Convention contre la torture, le Liban est tenu de ne pas renvoyer ni extrader une personne risquant d’être torturée. Il est également tenu par le principe de non-refoulement du droit international coutumier de ne pas renvoyer une personne vers un lieu où elle risque d’être persécutée ou de subir de graves violations des droits humains.

En vertu du droit libanais, les arrêtés d’expulsion ne peuvent être délivrés que par une autorité judiciaire ou sur décision de la Direction de la sécurité Générale, dans des cas exceptionnels et sur la base d’une évaluation individuelle.

Le Liban doit mettre fin aux expulsions sommaires vers la Syrie, qui bafouent le principe de non-refoulement. Les autorités ne doivent pas imposer des mesures discriminatoires ni employer un langage péjoratif à l’égard des réfugié·e·s syriens.  Elles doivent respecter les garanties prévues par la loi et veiller à ce que toute personne risquant d’être expulsée vers la Syrie ait la possibilité de consulter un avocat et de rencontrer le HCR, mais aussi de faire valoir sa demande de protection et de contester son expulsion devant un tribunal compétent. Les tribunaux devraient interdire toute expulsion qui équivaut à un refoulement.

Enfin, la communauté internationale doit s’acquitter de ses obligations et notamment renforcer son assistance, et en particulier ses programmes de réinstallation et d’autres voies d’accès, afin d’aider le Liban à faire face à la présence d’environ 1,5 million de réfugiés sur son territoire. En 2022, 13 pays ont réinstallé 7 490 réfugié·e·s syriens vivant au Liban.

 

Signataires :

Amnistie internationale; Human Rights Watch ; The Legal Agenda ; The Syria Campaign ; The Syrian Network for Human Rights ; Synaps ; 11.11.11 ; Le Centre Libanais des Droits de l’Homme (CLDH) ; ALEF; Access Centre for Human Rights (ACHR) ; Basmeh & Zeitooneh; PAX; Upinion ; Women Now ; Samir Kassir Foundation ; Daraj Media ; SMEX; Alternative Press Syndicate (Nakaba Badila) ; Media Association for Peace (MAP)