Chili et Pérou. Les autorités doivent mettre fin à la militarisation des frontières en réaction à l’arrivée de personnes ayant besoin d’une protection
Face aux mesures adoptées par les gouvernements du Chili et du Pérou pour militariser leurs frontières, et compte tenu de l’état d’urgence aux frontières déclaré le 26 avril au Pérou par le gouvernement de la présidente Dina Boluarte en raison de l’arrivée de personnes migrantes principalement originaires du Venezuela et de Haïti, Amnistie internationale rappelle aux gouvernements qu’il s’agit d’une crise concernant des personnes ayant besoin d’une protection internationale, et que les droits humains doivent être au centre de la prise en charge complète qu’elles nécessitent.
« En militarisant les frontières et en refusant d’accueillir ces milliers de personnes, dont des enfants, qui fuient les violations massives des droits humains perpétrées dans leur pays d’origine, les gouvernements de Gabriel Boric et de Dina Boluarte aggravent inutilement la situation en la transformant en une crise humanitaire qui accroît les risques pour la vie et la sécurité des ces personnes », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnistie internationale.
Depuis début février 2023, le gouvernement chilien déploie des militaires à ses frontières avec la Bolivie et le Pérou afin d’empêcher l’arrivée dans le pays de personnes sans papiers qui sont pour la plupart vénézuéliennes. La fermeture des frontières a généré de fortes tensions ces dernières semaines. Le 26 avril, le gouvernement péruvien a déclaré l’état d’urgence dans sept départements frontaliers et ordonné le déploiement de ses forces armées. Ces mesures ont été adoptées dans un contexte de montée de la stigmatisation et de la xénophobie, et de débats parlementaires visant à l’adoption de textes incriminant l’immigration irrégulière.
On estime qu’au moins 300 personnes, dont des familles avec des enfants et des adolescents, des femmes enceintes et des personnes ayant une maladie chronique, se trouvent bloquées à la frontière entre le Pérou et le Chili dans une situation humanitaire critique, sans nourriture, sans eau, sans hébergement et sans assistance médicale, dans un désert connu pour ses conditions extrêmes. La plupart de ces personnes viennent du Venezuela, mais il a également été signalé que certaines sont d’autres nationalités, notamment de nationalité haïtienne.
Amnistie internationale est extrêmement préoccupée par la situation de précarité absolue dans laquelle se trouvent ces personnes du fait de politiques cruelles et inhumaines qui violent les normes internationales et la législation du Chili et du Pérou concernant la protection des personnes nécessitant une protection internationale.
L’organisation rappelle que les personnes vénézuéliennes quittent leur pays en raison des violations massives des droits humains qui y sont commises et qui sont enregistrées de façon récurrente par les mécanismes internationaux, et souligne que de ce fait, les gouvernements chilien et péruvien sont tenus de procurer une protection et de garantir le droit de demander l’asile, conformément aux traités internationaux ratifiés par ces deux pays et incorporés dans leur législation.
De plus, Amnistie internationale a signalé que les personnes haïtiennes ne peuvent pas retourner dans leur pays à cause de la grave crise humanitaire et des droits humains qui y sévit, avec une violence généralisée, une instabilité politique et un système de santé au bord de l'effondrement. Le droit international prohibe les pratiques consistant à interdire à des personnes d’entrer dans le pays alors que ces personnes ont besoin d’une protection internationale, ou à les renvoyer de force dans leur pays d’origine.
« Quand les États prennent de façon unilatérale des mesures contraires au droit international relatif aux droits humains, cela produit un effet domino. Au lieu de recourir à ce type de mesures qui sanctionnent celles et ceux qui sont en quête d’une protection internationale et de meilleures conditions de vie, le Chili et le Pérou devraient coopérer pour apporter une réponse humanitaire et centrée sur les droits humains des personnes arrivent et des communautés qui les reçoivent. La militarisation des frontières met en danger non seulement les personnes réfugiées ou migrantes, mais aussi celles qui vivent dans ces localités », a déclaré Erika Guevara Rosas.
Pour affronter cette crise, il est essentiel que les autorités chiliennes et péruviennes réactivent et adaptent immédiatement leurs systèmes de réception des demandes d’asile. Selon les informations reçues, la réception et le traitement des demandes d’asile sont inopérants au Pérou depuis 2020. Récemment, Amnistie internationale a réuni des informations montrant que les autorités chiliennes, elles aussi, ont des pratiques et appliquent une politique qui empêchent les personnes ayant besoin d’une protection internationale de pouvoir trouver refuge au Chili, en violation de leurs droits humains.
Selon la plateforme R4V, plus de 7,23 millions de personnes vénézuéliennes ont dû fuir leur pays ces dernières années pour échapper aux crimes contre l’humanité, aux violations massives de leurs droits fondamentaux et à une crise humanitaire complexe. Environ 1,5 million de ces personnes se trouvent au Pérou, et 444 000 au Chili.