Lors de l’EPU du Bangladesh, les États membres de l’ONU doivent demander des comptes sur des violations graves des droits humains
Les États membres des Nations unies doivent tirer parti du prochain Examen périodique universel (EPU) du Bangladesh à l’ONU pour demander aux autorités de ce pays de rendre des comptes sur des violations flagrantes des droits humains et la détérioration rapide de la situation sur place à l’approche des élections générales, a déclaré Amnistie Internationale samedi 11 novembre.
« Le quatrième EPU du Bangladesh survient à un moment où des institutions de défense des droits humains, d’autres entités jouant un rôle essentiel, des dirigeant·e·s de l’opposition, des organes de presse indépendants et la société civile subissent des attaques systématiques dans le pays à l’approche des élections nationales. Cette évaluation est une occasion importante pour les États membres des Nations unies d’examiner le bilan du Bangladesh en matière de droits humains, et de demander des comptes aux autorités pour le non-respect de leurs obligations et engagements internationaux sur ce terrain », a déclaré Livia Saccardi, directrice régionale adjointe par intérim d’Amnistie Internationale chargée des campagnes pour l’Asie du Sud.
L’EPU du Conseil des droits de l’homme de l’ONU est l’occasion d’évaluer tous les quatre ans le bilan de l’ensemble des États membres des Nations unies en matière de droits humains. Le dossier communiqué à l’ONU par Amnistie Internationale en prévision de l’EPU du Bangladesh évalue la mise en œuvre des recommandations faites à ce pays lors de son précédent EPU et fait état de préoccupations dans plusieurs domaines : liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, et autres questions relatives aux droits humains, telles que les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires, les droits des minorités, la peine de mort, et les droits des réfugié·e·s.
Liberté d’expression
Lors du dernier EPU en date, en mai 2018, le gouvernement a accepté les recommandations visant à protéger le droit à la liberté d’expression ; toutefois, ces cinq dernières années, il a porté atteinte à ce droit de manière persistante, notamment en réformant de manière superficielle et en instrumentalisant à mauvais escient diverses lois. La nouvelle Loi sur la cybersécurité de 2023 conserve les caractéristiques draconiennes de l’ancienne loi sur la sécurité numérique.
Le gouvernement bangladais doit mettre la Loi de 2023 sur la cybersécurité en conformité avec le droit international relatif aux droits humains, et veiller à ce qu’elle ne soit pas utilisée pour s’en prendre aux défenseur·e·s des droits humains, aux militant·e·s et aux opposant·e·s, et pour réprimer la dissidence pacifique. Les autorités bangladaises doivent en outre libérer immédiatement et sans condition les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, avant les prochaines élections générales devant se tenir en janvier 2024.
Disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires
Les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées ont persisté ces cinq dernières années avec une fréquence alarmante, bien que le gouvernement du Bangladesh ait soutenu lors du dernier EPU des recommandations visant à renforcer les efforts visant à prévenir ces crimes, à enquêter sur les personnes soupçonnées d’en être responsables et, le cas échéant, à les traduire en justice. Amnistie Internationale a depuis lors mené l’enquête et recueilli des informations sur des disparitions forcées relevant de pratiques bien établies, suivies d’exécutions extrajudiciaires par le Bataillon d’action rapide (RAB), qui aurait tué au moins 466 personnes sous couvert d’une campagne de lutte contre la drogue en 2018.
Le gouvernement bangladais doit immédiatement ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et accéder à la demande présentée par le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires afin de pouvoir se rendre officiellement dans le pays. Le gouvernement doit également mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie, impartiale, indépendante, efficace et transparente sur les allégations de disparitions forcées formulées contre des membres des forces de l’ordre, en particulier le RAB, avant les élections générales de janvier 2024.
Liberté de réunion pacifique
La police continue à réprimer des manifestations pacifiques portant sur diverses problématiques citoyennes, notamment celles menées par des étudiant·e·s à l’université, des élèves, des travailleuses et travailleurs et des militant·e·s politiques, et ce en utilisant du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc, des matraques, des grenades assourdissantes et des canons à eau, et en recourant dans certains cas à la force meurtrière.
Le gouvernement du Bangladesh doit diligenter dans les plus brefs délais une enquête approfondie, impartiale, efficace et transparente sur le recours excessif à la force contre les manifestant·e·s, prendre les mesures disciplinaires qui s’imposent à l’encontre des responsables de l’application de la loi, y compris ceux qui ont une responsabilité de commandement, et libérer immédiatement toutes les personnes arbitrairement arrêtées et détenues par les autorités.
Peine de mort
Entre janvier 2018 et décembre 2022, Amnistie Internationale a recensé au moins 13 exécutions et 912 condamnations à mort. À la connaissance de l’organisation, en décembre 2021, au moins 2 000 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort. La peine capitale continue à être appliquée en violation du droit international et des normes afférentes. La plupart des personnes concernées ont été condamnées à mort pour meurtre, mais on constate nettement que la peine capitale tend à être également appliquée pour sanctionner des infractions non meurtrières comme le viol et la possession de stupéfiants. Le Tribunal pour les crimes de droit international, un organe qui fait controverse, continue en outre de prononcer la peine de mort, parfois par contumace, malgré les préoccupations concernant le respect des procédures légales.
Il faut restreindre l’application de la peine de mort aux « crimes les plus graves », et le gouvernement doit mettre en place un moratoire officiel sur les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition de ce châtiment.
Droits des minorités et des réfugié·e·s
Depuis 2019, les minorités hindoues ont été la cible d’au moins cinq agressions planifiées de grande ampleur prenant généralement la forme de pillages ciblés suivis de destructions violentes, « officiellement » en réponse à une publication sur les réseaux sociaux, qui s’est souvent révélée être fausse.
Vingt-cinq ans après la signature de l’Accord de paix des Chittagong Hill Tracts par le gouvernement bangladais et l’Association de solidarité populaire des Chittagong Hill Tracts (PCJSS), la région est encore militarisée, en violation de l’accord.
La réduction des financements et l’effondrement de la sécurité dans les camps de réfugié·e·s rohingyas provoquent des traumatismes psychologiques et physiques supplémentaires pour la communauté rohingya au Bangladesh.
Le gouvernement bangladais doit adopter une politique respectueuse des droits des minorités religieuses et ethniques et des réfugié·e·s rohingyas.
« Amnistie Internationale exhorte les États membres des Nations unies à engager des discussions constructives avec le Bangladesh, notamment en faisant un suivi de leurs recommandations passées et en proposant des recommandations concrètes pour améliorer le respect des droits humains dans le pays », a déclaré Livia Saccardi.