Arabie saoudite. Les bénéfices records d’Aramco doivent servir à financer une transition mondiale vers les énergies renouvelables
Les 150 milliards d’euros de bénéfices annuels annoncés le 12 mars 2023 par Saudi Aramco, entreprise pétrolière détenue en grande partie par l’État saoudien, bénéfices records jamais réalisés par une entreprise en un an, devraient servir à financer une transition vers les énergies renouvelables fondée sur les droits humains, a déclaré Amnistie internationale.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale, a déclaré : « Il est choquant qu’une entreprise réalise des profits de plus de 150 milliards d’euros en une seule année grâce à la vente de combustibles fossiles – principal facteur de la crise climatique. C’est d’autant plus choquant que cet excédent a été amassé en pleine crise mondiale du coût de la vie et favorisé par la hausse des prix de l’énergie découlant de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. »
Le gouvernement saoudien et le Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite, son fonds souverain, détiennent plus de 98 % de Saudi Aramco, ce qui fait de l’entreprise, grâce aux dividendes et taxes qu’elle verse, une source majeure des revenus, de la richesse et de l’influence du Royaume.
« Il est grand temps que l’Arabie saoudite agisse dans l’intérêt de l’humanité et soutienne l’abandon progressif de l’industrie des combustibles fossiles, une étape essentielle pour éviter d’aggraver les effets néfastes sur le climat », a déclaré Agnès Callamard.
Amnistie internationale soutient les pays de Vanuatu et Tuvalu, le Parlement européen, l’Organisation mondiale de la Santé et les milliers d’organisations de la société civile qui demandent l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant sur la non-prolifération des combustibles fossiles. Les gouvernements doivent également accepter d’éliminer progressivement l’usage et la production de tous les combustibles fossiles lors des négociations sur le climat de la COP28 qui aura lieu cette année. Il est plus urgent que jamais d’opérer une transition énergétique rapide et juste vers des alternatives renouvelables.
Richesse énorme et bilan honteux en termes de droits humains
Le gouvernement saoudien a un lourd et consternant passif en matière de violations des droits humains : exécutions, arrestations arbitraires, détention sans procès, torture, suppression de la liberté de réunion et d’expression, discrimination fondée sur le genre et criminalisation des personnes LGBTI notamment. Ses forces combattent au Yémen voisin, où elles se sont livrées à de possibles crimes de guerre et violations du droit humanitaire.
Le Royaume, en grande partie par l’intermédiaire du Fonds d’investissement public (PIF), a récemment dépensé des milliards pour le blanchiment par le sport en achetant des tournois, des événements et des clubs de football, afin de détourner l’attention de cette longue liste d’abus.
« Nous demandons instamment au gouvernement d’Arabie Saoudite et au Fonds d’investissement public de saisir cette occasion de changer de cap. Ces bénéfices extraordinaires, et tous les futur revenus dérivés d’Aramco, ne doivent pas servir à financer des violations des droits humains, à les dissimuler ou à tenter de les balayer sous le tapis via le blanchiment par le sport, a déclaré Agnès Callamard.
« Les bénéfices d’Aramco doivent être mis au profit de la planète et de ses habitant·e·s. Ils pourraient servir à financer une juste transition axée sur les droits vers les énergies renouvelables et à améliorer la vie des Saoudien·ne·s ordinaires. »
Complément d’information
Saudi Aramco produit actuellement plus de 12 millions de barils de pétrole par jour. Elle a pour objectif d’augmenter sa production d’environ un million de barils par jour d’ici 2027 et d’accroître sa production de gaz naturel de 50 % d’ici 2030.
On estime que le pétrole et le gaz produits par Aramco sont responsables de plus de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1965 et, d’après une étude, d’environ 4,8 % de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2018 – soit la part la plus importante de toutes les compagnies pétrolières et gazières.
Aramco aime à dire que ses émissions opérationnelles sont faibles par rapport à celles d’autres géants pétroliers, mais c’est sans importance lorsque les millions de barils qu’elle pompe chaque jour sont malgré tout consommés.
Un petit pourcentage de ses actions est coté à la bourse d’Arabie saoudite et une cotation secondaire sur un autre marché boursier serait en cours de préparation afin d’attirer les investissements internationaux.
En février 2022, Mohammed ben Salmane, prince héritier et Premier ministre d’Arabie saoudite, a transféré environ 4 % des actions d’Aramco, d’une valeur de 75 milliards d’euros, au Fonds d’investissement public (PIF), qu’il préside.
Des projets et des entreprises appartenant ou liés au PIF sont impliqués dans de graves atteintes aux droits humains, notamment dans le cadre du développement de la ville « futuriste » de NEOM, qui a donné lieu à de violents affrontements avec des tribus vivant dans la région et à des violations liées à l’acquisition de terres sur le site.
En Arabie saoudite, presque tous les défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s des droits des femmes, journalistes indépendants, écrivain·e·s et détracteurs ont été détenus arbitrairement ou ont fait l’objet de procès iniques de longue durée. Ces derniers mois, la violente répression contre la liberté d’expression s’est intensifiée, certains étant condamnés à des peines de prison comprises entre 10 et 45 ans pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions en ligne.
Il est interdit de remettre en cause publiquement la gestion économique du pays. Essam al Zamel, entrepreneur et économiste, qui a remis en question le projet de cotation en bourse des actions d’Aramco, a été arrêté en 2017 et condamné à 15 ans de prison en octobre 2020.