Irak. La loi accordant des réparations aux Yézidis est un progrès notable, mais il faut faire plus pour venir en aide aux victimes
Cependant, les autorités irakiennes doivent faire davantage pour répondre aux besoins de toutes les victimes, notamment en accordant spécifiquement des réparations aux enfants nés de violences sexuelles imputables à des membres de l’EI en captivité.
Elles ont largement ignoré les recommandations importantes formulées par les organisations de la société civile irakienne sur les réglementations, et n’ont donc pas mis en place d’approche centrée sur les victimes, de mécanismes d’obligation de rendre des comptes ni de procédures permettant de sensibiliser, de déposer des demandes et d’examiner les requêtes.
« Les nouvelles dispositions permettant de promulguer la loi sur les survivants yézidis sont une étape essentielle pour rendre justice à la communauté yézidie et garantir que les réparations parviennent bien jusqu’aux victimes, a déclaré Nicolette Waldman, chercheuse au sein du programme de réponse aux crises d'Amnistie internationale.
« Toutefois, les enfants nés des viols des combattants de l’EI ne sont pas spécifiquement mentionnés dans le texte de loi, pas plus que les besoins de leurs mères. C’est une omission capitale à laquelle il faut remédier afin de rendre justice à toutes les victimes yézidies.
« Si certaines femmes yézidies ont choisi de se séparer de leurs enfants issus de violences sexuelles, beaucoup en ont été séparées de force – et n’attendent qu’une chose, pouvoir les retrouver.
« Les autorités irakiennes doivent remédier à la situation de ces femmes et de ces enfants en incluant explicitement dans les réparations les enfants issus de violences sexuelles, et en prenant toutes les mesures nécessaires pour que ces femmes et leurs enfants puissent vivre ensemble en toute sécurité.
« Il convient de saluer les organisations et les acteurs de la société civile qui, par leur mobilisation sans faille, ont contribué à ce que la loi devienne réalité. Hélas, les autorités irakiennes n’ayant pas saisi l’occasion d’intégrer leurs recommandations dans la loi, nous les engageons à écouter leurs avis lors de la phase d’application. »
Entre 2014 et 2017, l’EI a commis contre la communauté des Yézidis en Irak des atrocités s’apparentant à des crimes de guerre, à des crimes contre l’humanité et, selon une enquête de l’ONU, à un génocide.
Complément d’information
Le 1er mars 2021, le Parlement irakien a adopté la Loi sur les survivants yézidis, qui offre un cadre de réparations destinées aux nombreuses victimes des crimes commis par l’EI, notamment aux femmes et aux filles soumises à des violences sexuelles, ainsi qu’aux enfants qui ont été enlevés alors qu’ils n’avaient pas 18 ans.
Si la loi met l’accent sur la communauté des Yézidis, elle englobe également dans son champ d’application les victimes issues des groupes minoritaires chrétiens, turkmènes et shabaks. La loi prévoit un salaire mensuel, une parcelle de terre ou un logement, une aide à la réinsertion scolaire, l’accès à des services psychosociaux et autres services de santé, ainsi que d’autres aides essentielles.
Dans un rapport publié l’an dernier, Amnistie internationale a relevé que près de 2 000 enfants yézidis qui sont rentrés dans leurs familles après avoir été retenus captifs par l’État islamique (EI) se trouvent dans un état de santé physique et psychologique très inquiétant.
Intitulé Legacy of Terror: The Plight of Yezidi Child Survivors of ISIS, ce rapport insiste sur le fait qu’il est urgent de mettre un terme à la séparation forcée des femmes yézidies et de leurs enfants issus de violences sexuelles imputables à des membres de l’EI.