• 22 oct 2020
  • République centrafricaine
  • Communiqué de presse

Alors que de nombreuses personnes « ont soif de procès », certains chefs de guerre sont toujours en liberté

Malgré quelques enquêtes et procès ces dernières années, de nombreux auteurs des terrifiantes violations et atteintes aux droits humains perpétrées en République centrafricaine (RCA) n’ont toujours pas été déférés à la justice deux ans après l’inauguration de la Cour pénale spéciale du pays (CPS), a déclaré Amnistie internationale le 22 octobre.

Plusieurs groupes armés et individus jouissent de l’impunité pour les crimes de droit international, notamment des meurtres et des violences sexuelles, commis au cours des décennies de conflit en RCA.

Dans un nouveau rapport intitulé République centrafricaine. « Au procès, ces chefs de guerre ont baissé la tête ». La difficile quête de justice, Amnistie internationale montre que le travail de la CPS a été entravé par des insuffisances concernant l'opérationnalisation de la Cour et un manque de transparence, et que le système judiciaire de la RCA n’a pas la capacité de faire face à l’ampleur de ces violations. Il attire également l’attention sur les efforts qui doivent encore être fournis pour garantir l’équité des procès devant les tribunaux ordinaires et devant la CPS.

« Ce sont les civils qui ont été les principales victimes des vagues de violence et conflits armés qui se sont succédé depuis 2002 en RCA. Des milliers d’entre eux ont été tués, violés, et plus d’un demi-million de personnes sont toujours déplacées. L’impunité est un affront aux victimes et un blanc-seing accordé aux criminels. L’inauguration de la CPS a représenté une lueur d’espoir pour les victimes, mais les progrès sont lents. Dix affaires sont en cours d’instruction, et la CPS a refusé de divulguer l’identité des 21 personnes arrêtées à l’issue des investigations qu’elle a menées, sans expliquer ce qui motive ce refus », a expliqué Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnistie internationale.

« Le système judiciaire de la RCA manque cruellement de ressources. Alors que des groupes armés, y compris des ex-Séléka et des anti-Balaka, continuent d’attaquer régulièrement des civils, il est évident que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour mettre fin au cycle de l’impunité qui continue de causer tant de souffrances. »

La CPS est un tribunal hybride qui bénéficie du soutien de l’ONU et qui a pour mission d’enquêter et de mener des poursuites judiciaires, sur une période de cinq ans renouvelable, sur les crimes de droit international et les autres graves violations des droits humains perpétrés en RCA depuis janvier 2003. Elle a été instaurée par une loi en juin 2015 et inaugurée le 22 octobre 2018. Son mandat est complémentaire de celui de la CPI et de ceux des tribunaux ordinaires de la RCA.

Manque de transparence et identité inconnue des suspects à la CPS

Les chercheurs d’Amnistie internationale ont mené à distance des entretiens avec des juges, des procureurs, des avocats et des militant·e·s, et examiné plus de 100 documents juridiques.

Le bureau du Procureur spécial de la CPS a reçu au moins 122 plaintes, et dix affaires sont en cours d’instruction. Mais l’on sait peu de choses au sujet des événements et crimes concernés et de l’avancée de ces affaires. La procédure manque de transparence et le public n’a pas été informé de l’identité des suspects placés en détention provisoire.

Au moins 21 personnes ont été arrêtées dans le cadre de ces enquêtes et se trouvent actuellement en détention provisoire. Trois des personnes incarcérées ont été arrêtées à la suite d’homicides commis à Paoua (Nord-Ouest) en mai 2019. Neuf personnes ont été arrêtées le 19 mai 2020 pour des homicides commis à Ndele (Nord-Est) en 2019 et 2020, et neuf autres ont été arrêtées le 25 mai 2020 pour des attaques contre des civils commises à Bambouti, Obo et Zemio (Sud-Est) en 2020.

Les enquêtes ont débuté en 2019 et les procès devraient s’ouvrir en 2021, mais l’opérationnalisation de la CPS se heurte à de graves obstacles qui l’empêchent de fonctionner correctement. Figurent au nombre de ces difficultés le recrutement de juges internationaux et le retard qui a été pris dans la mise en place du système de représentation légale de la Cour.

Amnistie internationale a parlé avec des membres du personnel de la CPS et du personnel des Nations unies qui apportent leur soutien à la CPS, qui ont confirmé qu’il est difficile de recevoir des candidatures satisfaisantes pour les postes de juges internationaux en raison de la situation sécuritaire et politique en RCA, et de la nécessité d’avoir des francophones ayant de l’expérience dans le système romano-germanique.

Par exemple, le mandat d’une juge nommée à la chambre d’instruction de la CPS a expiré, mais elle n’a toujours pas été remplacée. Il ne reste donc plus à la chambre d’instruction qu’une seule juge internationale, qui doit s’impliquer sur toutes les affaires en cours. En conséquence, les affaires examinées par cette chambre subissent des retards.

« Nous saluons les mesures prises par les autorités pour combattre l’impunité à travers la mise en place de la CPS, mais le fait est que de nombreuses victimes attendent toujours que justice soit rendue pour des crimes qui ont été commis il y a presque 20 ans. Justice doit être rendue, et perçue comme rendue », a déclaré Samira Daoud.

« Nous demandons aux États membres des Nations unies d’envisager de faire des contributions financières à la CPS, afin qu’elle puisse remplir son mandat et rendre enfin justice, et nous appelons les États francophones à soumettre d’urgence des candidatures pour détacher des juges à la Cour. »

Reprise des sessions criminelles

Après une interruption de plusieurs années, les tribunaux ordinaires de la RCA ont repris en 2015 les sessions criminelles. Cela a représenté une avancée positive, mais le système judiciaire doit faire face à de nombreuses difficultés, notamment en raison du manque de personnel, d’infrastructures et de matériel. Sur les 24 tribunaux prévus par la loi, 16 seulement étaient opérationnels au moment où nous rédigions le rapport.

Le nombre de sessions criminelles organisées chaque année demeure également inférieur au minimum requis par la loi, et le nombre d’affaires qui passent en jugement est insuffisant au regard du nombre de crimes perpétrés depuis 2002. En 2019, 20 procès en assises ont eu lieu dans l’ensemble du pays.

De plus, la police et les autorités judiciaires de la RCA manquent d’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, et le conflit en cours ainsi que l’insécurité représentent des défis supplémentaires.

Une personne travaillant pour une organisation d’assistance juridique a dit à Amnistie internationale qu’en raison de la présence des groupes armés, certains juges ne peuvent pas se déplacer en toute sécurité dans leur propre juridiction.

Il est difficile de donner le nombre exact de poursuites pénales liées au conflit engagées devant les tribunaux en RCA et de savoir si ces procès étaient des procès équitables.

La grande majorité des poursuites qui ont été engagées contre des membres des anti-Balaka ou des ex-Séléka depuis 2015 concernent à notre connaissance des subalternes et des crimes contre l’État, plutôt que des crimes et violations des droits humains contre les civils.

Amnistie internationale a connaissance de deux cas où d’anciens membres des anti-Balaka ont été jugés par la cour criminelle de Bangui pour des crimes commis contre des civils.

Le 22 janvier 2018, un tribunal a déclaré le chef anti-balaka Général Andjilo coupable d’assassinat, d’association de malfaiteurs, de détention illégale d’armes de guerre, de vol à mains armées et de séquestration.

En février 2020, le tribunal a émis son premier jugement pour crimes de droit international en ce qui concerne une attaque menée le 13 mai 2017 par un groupe anti-Balaka à Bangassou (Sud-Est). Lors de cette attaque, 72 personnes ont été tuées, notamment des civils et 10 soldats de la paix de l'ONU, et des milliers d’autres ont été contraintes de fuir la ville.

Cinq ex-leaders de groupes anti-Balaka – Kevin Bere Bere, Romaric Mandago, Crepin Wakanam alias Pino Pino, Patrick Gbiako et Yembeline Mbenguia Alpha – ont été déclarés coupables de plusieurs chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Les audiences de ce procès ont été retransmises intégralement à la radio et à la télévision.

Un ancien juge a déclaré à Amnistie internationale :

« … [D]es chefs de groupes armés qui étaient très puissants […] sont redevenus tout petits ! Les victimes durant l’audience ont pu s’adresser directement aux accusés, et les chefs de guerre ont baissé la tête [...] ! On a senti que la justice est en train de se faire. Ce sont vraiment des moments forts, appréciés par la population. »

Les tribunaux militaires

En juillet 2020, des juges militaires ont été nommés pour la première fois depuis l’adoption du Code de justice militaire de 2017, ce qui a ouvert la voie à de futures poursuites devant des tribunaux militaires.

Amnistie internationale demande aux autorités centrafricaines de modifier la législation afin que le domaine de compétence des tribunaux militaires soit limité aux infractions strictement militaires commises par le personnel militaire. La loi doit explicitement exclure les crimes commis contre des civils du champ de compétence des tribunaux militaires, conformément aux normes internationales.

« La plupart des personnes suspectées d’être responsables de crimes perpétrés depuis 2012 dans les deux camps, ex-Séléka et anti-Balaka, demeurent en liberté dans le pays, et certaines d’entre elles continuent de commettre des violations », a déclaré Samira Daoud.

« Les droits des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations dans un délai raisonnable ne doivent pas être sacrifiés au nom de calculs politiques, qui se sont souvent révélés contre-productifs. Le combat contre l’impunité doit donc rester la première des priorités. La justice qui vise les petits et qui ne respecte pas les règles de procédure n’est pas la vraie justice. »

Questions / réponses

  1. Notre rapport examine les avancées réalisées par la Cour pénale spéciale et les tribunaux ordinaires dans le but de mettre fin à l’impunité pour les crimes de droit international et les autres graves violations des droits humains et atteintes à ces droits commis en République centrafricaine (CAR) depuis 2002. 
  2. Il attire également l’attention sur les défis et préoccupations persistants liés au fonctionnement de ces juridictions et à l’équité de la procédure judiciaire.
  3. Nous avons constaté que les efforts visant à garantir la justice commencent avec des poursuites judiciaires engagées devant des tribunaux ordinaires et devant la Cour pénale spéciale (CPS). 
  4. Cependant, ces efforts sont insuffisants, et il reste encore beaucoup à faire pour que les auteurs de ces agissements répondent de leurs actes dans le cadre de procès équitables, et pour que les victimes de tous les graves crimes qui ont été perpétrés dans le contexte des conflits armés obtiennent justice.
  • Notre rapport est principalement basé sur des entretiens menés à distance avec des juges, des procureurs, des avocats et des militant·e·s en juillet 2020, en raison de la pandémie de COVID-19 et des restrictions concernant les voyages. Cependant, notre équipe s’était auparavant rendue en RCA en novembre 2018 et juillet 2019 afin de préparer ce travail de recherche.
  • Nos chercheurs ont également examiné plus de 100 documents juridiques.
  • Les informations obtenues lors de ces entretiens ont été analysées et recoupées avec d’autres renseignements rassemblés lors de visites à Bangui ou au moyen de la recherche documentaire.
  • Les interviews en vidéo et à la radio de représentants concernés des autorités ont également été examinées par nos chercheurs pour la rédaction de notre rapport.

Oui. Le 1er juillet 2020, en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, nous avons contacté par courriel le ministère centrafricain de la Justice pour solliciter un entretien à distance avec des représentants concernés des autorités et demander des informations. Nous n’avons pas reçu de réponse à cette lettre, ni au courrier de suivi demandant des informations écrites que nous avons envoyé le 5 août 2020.

Le 2 octobre 2020, nous avons envoyé une dernière lettre aux autorités, qui présente notamment les principaux résultats de nos recherches et qui leur demande d’y répondre. Au moment de la publication de notre rapport, nous n’avions toujours pas reçu de réponse de la part des autorités. 

Nous avons été en contact avec le ministre de la Justice pendant nos précédentes missions en RCA pour parler avec lui des mesures prises pour lutter contre l’impunité en ce qui concerne les graves violations des droits humains perpétrées dans le pays. 

Les résultats de nos recherches montrent que des initiatives ont été prises par les autorités pour déférer à la justice ceux qui ont commis des crimes et des violations des droits humains, mais qu’il reste encore beaucoup à faire. 

Nous avons réuni les témoignages de personnes qui sentaient que justice était en train d’être rendue.  De plus, des procès ont eu lieu devant des tribunaux ordinaires. En février de cette année, cinq ex-dirigeants de groupes anti-Balaka ont été déclarés coupables de plusieurs chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Ils ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. 

Au moins 21 personnes ont été arrêtées dans le cadre des enquêtes menées par la Cour pénale spéciale et se trouvent actuellement en détention provisoire. Des procès devraient s’ouvrir au début de l’année 2021. 

Nos recherches montrent que malgré ces avancées, beaucoup reste encore à faire, et qu’il faut agir mieux et plus rapidement, car la plupart des personnes soupçonnées d’être responsables de crimes perpétrés depuis 2012 dans les deux camps, ex-Séléka et anti-Balaka, demeurent en liberté dans le pays, et certaines d’entre elles continuent de commettre des violations.

Il s’agit d’une juridiction hybride créée en 2015 par les autorités centrafricaines avec le soutien de l’ONU. La Cour est intégrée dans le système judiciaire national de la RCA en tant que mécanisme judiciaire mixte. Elle applique à la fois le droit centrafricain et international, et elle est composée de juges, de procureurs et de greffiers centrafricains et « internationaux ». 

La CPS a pour mission d’enquêter et de mener des poursuites judiciaires, sur une période de cinq ans renouvelable, sur les crimes de droit international et les autres graves violations des droits humains perpétrés en RCA depuis janvier 2003. Elle a été inaugurée le 22 octobre 2018. Son mandat est complémentaire de celui de la CPI et de ceux des tribunaux ordinaires de la RCA. 

Les enquêtes menées par le Procureur spécial ont débuté en 2019, et 10 affaires sont en cours d’instruction devant la CPS. Au moins 21 personnes ont été arrêtées dans le cadre de ces enquêtes et se trouvent actuellement en détention provisoire.

L’opérationnalisation de la CPS se heurte à de graves difficultés, notamment en ce qui concerne le recrutement de juges et greffiers internationaux, et le retard qui a été pris dans la mise en place du système de représentation légale de la Cour. Ces difficultés sont susceptibles de nuire aux enquêtes en cours et aux futurs procès.

La CPS est le seul tribunal internationalisé qui ne divulgue pas l’identité des suspects placés et détention, et les chefs d’accusation retenus contre eux. Nous n’avons pas pu vérifier si les droits de ces personnes sont respectés, notamment leur droit de recevoir des visites de leur famille, leur droit à un avocat et leur droit de contester leur détention et d’être détenues dans des conditions humaines. 

Plus généralement, on ne dispose que de très peu d’informations sur les affaires en cours. Aucune décision judiciaire n’a jusqu’à présent été rendue publique. Nous demandons en conséquence à la CPS de garantir beaucoup plus de transparence en ce qui concerne la procédure en amont du procès, y compris avec des audiences publiques et des décisions judiciaires rendues publiques.

Le secteur de la justice pénale en RCA est confronté à des difficultés multiples, complexes et étroitement liées en ce qui concerne ses capacités, ainsi qu’à divers obstacles externes liés au contexte dans lequel il mène ses activités. Les résultats de nos recherches et l’analyse que nous en avons faite montrent que les problèmes de capacité du système judiciaire sont notamment liés à un manque de personnel, d’infrastructures et de matériel, à la formation insuffisante de son personnel et à des processus d'évaluation inefficaces à tous les niveaux. Le conflit en cours ainsi que l’insécurité qui prévaut dans une grande partie du pays aggravent encore ces difficultés. Par exemple, on constate une nette différence entre Bangui et le reste du pays, où les tribunaux, les juges et les avocats sont parfois tout simplement inexistants. Les autorités elles-mêmes reconnaissent l’existence de ces difficultés et de ces obstacles.

Le Code de procédure pénale de la RCA prévoit que six sessions criminelles au minimum doivent chaque année être organisées, mais ces sessions demeurent sporadiques. En raison aussi de la pandémie, aucune session n’a encore eu lieu en 2020. Il est nécessaire que soient organisés chaque année un plus grand nombre de procès pénaux. 

Notre rapport montre que si des procès ont été ouverts devant des tribunaux ordinaires contre des membres des groupes armés ex-Séléka ou anti-Balaka, la plupart d’entre eux ont à notre connaissance concerné des subalternes et/ou des infractions mineures ou des crimes contre l’État, plutôt que les crimes graves commis contre des civils dans le contexte du conflit. Cependant, deux procès au moins menés devant des tribunaux ordinaires ont concerné d’anciens commandants des anti-Balaka accusés de crimes commis contre des civils. Le premier procès, qui s’est déroulé en 2018, a concerné le chef anti-balaka Général Andjilo, et le deuxième est le « procès de Bangassou », qui s’est tenu début 2020. Cependant, des juristes interrogés par Amnesty ont exprimé des inquiétudes quant à l’équité de ces procès.

Nous recommandons au ministère de la Justice d’organiser chaque année au minimum six sessions criminelles conformément aux dispositions du Code de procédure pénale du pays, soit à Bangui, Bouar ou Bambari soit ailleurs. Nous lui recommandons également d’améliorer la qualité de toutes les procédures pénales, de la phase d’enquête jusqu’au jugement final, et de veiller au respect des normes relatives à l’équité des procès, y compris en ce qui concerne le respect des délais pour la détention provisoire, et la protection des témoins et des victimes.

En RCA, un nouveau Code de justice militaire a été adopté par l’Assemblée nationale et promulgué par le chef de l’État le 24 mars 2017. Son article 21 pose problème. Selon nous, les tribunaux militaires ne doivent pas avoir compétence pour juger les civils ni pour juger des crimes commis contre des civils.  

Les juges des tribunaux militaires appartiennent souvent à l’armée, ils n’ont peut-être pas la formation juridique nécessaire ou ne sont peut-être pas indépendants vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques. Ils travaillent en outre souvent de façon secrète, en ne permettant pas la participation des victimes ou la tenue d’audiences publiques. Ces éléments incitent à douter de l’indépendance et de l’impartialité de ces tribunaux et de leur aptitude à juger de hauts responsables de l’armée en ce qui concerne les crimes commis contre des civils, en particulier les crimes de droit international. Amnesty a constaté que dans de nombreux pays des tribunaux militaires ont protégé des membres de l’armée, au lieu de les amener à répondre de leurs agissements et de rendre justice aux victimes. 

Voilà pourquoi nous recommandons que le Code de justice militaire soit modifié afin que le champ de compétence des tribunaux militaires en RCA se limite strictement aux infractions commises par le personnel militaire et afin qu’en soient explicitement exclus les crimes commis contre des civils, en particulier les crimes de droit international. Ces crimes doivent être jugés par des tribunaux ordinaires, la CPS ou la CPI, dans le cadre de procès équitables et sans recours à la peine de mort.

La position d’Amnesty est conforme aux lignes directrices de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, en la matière.

• veiller à ce que les auteurs présumés de crimes de droit international et d’autres graves violations ou atteintes aux droits humains commis depuis 2002, par toutes les parties au conflit, fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires, et à ce qu’ils soient jugés dans le cadre de procès équitables et sans recours à la peine de mort ; 

• suspendre toute personne faisant l’objet d’une telle enquête ou de telles poursuites judiciaires de ses fonctions officielles au sein de l’armée, du gouvernement ou d’un autre corps de l’État ;

• veiller à ce que le ministère de la Justice dispose de moyens suffisants pour accomplir sa mission, y compris du budget nécessaire pour les six sessions criminelles par an requises par la Code de procédure pénale ; et envisager d’accroître le budget et le nombre des sessions criminelles et/ou de passer à un système de juridiction pénale permanente ;

• modifier le Code de justice militaire, en particulier son article 21, afin que le champ de compétence des tribunaux militaires soit strictement limité aux infractions militaires commises par le personnel militaire ;

• abolir la peine de mort pour tous les crimes.