• 17 nov 2020
  • Canada
  • Communiqué de presse

Lettre ouverte à l’honorable Marco E.L. Mendicino, député

Monsieur le Ministre, 

Les soussignés, qui représentent les principales associations de traducteurs et d’interprètes, de grandes organisations de plaidoyer et des universités de partout dans le monde, sont très inquiets de la sécurité de leurs collègues qui ont servi loyalement les Forces armées canadiennes en Afghanistan. Pour échapper à la persécution par les insurgés, qui les considèrent comme des traîtres pour leur collaboration avec les FAC, ces linguistes ont été forcés à s’enfuir ou à vivre dans la clandestinité dans leur propre pays. Il se retrouvent aujourd’hui dans des camps de réfugiés ou sont laissés à eux-mêmes en Asie et en Europe.

Nous comprenons que les interprètes délaissés ont reçu la directive d’utiliser les canaux établis pour les demandes de visas lorsque le programme des Mesures spéciales d‘immigration (MSI) mis en place par le gouvernement Harper a pris fin. Toutefois, ces canaux représentent d’énormes difficultés qui rendent ces personnes particulièrement vulnérables. Ceux qui demeurent en Afghanistan doivent d’abord obtenir le statut de réfugié dans un autre pays avant de pouvoir présenter une demande de visa, ce qui implique voyager dans un territoire contesté ou contrôlé par les talibans. Pour ceux, peu nombreux, qui ont pu quitter le pays, ils courent le risque de se retrouver dans un pays étranger hostile aux collaborateurs et doivent faire face aux complexités du dépôt d’une demande de visa sans domicile fixe ou en provenance d’un camp de migrants. Par ailleurs, ils doivent faire face au défi que représente le processus d’application qui exige des preuves de persécution, souvent impossibles à réunir, le manque criant de ressources, et une myriade d’autres obstacles. 

Le président des États-Unis a annoncé son intention de retirer les troupes d’Afghanistan « d’ici Noël ». Cet échéancier, couplé à la force grandissante des talibans et à l’incapacité de la police afghane à assurer un minimum de sécurité, rend les interprètes autrefois alliés des FAC de plus en plus inquiets pour leurs vies. Voilà pourquoi nous demandons que votre pays agisse rapidement pour mettre ces interprètes en sécurité, pour des motifs humanitaires et de compassion (Art.25.1 [1] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) en renonçant à l’exigence de se trouver à l’extérieur de l’Afghanistan pour faire une demande de statut de réfugié, ou en mettant en place un programme temporaire de Mesures spéciales d’immigration.   

Comme vous le savez peut-être deux des proches alliés du Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, ont revu leurs politiques de visas et adopté une approche plus avenante. Par exemple, au printemps dernier, l’Australie a grandement facilité le parcours de demandeur d’asile pour les linguistes iraquiens. Le mois dernier, le Royaume-Uni a annoncé une nouvelle législation qui élargit son programme ex-gratia pour permettre la réinsertion de douzaines d’interprètes afghans de plus. Le Canada a déjà démontré sa grande humanité, notamment dans le cadre de son Plan des niveaux d’immigration 2020-22, très généreux en soi. C’est pourquoi nous vous prions d’y prévoir l’admission des quelques 30 à 40 interprètes afghans qui cherchent encore refuge dans votre pays.

La communauté langagière mondiale et ses partenaires humanitaires vous en remercient à l’avance. 

Sincèrement,

 

Maya Hess, President, Red T

Linda Fitchett, Chair, Conflict Zone Group, International Association of Conference Interpreters (AIIC)

Kevin Quirk, Président, Fédération internationale des traducteurs (FIT)

Aurora Humarán, President, International Association of Professional Translators and Interpreters (IAPTI)

Angela Sasso, President, Critical Link International (CLI)

Christopher Stone, President, World Association of Sign Language Interpreters (WASLI) 

Maurizio Viezzi, président, Conférence internationale permanente d’instituts universitaires de traducteurs et interprètes (CIUTI)

Loredana Polezzi, President, and the Executive Council, International Association of Translation and Intercultural Studies (IATIS)

Lucio Bagnulo, Head of Translation, Language Resource Centre, International Secretariat, Amnesty International

Betsy Fisher, Director of Strategy, International Refugee Assistance Project (IRAP)

Urtzi Urrutikoetxea, Chair, Translation and Linguistic Rights Committee, PEN International

Bill Rivers, président, FIT-Amérique du Nord

Linda Ballantyne, Chair, Canada Regional Bureau, AIIC

Ketty Nivyabandi, Secretary General, Amnesty International Canada (English Section)

France-Isabelle Langlois, Directrice générale, Amnistie internationale Canada francophone

Richard Stursberg, President, PEN Canada
Gaston Bellemare, President, PEN Québec

Donald Barabé, président, Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ)

Ted Wozniak, President, American Translators Association (ATA)

Annette Schiller, présidente, FIT Europe

Ivana Bućko, President, European Forum of Sign Language Interpreters (EFSLI)

Daniela Perillo, President, European Legal Interpreters and Translators Association (EULITA)

Pascal Rillof, President, European Network for Public Service Interpreting and Translation (ENPSIT)