Les législateurs de la SADC doivent renforcer les lois afin de remédier aux menaces qui pèsent sur les droits humains
Les législateurs de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) doivent renforcer les lois en vue de protéger les droits humains sur fond de menaces croissantes dans la région, entre autres les violations en marge du conflit au Mozambique et la répression des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique liée à la COVID-19, a déclaré Amnistie internationale le 7 décembre 2020.
« Depuis l’Angola jusqu’au Lesotho en passant par le Zimbabwe, les citoyen·ne·s sont victimes de l’usage excessif de la force par la police parce qu’ils se mobilisent pour leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Le conflit dans la province mozambicaine de Cabo Delgado se traduit par des enlèvements, des détentions arbitraires et autres exactions, a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
« La pandémie de COVID-19 a également révélé de profondes inégalités économiques et injustices sociales. Il est temps que les législateurs de la SADC intensifient leurs interventions, renforcent les lois et mettent en œuvre des politiques à même de garantir le respect des droits des personnes dans tous les pays de la région. »
Consolider le rôle des parlements dans la protection et la promotion des droits fondamentaux au sein des États membres de la SADC sera au cœur du webinaire qu’Amnistie internationale organise en partenariat avec le Forum parlementaire de la SADC le 7 décembre. Ce webinaire apportera une orientation essentielle aux législateurs de la SADC et aux acteurs non-étatiques sur la manière de collaborer efficacement en vue de remédier aux problèmes majeurs en termes de droits humains dans la région.
Conflit et violations des droits humains
La situation des droits humains au Mozambique se dégrade depuis qu’un groupe armé qui se fait appeler Al Shabab a initié des combats il y a plus de trois ans dans la province de Cabo Delgado. Le conflit a fait plus de 2 000 morts et les attaques violentes menées par ce groupe armé ont augmenté de 300 % au cours des quatre premiers mois de 2020, en comparaison avec la même période en 2019.
Les forces armées mozambicaines sont accusées d’avoir commis des crimes relevant du droit international et des violations des droits humains dans le cadre de la lutte contre les personnes soupçonnées d’être liées au groupe armé, notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
« Jusqu’à présent, les victimes du conflit dans le Cabo Delgado sont toujours loin d’obtenir justice, vérité et réparations. Les autorités du Mozambique n’ont pas traduit en justice les auteurs présumés de crimes de droit international et de violations des droits humains », a déclaré Deprose Muchena.
Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique
Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique sont de plus en plus attaqués dans les pays où les citoyen·ne·s exigent une plus grande obligation de rendre des comptes de la part de leurs gouvernements, notamment en Eswatini, au Lesotho, au Mozambique et au Zimbabwe.
Au Lesotho, des dizaines de jeunes militant·e·s ont été victimes de brutalités policières en novembre, après avoir mené une manifestation pacifique pour réclamer des perspectives économiques et des emplois. Onze d’entre eux ont été arrêtés et inculpés de rassemblement illégal et de trouble à l’ordre public.
Ils doivent comparaître au tribunal le 14 décembre. Les autorités doivent immédiatement abandonner les accusations portées à l’encontre de ces jeunes militants, arrêtés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Alors que la COVID-19 continue de se propager en Afrique australe, les gouvernements ciblent les journalistes et les médias qui critiquent leur gestion de la pandémie. De Madagascar à la Zambie, les gouvernements criminalisent les journalistes et ferment les médias considérés comme critiques à l’égard des réponses insuffisantes face à la COVID-19.
En Zambie, les autorités ont fermé la chaîne de télévision indépendante Prime TV le 9 avril, après avoir annulé sa licence de diffusion. Cette suppression a été ordonnée parce que la chaîne aurait refusé de diffuser des campagnes du gouvernement visant à sensibiliser la population à la COVID-19, au motif que le gouvernement lui devait de l’argent pour la diffusion de précédentes annonces de l’État qui ne portaient pas sur une sensibilisation de la population. Prime TV, qui est une chaîne de télévision indépendante, a besoin des recettes publicitaires pour payer les salaires de ses employés et ses coûts de fonctionnement.
En Eswatini, la police a détenu Eugen Dube, journaliste et rédacteur en chef de Swati Newsweek Online, pendant sept heures, le 23 avril. Il a été arrêté après avoir publié un article qui dénonçait le caractère irresponsable de la politique de santé publique du souverain face à la COVID-19, parce que le pays n’avait pas mis en place de mesures de distanciation sociale. Les autorités auraient tenté de l’inculper d’« écrits malintentionnés » à l’égard du roi Mswati III, ce qui pourrait constituer un acte de haute trahison.
Droits socio-économiques
Alors que la COVID-19 se propage, des millions de personnes en Afrique australe sont confrontées à la faim, car du fait des mesures de confinement, elles n’ont pas accès aux denrées alimentaires.
La vaste majorité des habitants de la région tirent leurs revenus de l’économie parallèle, comme vendeuses et vendeurs de rue ou manœuvres notamment. Dans le cadre des régimes de confinement mis en place, ces activités sont considérées comme « non-essentielles » et les personnes de ce secteur ne sont pas autorisées à travailler.
Tandis que les impacts socio-économiques de la COVID-19 perdurent, Amnistie internationale demande aux gouvernements de mettre en place d’urgence des mesures de protection sociale afin de respecter le droit à l’alimentation, par exemple en subventionnant les denrées alimentaires ou en fournissant directement ces denrées aux personnes qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.
Les États membres de la SADC doivent aussi promulguer et appliquer des lois et des politiques promouvant la justice et l’égalité, notamment en garantissant l’accès à l’emploi et aux services sociaux, notamment à la santé, à l’éducation, à l’eau, à l’assainissement et à l’alimentation, conformément aux normes régionales, constitutionnelles et internationales relatives aux droits humains.
« Les parlements sont les garants des droits humains. Face aux menaces qui pèsent sur les droits des populations de la région, les parlements de la SADC doivent mettre en œuvre des principes et des lignes directrices régionales pour la protection et la promotion de ces droits », a déclaré Deprose Muchena.
Complément d’information
Amnistie internationale et le Forum parlementaire de la SADC coorganisent un webinaire le 7 décembre pour débattre du rôle des parlements s’agissant de renforcer la protection et la promotion des droits humains au sein des États membres de la SADC. Le webinaire a également pour objectif d’identifier les moyens de renforcer la coopération entre les parlements et les acteurs non-étatiques, dans le but de concrétiser les droits humains de tous en Afrique australe.
La session accueillera des membres du Comité permanent du Forum parlementaire de la SADC sur la démocratisation, la gouvernance et les droits humains, ainsi que des parties intéressées, à savoir des acteurs étatiques et non-étatiques du secteur de la défense des droits humains, des membres de la société civile, des médias et des partenaires techniques de la SADC.
Les journalistes qui souhaitent assister au webinaire doivent cliquer ici afin de s’inscrire en amont de l’événement.