• 22 Juil 2025
  • Iran
  • Communiqué de presse

Iran. L’attaque délibérée d’Israël contre la prison d’Evin à Téhéran doit donner lieu à une enquête pour crime de guerre

Les frappes aériennes délibérées de l’armée israélienne contre la prison d’Evin, à Téhéran, le 23 juin 2025, constituent une grave violation du droit international humanitaire et doivent faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre, a déclaré Amnistie internationale mardi 22 juillet au terme d’une enquête approfondie. 

Des séquences vidéo authentifiées, des images satellite et des entretiens avec des témoins oculaires, des proches de détenu·e·s et des défenseur·e·s des droits humains indiquent que l’armée israélienne a procédé à de nombreuses frappes aériennes contre la prison d’Evin, tuant et blessant des dizaines de civil·e·s et causant des dégâts et destructions de grande ampleur dans au moins six zones de ce complexe pénitentiaire. L’attaque a eu lieu pendant la journée, à un moment où de nombreuses zones de la prison étaient remplies de civil·e·s. Quelques heures plus tard, l’armée israélienne a confirmé avoir attaqué la prison, et de hauts responsables israéliens s’en sont vantés sur les réseaux sociaux. Selon les autorités iraniennes, au moins 80 civil·e·s - 79 hommes et femmes et un garçon de cinq ans - ont été tués.  

En vertu du droit international humanitaire, une prison ou un lieu de détention est présumé être un objet civil et il n’existe dans ce cas aucun élément attestant de manière crédible que la prison d’Evin constituait un objectif militaire légal. 

« Les éléments de preuve disponibles fournissent des raisons de croire que l’armée israélienne a attaqué de manière éhontée et délibérée des bâtiments civils. Le fait de mener des attaques contre des objets civils est strictement interdit par le droit international humanitaire. Lancer de telles attaques sciemment et délibérément constitue un crime de guerre », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale Recherche, Plaidoyer, Politiques et Campagnes à Amnistie internationale. 

On estime qu’entre 1 500 et 2 000 détenu·e·s se trouvaient à la prison d’Evin au moment de l’attaque, dont des défenseur·e·s des droits humains, des manifestant·e·s, des opposant·e·s politiques, des membres de minorités religieuses persécutées, ainsi que des personnes ayant la double nationalité et des ressortissant·e·s étrangers, fréquemment détenus pour des raisons diplomatiques. À toute heure de la journée, des centaines d’autres civil·e·s se trouvaient également dans le complexe pénitentiaire. L’attaque a eu lieu durant les heures de visite à la prison. 

« Les forces israéliennes auraient dû savoir que toute frappe aérienne contre la prison d’Evin pouvait causer d’importants dommages parmi des civil·e·s. Les autorités judiciaires du monde entier doivent veiller à ce que les responsables de cette attaque meurtrière soient traduits en justice, notamment en appliquant le principe de compétence universelle. Les autorités iraniennes doivent également reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale pour tous les crimes relevant du Statut de Rome commis sur leur territoire ou depuis celui-ci », a déclaré Erika Guevara Rosas. 

Vue d’ensemble de la prison d’Evin, le mur d’enceinte étant représenté en orange. Les six cercles jaunes indiquent les zones les plus touchées par les destructions, c’est-à-dire les endroits où les munitions ont atterri. Les explosions et les dégâts qui en ont résulté se sont étendus au-delà de ces six zones. 

Une carte de la prison d’Evin indiquant les noms et fonctions des bâtiments, d’après les entretiens d’Amnistie internationale avec d’anciens détenu·e·s. 

Des dizaines de civil·e·s ont été tués et blessés  

Entre 11 heures du matin et midi, heure de Téhéran, le 23 juin 2025, des frappes aériennes israéliennes ont touché plusieurs sites distants de plus de 500 mètres à l’intérieur de la prison d’Evin, détruisant ou endommageant de nombreux bâtiments et autres structures à l’intérieur du complexe pénitentiaire, ainsi que des immeubles d’habitation situés à proximité, à l’extérieur du complexe.

La prison d’Evin est située dans une zone peuplée, avec des immeubles résidentiels à l’est et au sud. Un habitant des environs a décrit à Amnistie internationale la scène qui a suivi l’attaque :

« J’ai soudain entendu un bruit terrible. J’ai regardé par la fenêtre et je me suis rendu compte que de la fumée et de la poussière s’élevaient de la prison d’Evin. Le bruit de l’explosion et l’aspect de la poussière et de la fumée étaient terrifiants [...]. J’avais pensé que notre maison serait en sécurité [car] nous sommes près d’une prison [...] Je n’arrivais pas à y croire. » 

Les autorités ont jusqu’à présent nommé 57 civil·e·s tués lors de l’attaque, dont cinq travailleuses sociales13 jeunes hommes effectuant leur service national obligatoire en tant que gardiens ou administrateurs de prison, et 36 autres membres du personnel pénitentiaire - 30 hommes et six femmes -, ainsi que l’enfant de l’une des travailleuses sociales. Après avoir essuyé des critiques publiques pour n’avoir pas révélé l’identité des prisonniers et prisonnières, de leurs proches et des habitant·e·s des environs ayant été tués, les autorités ont publié un rapport le 14 juillet 2025 fournissant deux noms : celui d’une résidente locale - Mehrangiz Imanpour - et celui d’une femme qui s’était portée volontaire pour aider à recueillir des fonds pour des prisonniers endettés - Hasti Mohammadi. Amnistie internationale avait déjà confirmé le nom de Mehrangiz Imanpour, ainsi que les noms d’un prisonnier, Masoud Behbahani, de la parente d’un prisonnier, Leila Jafarzadeh, et d’un passant, Aliasghar Pazouki, qui ont également été tués. 

Les déclarations incriminantes des responsables israéliens  

Quelques heures après l’attaque, de hauts responsables israéliens s’en sont vantés sur les réseaux sociaux, la présentant comme une « frappe ciblée » contre un « symbole de l’oppression du peuple iranien ». 

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré sur X que les forces israéliennes attaquaient avec « une force sans précédent des cibles liées au régime et des organes de la répression gouvernementale au cœur de Téhéran, notamment [...] la prison d’Evin. » 

Quelques minutes plus tard, le ministre des affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a tenu les propos suivants sur X : « Nous avons averti l’Iran à maintes reprises : arrêtez de viser les civils ! Ils ont continué, y compris ce matin. Notre réponse : [Vive la liberté...] ». Ce message était accompagné d’une vidéo censée contenir des images de vidéosurveillance montrant l’explosion du portail de la prison. L’analyse de cette vidéo par Amnistie internationale indique qu’elle a été manipulée numériquement, probablement à partir d’une photo ancienne de ce portail. Cette vidéo a d’abord été diffusée sur des chaînes Telegram en persan, mais Amnistie internationale n’a pas pu en retrouver la source. 

Le même jour, l’armée israélienne a confirmé dans une déclaration qu’elle avait effectué « une frappe ciblée » sur « la tristement célèbre prison d’Evin ». Cette déclaration semblait justifier l’attaque en affirmant que des « ennemis du régime » y étaient détenus et torturés, et que des « opérations de renseignement contre l’État d’Israël, notamment de contre-espionnage », étaient menées dans la prison. L’interrogatoire de détenus accusés d’espionnage pour le compte d’Israël ou la présence d’agents des services de renseignement dans l’enceinte de la prison ne ferait toutefois pas de cet établissement lui-même un objectif militaire légitime au regard du droit international humanitaire. 

Portail d’entrée et bureau du procureur dans le sud de la prison 

Des images satellite colorisées utilisant l’infrarouge proche, montrant l’avant et l’après, du 10 avril 2025 et du 30 juin 2025, révèlent l’ampleur de la destruction dans quatre secteurs distincts dans les zones sud et centrale de la prison d’Evin, où des munitions ont probablement atterri (indiquées par des cercles jaunes) et des zones brûlées sont visibles (en proche infrarouge dans des teintes noires foncées) dans de nombreuses zones, probablement laissées par des véhicules ayant pris feu, avant que cela ne se propage aux bâtiments de la zone.  

Dans la partie sud de la prison, la porte d’entrée principale, le mur adjacent et le bâtiment d’information des visiteurs à l’est de la porte ont été détruits. Le bâtiment situé à l’ouest de la porte et le bureau du procureur, Shahid Moghaddas, adjacent, ont subi d’importants dégâts. Plus loin, à l’intérieur de la partie sud de la prison, le parking et un bâtiment situé à côté de la zone de quarantaine ont été endommagés. 

Une source informée a déclaré à Amnistie internationale que Leila Jafarzadeh, âgée de 35 ans, avait été tuée alors qu’elle se trouvait au bureau du procureur afin de payer la caution de son mari emprisonné, pour obtenir sa libération. 

La destruction du portail d’entrée et de ses environs est visible dans une vidéo authentifiée, montrant des secouristes transportant au moins un blessé sur un brancard au milieu de scènes de destruction et de décombres. 

Des images rendues publiques par les médias d’État et authentifiées par Amnistie internationale montrent également des dégâts structurels sur les murs et la charpente du bureau du procureur, ce qui indique que la force de l’explosion a pénétré profondément dans le bâtiment. 

L’imagerie satellite du 30 juin 2025 révèle un lieu (représenté par un cercle jaune) où des munitions ont probablement atterri. Les images au sol (à droite) géolocalisées au nord et au sud de la porte d’entrée sud montrent des destructions d’une grande ampleur. 

Bâtiment administratif et zone de quarantaine abritant des prisonniers  

Plus avant dans la zone sud de la prison, le bâtiment administratif et l’installation adjacente, plus petite, qui, selon un ancien prisonnier, contenait un bureau de la force de sécurité de la prison appelée Cohorte de protection, ont été fortement touchés, tandis que plusieurs structures voisines ont été détruites. 

Les images satellite du 30 juin 2025 indiquent des dégâts importants sur une partie du toit du côté ouest du bâtiment de la Cohorte de protection. Elles montrent également qu’à l’est du bâtiment, une porte interne, un mur d’enceinte et deux petites structures - probablement des postes de garde - ont tous été détruits lors de la frappe. 

Les deux lieux identifiés correspondent à l’analyse de séquences vidéo et à des informations fournies par d’anciens prisonnier et prisonnière d’opinion, Hossein Razagh et Atena Daemi.  

Des vidéos authentifiées montrent également des fenêtres détruites, des murs effondrés et beaucoup de décombres sur les flancs ouest et est du bâtiment administratif. Le premier étage semble avoir été en grande partie anéanti, et on peut voir que des murs porteurs manquent dans de nombreuses sections. 

Une image publiée par les médias d’État et authentifiée par Amnistie internationale montre ce qui ressemble à un cratère à l’intérieur du côté ouest du bâtiment administratif, le premier étage s’étant effondré vers le bas. 

Selon le reportage d’un média d’État le 6 juillet 2025, au moins neuf femmes, un homme et un enfant ont été tués dans le bâtiment administratif. Le Shargh Daily et Hammihan, deux journaux de premier plan en Iran, ont nommé trois des victimes dans des articles publiés respectivement le 25 juin et le 1er juillet 2025. Il s’agit de la travailleuse sociale Zahra Ebadi, 52 ans, tuée avec son fils de cinq ans, Mehrad Kheiri, et d’un membre du personnel administratif, Hamid Ranjbari, 40 ans. 

L’imagerie satellite (à gauche) du 30 juin 2025 révèle deux endroits (indiqués par des cercles jaunes) où des munitions ont probablement atterri. Des images au sol (à droite) montrent les dégâts importants subis par le bâtiment administratif. 

L’analyse d’une séquence vidéo authentifiée montre également que la zone de quarantaine, où logeaient des prisonniers nouvellement arrivés, située près du bâtiment administratif, a également subi des dommages. 

Clinique, cuisine et sections abritant des prisonniers et prisonnières dans la partie centrale 

Au milieu de la prison, la clinique, la cuisine centrale, la section 4 abritant les prisonniers de sexe masculin, la section 209 composée de cellules d’isolement où des femmes et des hommes sont détenus par le ministre du Renseignement, ainsi que la section des femmes, ont été gravement endommagées. 

L’imagerie satellite montre des dégâts de grande ampleur sur les structures adjacentes à la clinique, tandis que des vidéos vérifiées révèlent les dommages causés à la clinique par l’explosion et les véhicules ayant pris feu.  

Une vidéo authentifiée montre l’extérieur de la clinique couvert de suie noire, et de la fumée noire s’échappant des fenêtres. Une autre vidéo donne à voir une destruction d’une ampleur considérable à l’intérieur, avec des fenêtres brisées, des lits et des équipements médicaux renversés et des décombres sur une large surface. 

L’imagerie satellite (à gauche) du 30 juin 2025 révèle deux endroits (indiqués par des cercles jaunes) où des munitions ont probablement atterri. On peut voir sur des photos et vidéos géolocalisées (à droite) que le portail d’entrée des véhicules s’est effondré. L’intérieur de la clinique a été fortement endommagé, les murs et les fenêtres ayant été soufflés, tandis que l’extérieur présente de graves dommages causés par le feu et la fumée.  

Les éléments vidéo vérifiés confirment les déclarations des défenseures des droits humains Narges Mohammadi et Sepideh Gholian, toutes deux basées en Iran, qui ont dit à Amnistie internationale que plusieurs témoins qui se trouvaient à la prison d’Evin leur avaient décrit les dégâts considérables subis par le centre médical. Narges Mohammadi a raconté que des hommes détenus à la section 4, qui se trouve en face de la clinique, l’ont informée que l’ambulance de la prison avait été détruite, ce qui est confirmé par une vidéo montrant des véhicules proches réduits à l’état d’épaves. Elle a également déclaré que ces prisonniers lui ont dit avoir vu une personne présentant des brûlures très étendues sur le corps sortir de la clinique et s’effondrer à terre. 

Deux prisonniers - Abolfazl Ghodiani et Mehdi Mahmoudian - qui ont survécu à l’attaque contre la prison d’Evin et ont été transférés au pénitencier du Grand Téhéran ont écrit dans une lettre rédigée depuis la prison et publiée en ligne le 1er juillet 2025 :  

« La prison d’Evin a été secouée par plusieurs explosions consécutives. Deux ou trois explosions se sont produites près de la section 4 et lorsque les prisonniers sont sortis par la porte de celle-ci, ils ont vu la clinique en feu [...] Des prisonniers ont retrouvé sous les décombres les corps de 15 à 20 personnes, dont des membres du personnel de la clinique, des prisonniers, des employés de l’entrepôt, des gardiens et des agents. » 

Saeedeh Makarem, médecin bénévole à la prison d’Evin, qui a été brûlée, entre autres blessures, a expliqué dans une série de publications sur Instagram en juillet 2025 que des prisonniers l’ont aidée :  

« Ils m’ont traînée jusqu’au coin du mur. J’étais à demi consciente. Ils m’ont apporté de l’eau et une couverture, m’ont mis une attelle sur la jambe, ont essuyé le sang sur mon visage [...] Ils auraient pu partir, mais ils ne l’ont pas fait [...] Ils m’ont sauvée. » 

L’opposant politique Hossein Razagh a également déclaré à Amnistie internationale que des prisonniers de la section 4 lui avaient décrit avoir été projetés contre les murs par la force de l’explosion et avaient été blessés à la tête et au visage. 

Ces témoignages sont étayés par une vidéo authentifiée montrant des dommages importants sur les façades des sections 4 et 209. Les portes extérieures et les fenêtres des sections 4 et 209 semblent avoir été brisées, des parties de la charpente se sont effondrées et de larges piles de gravats sont visibles sur la route. Des véhicules ont été détruits et brûlés, avec des dégâts causés par de la fumée noire sur les murs des bâtiments environnants, indiquant que les flammes ont pu en partie provenir de voitures. Les images satellite du 30 juin 2025 montrent les bâtiments brûlés et des marques noires correspondant aux zones brûlées par des voitures. L’explosion semble également avoir touché le toit de la cuisine de la prison et endommagé ses fenêtres. 

D’après les recherches effectuées par Amnistie internationale, l’explosion a également atteint les bureaux du personnel de la section 209, bloquant certains agents et gardiens sous les décombres. Les autorités n’ont fourni aucune information sur le sort réservé à des prisonniers placés à l’isolement dans la section 209, ni sur le lieu où ils se trouvent, ce qui suscite des inquiétudes quant à d’éventuels décès ou blessures. 

Image montrant une allée, avec la section 209 d’un côté (à gauche) et le portail d’entrée des véhicules de l’autre côté (à droite). 

Amnistie internationale a confirmé, par l’intermédiaire d’une source informée, le nom d’un prisonnier de la section 4, Masoud Behbahani, âgé de 71 ans, qui a été tué. Il a été victime d’une crise cardiaque lorsque l’explosion l’a projeté sur une chaise et que plusieurs prisonniers lui sont tombés dessus. Selon cette source, au lieu de l’amener à l’hôpital, les autorités l’ont transféré au pénitencier du Grand Téhéran, où il est mort deux jours plus tard d’une seconde crise cardiaque. 

Amnistie internationale a également analysé une image prise à l’intérieur du quartier des femmes, qui montre des dommages visibles au plafond et à l’infrastructure électrique. 

Porte d’entrée, complexe judiciaire, bâtiment des visites et sections hébergeant les prisonniers dans la partie nord

Des images colorisées utilisant l’infrarouge proche montrant l’avant et l’après, prises le 10 avril 2025 et le 27 juin 2025, révèlent la destruction de deux lieux distincts où des munitions ont probablement atterri dans la partie nord de la prison d’Evin (indiqués par des cercles jaunes) : les murs de sécurité internes et la route devant les sections 240 et 241, et la porte d’entrée nord devant le bâtiment des visites et le complexe judiciaire de Shaheed Kachouyee. 

Dans la partie nord de la prison, comme le montrent des images satellite et des vidéos authentifiées, la porte d’entrée et le mur adjacent ont été détruits ; la partie avant du bâtiment contenant le complexe judiciaire Shahid Kachouyee et le bâtiment des visites ont été fortement endommagés ; et deux murs internes proches des sections 240 et 241 où logeaient des prisonniers ont été détruits. 

Des vidéos et des photographies vérifiées montrent également les dégâts causés par l’explosion à des tours d’habitation et à des véhicules situés à proximité, à l’extérieur de la zone nord de la prison d’Evin. Une vidéo montre des dizaines de personnes en détresse dans la rue Ahmadpour, dont au moins une semble blessée. 

Une source informée a expliqué à Amnistie internationale qu’une habitante de la rue Ahmadpour, Mehrangiz Imanpour, peintre âgée de 61 ans, avait été tuée alors qu’elle rentrait chez elle. 

Le quotidien Shargh Daily a signalé qu’un autre passant, Ali Asghar Pazouki, 69 ans, a été tué devant le complexe judiciaire et le bâtiment des visites. 

Les médias d’État ont publié des vidéos et des photographies montrant les dégâts causés par les explosions dans cette zone.  

 

L’imagerie satellite (à gauche) du 30 juin 2025 révèle une zone (représentée par un cercle jaune) où des munitions ont probablement atterri. Des images et des vidéos géolocalisées (à droite) montrent des dégâts considérables à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment des visites : des fenêtres ont volé en éclats, et des parties du toit et de la façade se sont effondrées.  

Les images satellite analysées par Amnistie internationale indiquent qu’une allée et deux murs de sécurité situés dans la partie nord de la prison, près d’un bâtiment contenant les sections 240 et 241, ont également été détruits. On sait que ces sections comprennent des centaines de cellules d’isolement, mais aucune image montrant l’état du bâtiment n’a été diffusée et les autorités n’ont donné aucune information sur ce qui est arrivé aux personnes qui y sont détenues. 

Amnistie internationale a reçu des témoignages de familles de prisonniers indiquant que la section 8, proche des sections 240 et 241, avait été endommagée. Nasrin Sotoudeh, avocate spécialisée dans la défense des droits humains, a déclaré à Amnistie internationale que son mari, Reza Khandan, défenseur des droits humains soumis à une détention arbitraire, et d’autres prisonniers avaient été blessés lorsque des gravats avaient été projetés dans la cour. 

L’opposant politique Mohammad Nourizad, qui se trouvait dans la section 8, a appelé sa famille pendant les frappes aériennes. Un enregistrement de son appel a été diffusé en ligne le 24 juin : 

« Ils envoient des bombes sur nous. Des personnes sont blessées, les fenêtres sont brisées et tout le monde s’est dispersé [...] Ils viennent de frapper à nouveau. Je ne sais pas, ça semble intentionnel [...] mais bombarder une prison est incompatible avec toute logique ou code de conduite [...] Ils [les autorités pénitentiaires] ont fermé les portes sur nous et nous n’avons aucune nouvelle. »

Droit international et normes internationales 

En vertu du droit international humanitaire, les attaques directes contre des civil·e·s et les biens de caractère civil sont interdites. Les attaques ne peuvent viser que des combattants et des objectifs militaires. Les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur but ou leur utilisation, apportent une contribution effective à l’action militaire, et dont la destruction partielle ou totale, la capture ou la neutralisation offre, dans les circonstances prévalant à ce moment-là, un avantage militaire précis.  

Les forces offensives ont l’obligation de faire tout leur possible afin de protéger les civil·e·s, notamment en effectuant la distinction entre objectifs militaires et biens de caractère civil, en vérifiant si l’objectif visé est un objectif militaire et en annulant l’attaque en cas de doute, en choisissant des moyens et des méthodes d’attaque qui permettront d’éviter ou, en tout état de cause, de réduire au minimum les dommages aux civil·e·s et en adressant un avertissement préalable efficace aux civil·e·s, à moins que les circonstances ne l’empêchent. Même lorsqu’elle vise un objectif militaire légitime, une attaque ne doit pas être menée au risque de causer des dommages aux civil·e·s qui seraient disproportionnés par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu. S’il n’est pas possible de faire la distinction entre biens civils et cibles militaires, l’attaque ne doit pas avoir lieu. 

Les États responsables de violations du droit international humanitaire sont tenus de réparer intégralement les pertes ou les préjudices causés. Les Principes fondamentaux et directives des Nations unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire consacrent l’obligation des États d’offrir des recours utiles, notamment des réparations aux victimes, parmi lesquelles la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et des garanties de non-répétition. 

Méthodologie 

Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnistie internationale a analysé des images satellite prises avant et après les frappes et a authentifié 22 vidéos et 59 photographies, qui montrent les dégâts et les destructions de grande ampleur subis par six zones situées dans les parties sud, centrale et nord du complexe pénitentiaire d’Evin.  

Amnistie internationale a par ailleurs examiné les déclarations des autorités israéliennes et iraniennes, et s’est entretenue avec 23 personnes en Iran et à l’étranger, dont sept proches de détenu·e·s, un habitant des environs qui a été témoin de l’attaque, deux sources disposant d’informations sur deux victimes tuées, deux journalistes et 11 anciens détenu·e·s, parmi lesquels des opposant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, qui ont reçu des informations de la part de détenu·e·s, de familles de détenu·e·s, de membres du personnel pénitentiaire et de services d’urgence présents sur le site. Une source a en outre transmis à l’organisation les enregistrements de quatre appels téléphoniques entre quatre prisonniers et leurs proches quelques heures après l’attaque. 

Le 3 juillet, Amnistie internationale a adressé des questions concernant l’attaque au ministre israélien de la Défense. Au moment de la publication du présent document, nous n’avions pas encore reçu de réponse. 

Complément d’information 

Lorsque les hostilités entre Israël et l’Iran se sont intensifiées, au moins 1 100 personnes ont été tuées en Iran, dont 132 femmes et 45 enfants, selon la Fondation iranienne pour les martyrs et les anciens combattants. Au moins 29 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées en Israël, selon le ministère israélien de la Santé. 

Dans le cadre des enquêtes qu’elle mène actuellement sur les violations du droit international humanitaire et d’autres atteintes aux droits humains commises dans le contexte de l’intensification des hostilités entre Israël et l’Iran, Amnistie internationale publiera également des conclusions relatives aux attaques menées par les autorités iraniennes contre Israël.