Nicaragua. Le nouveau modèle répressif du régime de Daniel Ortega substitue l’exil à la prison
Depuis que la crise des droits humains qui secoue le Nicaragua a commencé, en 2018, le gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo n'a pas fait cesser les violations des droits humains et ne tolère aucune forme de dissidence ou de critique. Ces dernières années, les organisations nationales et internationales de défense des droits humains ont dénoncé l’emploi par les autorités de toutes les institutions de l'État afin de décourager, de sanctionner et d’éliminer toute forme d'opposition politique ou de défense des droits humains.
« Avec cette nouvelle vague d’atteintes aux droits humains, Daniel Ortega essaie de substituer l’exil forcé au placement injuste en détention des personnes qui s’expriment haut et fort et défendent les droits, bafouant ainsi avec cruauté les droits de centaines de Nicaraguayen·ne·s, et renforçant sa politique de terreur et de répression pour anéantir toute dissidence », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnistie Internationale
Cette semaine, la Cour d'appel de Managua a rendu une décision privant de leur nationalité 94 Nicaraguayen·ne·s. Figurent parmi ces personnes des défenseur·e·s des droits humains, des écrivain·e·s et des journalistes de premier plan. Elles ont en outre été qualifiés de « traîtres à la patrie » et, malgré l’absence de procédure judiciaire, accusées de s’être « soustraites à la justice ».
Parmi les personnes concernées par cette décision arbitraire de déchéance illégale de la nationalité se trouve Vilma Núñez de Escorcia, présidente et fondatrice du Centre nicaraguayen des droits humains (CENIDH), qui œuvre depuis plus de 60 ans en faveur de ces droits, et à qui la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) a accordé en 2019 des mesures provisoires obligeant les autorités à assurer, de manière spécifique et urgente, la protection de sa vie et de son intégrité.
« Le travail courageux et opiniâtre de protection des droits humains que Vilma Núñez a accompli, avec d'autres défenseur·e·s de ces droits et des organisations de la société civile nicaraguayenne, est aujourd'hui le seul élément invoqué par le gouvernement de Daniel Ortega afin de tenter de justifier l'application de lois conçues pour les poursuivre et les persécuter. Aujourd'hui plus que jamais, nous sommes solidaires du peuple nicaraguayen et de son mouvement des droits humains, et les soutenons, et nous appelons la communauté internationale à faire de même », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques d'Amnistie Internationale.
Ces dernières années, les plus hautes autorités nicaraguayennes ont montré à maintes reprises qu'elles étaient prêtes à tout pour entraver et sanctionner l'exercice des droits humains dans le pays. Il y a quelques jours à peine, elles ont expulsé et condamné 222 personnes qui étaient détenues uniquement pour avoir exercé leurs droits et dénoncé des injustices qui se produisent au Nicaragua. Les mesures législatives et administratives que le gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo a adoptées dernièrement, dans l’objectif de priver de leur nationalité des personnes ayant exprimé une opposition dans le pays, portent atteinte au droit fondamental d'avoir une nationalité et de ne pas en être privé arbitrairement.
Le statut d'apatride qui vient d’être imposé à plus de 300 personnes au Nicaragua les place dans une situation de grande impuissance, et les rend plus susceptibles d'être victimes de nombreuses autres violations des droits humains, n'étant reconnues comme citoyennes d'aucun État. Dans un avenir proche, cette situation risque d'engendrer pour ces personnes d'énormes difficultés afin de revendiquer et d’exercer des droits fondamentaux tels que ceux à l'emploi, à la liberté de circulation, à la santé et à l'éducation, entre autres.
La déchéance de nationalité s'ajoute à la longue liste des graves violations des droits humains ayant lieu chaque jour au Nicaragua depuis près de cinq ans. En 2018, le Groupe interdisciplinaire d'experts indépendants pour le Nicaragua, créé sous l’égide de la CIDH, a déclaré que le gouvernement de Daniel Ortega avait commis des crimes contre l'humanité et a indiqué dans son rapport que les autorités nicaraguayennes utilisaient l'appareil d'État, notamment la police nationale, le ministère public et le pouvoir judiciaire, ainsi que des milices, pour tuer, incarcérer, torturer et poursuivre des personnes qui s'étaient exprimées contre ses politiques ou qui avaient été perçues comme dissidentes. Cette même machine étatique reste à ce jour au service de la répression et de violations massives des droits humains au Nicaragua.
« Il est clair que le gouvernement de Daniel Ortega intensifie actuellement sa politique de répression systématique avec cette nouvelle vague de tactiques répressives. C'est pourquoi nous appelons d'urgence la communauté internationale à redoubler d'efforts face à ces nouveaux abus du gouvernement nicaraguayen, et à activer tous les mécanismes disponibles pour protéger et soutenir les défenseur·e·s des droits humains et celles et ceux qui critiquent le gouvernement.
« Nous n’aurons de cesse de demander au gouvernement de Daniel Ortega de mettre fin à cette répression, car le peuple nicaraguayen ne mérite pas de continuer à vivre ce cauchemar une seconde de plus », a déclaré Erika Guevara Rosas.