• 1 oct 2019
  • Canada
  • Communiqué de presse

Réaction d’Amnistie internationale au dépôt du rapport d’enquête de la Commission sur les relations entre les autochtones et certains services publics du Québec 

Le temps d’agir avec diligence, respect et sensibilité

Amnistie internationale Canada francophone accueille favorablement le rapport de la Commission Viens sur les relations entre les Autochtones et certains services publics. Nous reconnaissons et apprécions le fait qu’il est le fruit d’un long travail, réalisé par une équipe composée de personnes autochtones qui ont pris le temps d’entendre les témoignages des membres des communautés autochtones.

Toutefois, et à l’instar de plusieurs femmes leaders et organisations de femmes autochtones, nous sommes réellement préoccupés par la quasi absence de recommandations traitant directement des violences systémiques subies par les femmes autochtones, notamment par les forces policières. « C’est pourtant grâce aux femmes autochtones, notamment de la région de Val d’Or en Abitibi, qui ont courageusement fait part publiquement des sévices, y compris sexuels, qu’elles avaient vécus, que cette commission a finalement pris place : Comment se fait-il alors, qu’il en soit si peu mention ? », demande la directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone (AICF), France-Isabelle Langlois.

Amnistie internationale avait déposé un mémoire en vue de son audience publique le 27 septembre 2017, où nous avions fait part de nos sérieuses préoccupations quant au respect des droits des peuples autochtones au Québec, dans le cadre des services publics qui leur sont ou devraient leur être rendus, et émis plusieurs recommandations.

À la lecture du rapport, nous sommes heureux de constater que plusieurs de nos recommandations ont été entendues par la Commission et reprises dans son rapport. Nous soulignons notamment qu’il est clairement fait mention, dans les appels à l’action, de l’importance  :

  • de mettre en œuvre dans nos pratiques et nos lois la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ;
  • de mettre en place des campagnes de sensibilisation du public, et des formations à l’attention des ordres professionnelles, des écoles, des CEGEP et des universités sur les peuples autochtones du Québec, leur histoire, leur diversité culturelle et les enjeux de discrimination les affectant ; 
  • d’intégrer la sécurisation culturelle dans tous changements qui seront apportés dans les différents services sociaux ;
  • de confier au Protecteur du citoyen, en lui assignant les ressources financières nécessaires, le mandat d’assurer l’évaluation et le suivi de la mise en œuvre de l’ensemble des appels à l’action proposés dans le rapport, et ce, jusqu’à leur pleine réalisation.

Certes, la plupart des appels à l’action s’applique autant aux femmes qu’aux hommes des diverses Nations autochtones. Cependant, il n’en demeure pas moins que les femmes autochtones sont doublement discriminées, à la fois victimes de racisme et de sexisme, ce qui les prive de plusieurs de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Davantage d’appels à l’action ciblant spécifiquement les femmes autochtones auraient dû figurer au rapport de la Commission Viens. « Les recommandations quant aux services de police passent sous silence la violence policière envers les femmes autochtones », constate France-Isabelle Langlois., qui ajoute : « La Commission Viens appelle à sensibiliser les populations des communautés autochtones aux agressions à caractère sexuel sans pour autant faire de même avec les corps policier ou tout autre service public, c’est tout de même troublant. »

« Les mesures qui seront mises en place doivent être conformes aux standards du droit international et à tous les instruments internationaux auxquels a adhéré le Canada, et dont le Québec est partie », souligne la directrice générale d’AICF. « On parle notamment de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes », précise Mme Langlois. 

Amnistie internationale enjoint le gouvernement du Québec à travailler à l’élaboration de plans de mise en œuvre des recommandations du rapport, en étroite concertation avec les communautés autochtones et les organisations les représentant. Ces plans devraient être basés sur la sécurisation culturelle, d’où l’importance de transformer la législation et les pratiques en se conformant à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. L’article 22.2 de la Déclaration stipule notamment que :

Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues.

En ratifiant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, le Canada, et donc le Québec, ont affirmé leur intention de mettre en œuvre, par tous les moyens appropriés, une politique visant notamment à enquêter sur les actes de violence à l’égard des femmes. Ils se doivent aussi de punir ces actes conformément à la législation nationale, qu’ils soient perpétrés par l’État ou par des personnes privées.

Amnistie internationale Canada francophone travaillera en étroite collaboration avec les femmes et les organisations de femmes autochtones, de même qu’avec l’ensemble des autorités autochtones, afin de s’assurer de la mise en œuvre effective de l’ensemble des recommandations du rapport de la Commission Viens, en saisissant toutes les occasions pour rappeler à l’État québécois ses devoirs et obligations.