• 5 nov 2019
  • Communiqué de presse

Coup d’envoi de la contestation judiciaire de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis

En 2017, Amnistie internationale, aux côtés du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), le Conseil canadien des églises (CCE), et de nombreux demandeurs d’asile, a lancé une contestation judiciaire afin de remettre en question un accord conclu en 2004 par le Canada et les États-Unis. Amnistie internationale est à la Cour fédérale à Toronto cette semaine afin d’assister à ce procès, présidé par la juge Ann Marie McDonald, qui l’oppose au gouvernement canadien.

À part quelques exceptions limitées, l’accord empêche les demandeurs d’asile de présenter une demande aux postes frontaliers entre le Canada et les États-Unis. En principe, un accord de cette nature n’est pas nécessairement problématique; même l’Agence des Nations unies pour les réfugiés en fait la promotion. Cependant, ce type d’entente repose sur l’idée que les deux pays en question garantissent les droits et protections nécessaires aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, tel qu’exigé par le droit international. Alors qu’au Canada on a un système rigoureux qui est sujet à de nombreux contrôles (mais qui n’est pas sans défauts), le système américain n’a pas toujours su inspirer le même niveau de confiance à l’échelle internationale. Et sous le président Trump, avec ses attaques constantes et inhumaines sur les migrants, les réfugiés, et toutes sortes de personnes vulnérables, la situation s’est empirée considérablement.

Par conséquent, voici la question au coeur de cet enjeu : pouvons-nous vraiment, en toute honnêteté et en bonne conscience, dire que les États-Unis sont encore un pays sûr pour les réfugiés ? Un pays auquel le Canada peut faire confiance, en sachant que les demandeurs d’asile qui y seront refoulés bénéficieront des mêmes garanties légales et judiciaires dont ils bénéficieraient au Canada? Pour Amnistie, le CCR et le CCE, ainsi que pour une bonne proportion de la population canadienne, la réponse semble être claire : non.

C’est donc dans ce contexte que les avocat-es des parties plaignantes ont commencé leurs arguments lundi 4 novembre au matin devant une salle comble, attirant des journalistes, étudiant-es, membres d’Amnistie internationale et d’autres organismes d’intérêt public, ainsi que de nombreux sympathisants de la communauté.

Les avocat-es des parties plaignantes ont tout de suite présenté une abondance de preuves et de données afin de démontrer que les demandeurs d’asile qui se font refouler ou refuser l’entrée au Canada et qui doivent retourner aux États-Unis sont exposés à un système défectueux et imparfait, dans lequel ils peuvent faire face à une détention excessive, arbitraire, et parfois indéterminée, la séparation de familles, l’isolement cellulaire, un traitement abusif de la part des autorités, un accès aux services juridiques déficient, et j’en passe. 

Le système américain ne jouant pas en leur faveur, ces demandeurs d’asile ont des chances réduites d’être acceptés en tant que réfugiés, même s’ils pourraient être qualifiés comme tel sous la Convention des réfugiés, et même s’ils le seraient probablement au Canada. Notamment, les femmes qui cherchent à demander l’asile en raison de violence liée au genre sont particulièrement affectées par l’Entente, car les politiques américaines envers les réfugiés ne leur offrent aucune protection. En conséquence, les personnes qui se voient refuser l’accès au Canada, et sont retournées aux États-Unis, risquent ensuite d’être renvoyées par les États-Unis dans leurs pays d’origine où elles risquent la persécution, la torture et même la mort.

Une foule de sympathisants enthousiastes s’est rassemblée lundi devant la Cour à l’heure du dîner afin d’exprimer leur solidarité avec les réfugié-es et les demandeurs d’asile. L’importance de cette cause n’échappait à personne qui était présent à ce rassemblement, alors que plusieurs personnes ont souligné la complicité du gouvernement canadien, qui reste depuis trop longtemps muet face aux injustices perpétrées par le gouvernement américain.

Les arguments présentés par Amnistie internationale et les autres parties plaignantes qui sont au cœur du litige reposent principalement sur la Charte canadienne des droits et des libertés, ainsi que les obligations internationales du Canada relatives aux droits humains, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit à l’égalité et à la non-discrimination. Amnistie et les autres plaignants feront aussi valoir que le gouvernement ne respecte pas les exigences qui lui incombent de bien surveiller les pratiques gouvernementales américaines, afin de vérifier si le Canada peut continuer à rester partie à cette entente.

Blogue de 

Jaya Bordeleau-Cass et André Capretti

Stagiaires du Barreau de l’Ontario travaillant aux côtés d"Amnistie internationale Canada. Jaya et André publieront des mises à jour cette semaine au sujet de la contestation judiciaire de l’Entente des tiers pays sûrs. Les audiences du procès ont lieu à la Cour fédérale à Toronto (rue 180 Queen Ouest) du 4-8 novembre 2019.

En savoir plus : https://amnistie.ca/sinformer/communiques/local/2019/canada/cour-entendra-raisons-pour-lesquelles-renvoi-demandeurs