Les États-Unis moins sûrs que jamais pour les réfugiés, comme le démontrent les preuves déposées dans le cadre de la contestation judiciaire
Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), Amnistie internationale (AI) et le Conseil canadien des églises (CCE) ont déposé hier à la Cour fédérale les derniers éléments des nombreuses preuves soumises dans le cadre de leur contestation judiciaire de la désignation des États-Unis comme pays tiers sûr pour les réfugiés.
« Au cours des dernières semaines, les Canadiens ont été témoins du traitement cruel infligé aux réfugiés aux États-Unis sous le président Trump : des enfants séparés de leurs parents, les détentions à long terme dans des conditions horribles, les poursuites pénales à l’encontre de personnes ayant traversé la frontière en quête de sécurité, les nouvelles mesures fermant les portes aux femmes fuyant la violence basée sur le genre, » dit Claire Roque, présidente du CCR. « La conclusion est claire : les États-Unis ne peuvent être considérés comme un pays sûr pour les réfugiés. »
Dans le cadre de l’affaire judiciaire, les organismes soutiennent que le renvoi des demandeurs d’asile aux États-Unis constitue une violation de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que des obligations internationales du Canada relatives aux droits humains. Étant donné qu’à de nombreux égards, le système américain n’assure pas la protection des réfugiés, les individus renvoyés par le Canada en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs sont à risque d’être renvoyés dans leur pays d’origine par les États-Unis, et d’être victimes de persécution, de torture et même de mort. Ceci constitue une violation de leur droit à la vie, à la liberté, et à la sécurité de la personne, garanti par la Charte. De manière plus immédiate, la détention arbitraire des individus renvoyés aux États-Unis, dans des centres de détention pour immigrants ou dans des prisons, souvent dans des conditions atroces et en violation manifeste des normes internationales, constitue une violation de leur droit à la liberté.
Les organismes ont également déposé des preuves démontrant les préjudices disproportionnés subis par les femmes renvoyées aux États-Unis, en violation de leur droit à un traitement égal devant la loi.
« Le gouvernement canadien devrait d’abord assurer l’application de la Charte des droits et libertés pour tous les individus au Canada, » dit Peter Noteboom, secrétaire général du Conseil canadien des églises. « La meilleure façon de la garantir pour les réfugiés serait de retirer l’obstacle que constitue l’Entente entre les États-Unis et le Canada sur les tiers pays sûrs, et d’accueillir plutôt aux postes frontaliers ceux et celles qui fuient la persécution et la violence dans leurs pays d’origine. »
Depuis janvier 2017, les organismes appellent le gouvernement à mettre fin au renvoi des demandeurs d’asile aux États-Unis en se retirant immédiatement de l’Entente sur les tiers pays sûrs. En déposant ces preuves supplémentaires, le CCR, AI et le CCE renouvellent et redoublent leur appel. Dans un contexte d’insécurité évidente, et même de danger grandissant pour les réfugiés aux États-Unis, il ne devrait pas être nécessaire de mener un litige long et couteux afin de mettre fin à ces violations des droits.
« Durant les dix-huit derniers mois, les Canadiens ont suivi avec une angoisse croissante l’escalade rapide des atteintes cruelles aux droits des réfugiés et des migrants aux États-Unis, y compris des enfants et nourrissons, », dit Alex Neve, secrétaire général d’Amnesty International Canada. « Il y a un sentiment de désespoir et d’impuissance à travers le pays. Mais le Canada peut et se doit de prendre des mesures concrètes. Se retirer de l’Entente sur les tiers pays sûrs montrerait que le Canada ne compte pas ignorer et négliger la crise grandissante des droits humains à laquelle les réfugiés et les migrants sont confrontés aux États-Unis; et qu’à la différence des abus commis à sa frontière sud, le gouvernement canadien est déterminé à faire respecter les droits à la frontière nord des États-Unis. »
En vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, et mis à part quelques exceptions limitées, les réfugiés qui se présentent à la frontière entre le Canada et les États-Unis dans le but de présenter une demande d’asile se voient privés de l’accès au système de protection des réfugiés et renvoyés immédiatement aux États-Unis. Étant donné que l’Entente ne s’applique pas aux personnes qui entrent au Canada sans passer par les postes frontaliers officiels, un plus grand nombre d’individus en quête de sécurité arrivent de façon irrégulière au Canada, mettant parfois leur vie en danger, surtout pendant l’hiver. Se retirer de l’Entente serait non seulement en accord avec les engagements en vertu des droits humains du Canada, mais cela permettrait également aux individus de se présenter de manière ordonnée aux points d’entrée, mettant fin aux entrées irrégulières et aux voyages périlleux.
En juillet 2017, les trois organismes se sont joints à une plaignante individuelle et ses enfants, qui demandent à la Cour fédérale d’invalider l’Entente sur les tiers pays sûrs et de leur permettre de faire une demande d’asile au Canada. En décembre 2017, la Cour fédérale a reconnu aux organismes la qualité pour agir dans l’intérêt public. L’affaire en est au stade préliminaire et l’audience est prévue en janvier 2019.