Il faut enquêter sur les actes humiliants infligés par des responsables locaux pour faire respecter le couvre-feu
Les autorités philippines doivent enquêter sans délai sur les informations selon lesquelles les chefs de barangay (village ou commune) se livrent à des atteintes aux droits humains contre les personnes accusées d’enfreindre le couvre-feu, a déclaré Amnistie internationale Philippines le 8 avril 2020.
Le 7 avril, un capitaine de barangay à Mexico, dans la province de Pampanga, a contraint trois personnes LGBTQI+ à des actes humiliants à titre de sanction pour avoir soi-disant enfreint le couvre-feu. Cette punition a été filmée en vidéo et postée sur les réseaux sociaux par ce capitaine de barangay. Les autres personnes de ce groupe ont été soumises à d’autres formes de traitements dégradants.
Amnistie internationale Philippines demande au gouvernement d’enquêter sur ces violations des droits humains et d’amener les responsables à rendre des comptes.
« Le gouvernement et les organismes compétents doivent enquêter sur ces informations faisant état de mauvais traitements et sanctionner les responsables du barangay et les membres des groupes de volontaires civils qui commettent de tels actes. Les autorités locales ne doivent pas balayer sous le tapis ces pratiques violentes sous prétexte qu’il faut " faire respecter le couvre-feu " et qu’elles ne font qu’" obéir aux ordres " », a déclaré Butch Olano, directeur d’Amnistie internationale Philippines.
Amnistie internationale Philippines a déjà fait part de ses préoccupations concernant plusieurs événements au cours desquels des responsables de barangay ont infligé des traitements et des châtiments cruels, inhumains et dégradants à des personnes qui auraient violé le couvre-feu, au cours des deux premières semaines de mise en quarantaine communautaire renforcée à Luçon. Elle a déclaré que ces actes bafouaient clairement l’interdiction absolue inscrite dans la Loi contre la torture de 2009, ainsi que les obligations internationales incombant au gouvernement philippin au titre de la Convention de l’ONU contre la torture.
« On constate une tendance accrue à des mauvaises conduites de la part des responsables des barangay dans le cadre de la mise en œuvre des protocoles de quarantaine. Des actes d’humiliation et de violence ont été recensés depuis le début de la quarantaine communautaire, par exemple le fait d’enfermer les contrevenants dans des cages pour chiens, de les frapper à coups de bâtons et, tout récemment, d’infliger des humiliations d’ordre sexuel à des membres de la communauté LGBTQI+ », a déclaré Butch Olano.
Lors de précédentes déclarations, Amnistie internationale a mis en garde contre le fait que les restrictions instaurées dans le but de protéger la santé publique contre la pandémie de COVID-19, comme les quarantaines et les confinements, comportent de grandes menaces pour les droits humains. Les restrictions des droits à la liberté personnelle et à la sécurité ne peuvent être imposées que dans des situations limitées, et doivent répondre à des directives claires et strictes dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains.
« Les atteintes aux droits humains, notamment la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont intolérables. Contourner la loi, particulièrement durant la pandémie de COVID-19, ne fera que favoriser la culture de l’impunité déjà bien ancrée dans le pays. La loi doit être dûment appliquée et les représentants de l’État qui l’enfreignent devront rendre des comptes, même en période de confinement », a conclu Butch Olano.
Complément d’information
Dans un article paru en mars 2020, on apprenait que des responsables de barangay de la ville de Santa Cruz, dans la province de Laguna, étaient poursuivis en justice pour avoir enfermé dans une cage pour chiens des personnes ayant violé le couvre-feu. Peu après, un policier a été filmé en train de frapper des habitants de Manille n’ayant pas respecté les protocoles de quarantaine. La Police nationale philippine (PNP) a réagi en ordonnant l’ouverture d’une enquête. Fait le plus récent, un capitaine de barangay a partagé une vidéo dans laquelle il demandait à trois membres de la communauté LGBTQI+ ayant enfreint le couvre-feu de se livrer à des actes obscènes à titre de sanction.
La Loi contre la torture de 2009 dispose que « les droits de l’Homme de toutes les personnes, y compris des suspects, des détenus et des prisonniers, sont respectés en toutes circonstances ; et qu’aucune personne faisant l’objet d’une investigation ou placée sous la garde d’une personne représentant l’autorité ou d’un agent mandataire d’une autorité ne sera soumise à des atteintes physiques, psychologiques ou mentales, à la force, à la violence, à des menaces ou à des intimidations, ou à tout acte qui porte atteinte à son libre arbitre ou de quelque manière que ce soit rabaisse ou dégrade la dignité humaine ».
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