Les manifestations pacifiques contre la Loi modifiée sur la citoyenneté sont réprimées dans la circonscription du Premier ministre Narendra Modi
La répression se poursuit contre les manifestations pacifiques à Varanasi, dans la circonscription de la Lok Sabha (Chambre du peuple) du Premier ministre indien, Narendra Modi. Le gouvernement de l’État de l’Uttar Pradesh continue de recourir à une force excessive afin d’intimider et de harceler ceux qui critiquent la Loi modifiée sur la citoyenneté (CAA) de 2019.
« Alors que le Premier ministre Narendra Modi a déclaré que la critique rend la démocratie plus forte, l’État n’affiche aucun respect envers ceux qui protestent contre cette loi à Varanasi (Bénarès), la circonscription de la Lok Sabha (Chambre du peuple) du Premier ministre. Les autorisations de manifester pacifiquement sont refusées, les manifestants sont arrêtés, la police de l’État use d’une force excessive et les représentants de l’État menacent et intimident ouvertement les manifestants », a déclaré Avinash Kumar, directeur exécutif d’Amnistie internationale Inde.
Après avoir interrogé plus d’une vingtaine d’habitants de différents quartiers de la ville et rassemblé des preuves venant étayer leurs témoignages, Amnistie internationale Inde demande au Premier ministre indien et au gouvernement de l’Uttar Pradesh de mettre fin aux violations flagrantes du droit de réunion pacifique à Varanasi et dans tout l’État.
À Varanasi, des manifestations pacifiques organisées par des étudiants, des militants et des habitants ont débuté le 13 décembre ; une marche de la solidarité a alors été stoppée par le commissaire du poste de police de Jaitpura. Lors d’un entretien avec Amnistie internationale Inde, Abid Sharif, un militant présent lors de cette marche, a déclaré : « Lorsque que nous étions sur le point de démarrer la marche de la solidarité, le commissaire Shashi Bhushan Rai est venu vers nous et nous a demandé pourquoi nous manifestions. Nous lui avons répondu que c’était contre la Loi modifiée sur la citoyenneté et le Registre national des citoyens ; il a commencé à nous menacer en ces termes : « Si vous devez protester, faites-le chez vous. Est-ce que la route appartient à votre père ? Je vais détruire votre famille. La nouvelle loi sera appliquée. »
La police de Varanasi a ordonné une enquête sur ces faits ; toutefois, Shashi Bhushan Rai demeure chargé de l’enquête sur les manifestations qui se sont déroulées à Beniya Bagh, l’un des deux plus grands rassemblements à Varanasi. Le deuxième a eu lieu le 20 décembre à Bajardiha. La réaction de la police face à ces deux manifestations fut brutale, marquée par une force excessive, des arrestations arbitraires et le traitement différencié des rassemblements.
Entre le 11 et le 23 décembre 2019, plus de 70 personnes ont été arrêtées pour avoir manifesté pacifiquement contre la Loi modifiée sur la citoyenneté à Varanasi. Amnistie internationale Inde a appris que la police a inculpé sans discrimination des manifestants pacifiques et des personnes innocentes qui se trouvaient là. Un enfant de huit ans a péri écrasé et on a dénombré plus d’une dizaine de blessés.
D’après les entretiens avec les familles des personnes arrêtées, la police a recouru à la violence lors des arrestations. Muhammad Tufail, dont le neveu Mohammad Naseem a été arrêté par la police au milieu de la nuit à Bajardiha, a déclaré : « La police a fait irruption dans sa chambre et l’a embarqué. Ils ont fracassé la porte qui est tombée sur son père endormi. Lorsque nous avons demandé aux policiers pourquoi ils l’arrêtaient, ils n’ont pas répondu et ont embarqué Naseem. Sur le chemin du poste, les policiers l’ont frappé à coups de lathis (canes). Lorsque nous sommes allés le voir en prison, il nous a dit qu’il avait aussi été torturé au poste. Il souffrait. »
En outre, les personnes arrêtées ont été harcelées et intimidées en détention. S’adressant à Amnistie internationale Inde, Iqbal, commerçant de Varanasi qui a manifesté et a été arrêté, a déclaré : « Les responsables de la prison ont continué de nous maltraiter. Nous avons été incarcérés pendant plus de deux semaines. Ils demandaient sans cesse aux manifestants hindous pourquoi ils soutenaient les musulmans. Un jour, ils nous ont fait nettoyer la prison pendant plus de deux heures. Ils nous ont donné des couvertures très fines, insuffisantes pour nous protéger du froid hivernal mordant. »
La plupart des personnes arrêtées ont été maintenues en détention pendant plus de 15 jours, alors qu’elles avaient versé une caution. Elles n’ont pu consulter un avocat que tardivement, et ce à cause des autorités carcérales. Lors d’un entretien avec Amnistie internationale Inde, Ekta Shekhar, militante contre le changement climatique appréhendée pour avoir manifesté, a déclaré : « Alors que nous manifestions pacifiquement, nous avons été arrêtés. Je voulais demander au magistrat du district de m’accorder une mesure de grâce, car je devais m’occuper de mon enfant de 14 mois. Pendant trois jours, nous n’avons pas été autorisés à contacter nos proches ni nos avocats. Nous étions traités comme des émeutiers et non comme des manifestants pacifiques. »
« Le Premier ministre et le gouvernement de l’Uttar Pradesh doivent comprendre que manifester pacifiquement n’est pas un crime. C’est un droit. Le Premier ministre doit ouvrir la voie et donner l’exemple en montrant que la dissidence pacifique n’est pas muselée dans sa circonscription, Varanasi. Il doit faire en sorte que le gouvernement de l’Uttar Pradesh mène une enquête indépendante sur tous les cas de violences policières, afin que les responsables présumés rendent des comptes », a déclaré Avinash Kumar.
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