Les « architectes » du programme de torture de la CIA doivent témoigner à Guantanamo pour la première fois
Les deux psychologues qui ont conçu et mis en place les « techniques d’interrogatoire approfondi » de la CIA témoigneront lors d’audiences préliminaires dans le cadre de l’affaire du 11 septembre à Guantánamo Bay la semaine prochaine. Des experts d’Amnistie internationale seront présents à titre d’observateurs lors de leur témoignage.
Les psychologues contractuels James E. Mitchell et John « Bruce » Jessen ont mis au point des techniques d’interrogatoire, notamment le « waterboarding » (simulacre de noyade), le confinement dans un espace réduit, les coups et la privation de sommeil, qui s’apparentaient à de la torture. De nombreux détenus ont subi ces violations des droits humains dans des sites secrets autour du globe, y compris en Europe, avec la complicité de plusieurs gouvernements européens. Julia Hall, spécialiste de la question du contre-terrorisme et des droits humains à Amnistie internationale, qui assistera aux audiences, a déclaré :
« Le " travail " pervers de ces psychologues a fait gravement reculer la lutte mondiale contre la torture. Les méthodes d’interrogatoire qu’ils ont élaborées ont eu des répercussions dans le monde entier.
« Au lieu d’être amenées à rendre des comptes, les personnes responsables du programme de torture américain, notamment James Mitchell et John Jessen, ont été protégées, voire promues. Le fait qu’ils témoignent dans le cadre de cette audience à fort retentissement illustre l’incapacité de la CIA à éradiquer les atteintes aux droits humains au cœur de son programme de lutte contre le terrorisme. Une telle impunité ternit l’histoire des États-Unis. La torture n’est jamais justifiée et quiconque l’utilise doit rendre des comptes pour ses agissements. »
Complément d’information
James Mitchell et John Jessen devraient témoigner à partir du 20 janvier lors d’audiences préliminaires contre Khalid Sheikh Mohammed et quatre autres hommes inculpés d’avoir contribué à planifier et à réaliser les attentats du 11 septembre.
Amnistie internationale est l’une des rares ONG à avoir la priorité pour le balcon, où il est possible d’assister à titre d’observateurs aux audiences qui ne sont pas classées secrètes.
Julia Hall fut l’une des premières personnes à se voir accorder l’autorisation par le ministère de la Défense des États-Unis de suivre les procédures des commissions militaires. Elle a assisté au premier procès à Guantánamo en 2008 dans l’affaire concernant Salim Hamdan, le chauffeur d’Oussama ben Laden. Elle est experte en matière de complicité européenne s’agissant des sites secrets de la CIA, notamment ceux qui se trouvent en Pologne, en Roumanie et en Lituanie, et s’est personnellement impliquée dans la réinstallation de trois anciens détenus (en Irlande et en Suède).
Zeke Johnson représente l’organisation devant le Comité des Nations unies contre la torture et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH). Il a témoigné devant les membres du Congrès au sujet des frappes de drones américaines et a assisté à titre d’observateur aux procès devant les commissions militaires à Guantánamo Bay.
Depuis longtemps, Amnistie internationale recommande que les représentants du gouvernement impliqués dans des actes de torture et des mauvais traitements infligés à des détenus dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » menée dans le monde entier par les États-Unis rendent des comptes pour leurs agissements et que les détenus à Guantánamo soient libérés ou jugés rapidement par un tribunal fédéral américain.
Elle a demandé à plusieurs reprises au gouvernement américain de fermer le centre de détention et de mettre fin à des années de violations des droits humains.
Elle attire l’attention sur le fait que le programme de torture et de mauvais traitements du gouvernement, ainsi que les retards répétés s’agissant de juger équitablement les auteurs présumés des attentats du 11 septembre, contribuent directement à l’absence de véritable justice et de recours pour les victimes du 11 septembre et leurs familles.
Savoir si les déclarations émaillées de torture doivent être exclues des éléments de preuve lors des procès consacrés aux attentats du 11 septembre est la question centrale des audiences à Guantánamo Bay en ce mois de janvier. Les cinq coaccusés pourraient être condamnés à mort s’ils sont déclarés coupables par les commissions militaires, dont la procédure ne respecte pas les normes internationales d’équité. Le recours à ce châtiment dans ces affaires constituerait la privation ultime des droits fondamentaux de la personne humaine.
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