La course à l’expansion des activités d’exploitation du lithium ne doit pas se faire aux dépens des droits humains
Les autorités argentines ne doivent pas laisser l’industrie du lithium, en essors dans le pays, menacer les droits des communautés locales, a déclaré Amnistie internationale le 18 mars 2020 dans le nouveau rapport intitulé Le lithium en Argentine.
Le rapport appelle les autorités des provinces de Jujuy et de Salta à ne pas autoriser les activités d’extraction du lithium dans les merveilles naturelles de Salinas Grandes et de la Lagune de Guayatayoc tant que les études de base nécessaires n’ont pas été menées pour veiller à ce que ces activités ne mettent pas l’environnement et les communautés locales en danger.
« Il est essentiel que la protection des droits humains soit placée au centre de toutes les discussions sur l’expansion des activités d’exploitation du lithium en Argentine », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnistie internationale.
L’exploitation du lithium nécessite l’extraction de grandes quantités d’eau de saumure se trouvant sous les déserts de sel, ce qui risque d’avoir une incidence négative sur l’écosystème fragile et délicat des réserves d’eau de ces zones extrêmement arides du nord-ouest du pays. De nombreuses communautés locales, principalement autochtones, vivant près de ces déserts de sel dépendent de leur environnement naturel en ce qui concerne leurs moyens de subsistance, leurs ressources en nourriture et leur culture.
Ces avertissements et inquiétudes sont particulièrement pertinents dans la mesure où, dans son récent discours à l’occasion de l’ouverture des sessions parlementaires du Congrès, le président Alberto Fernandez a qualifié les activités d’exploitation de minerais métalliques et d’autres types d’exploitation minière comme celle du lithium de « grandes opportunités pour augmenter les exportations de l’Argentine. »
« Les communautés autochtones comme celles de Salinas Grandes et de la Lagune de Guayatayoc sont, depuis des générations, les gardiennes de certaines des plus belles merveilles naturelles d’Argentine. Maintenant que leurs territoires traditionnels sont évalués en vue d’activités d’extraction de lithium, les autorités doivent tenir compte, à toutes les étapes du processus de prise de décision, des connaissances et des inquiétudes des membres de ces communautés quant à la protection des ressources naturelles. Ces personnes sont celles qui comprennent le mieux ce fragile écosystème », a déclaré Mariela Belski, directrice exécutive d’Amnistie internationale Argentine.
Lithium et environnement
D’après les prévisions des analystes du secteur, la demande globale de lithium devrait tripler d’ici à 2025, portée par la production grandissante de batteries lithium-ion utilisées pour les véhicules électriques et les appareils électroniques. En 2019, préoccupée par les manquements dans le secteur, Amnistie internationale avait mis les dirigeants de l’industrie du véhicule électrique au défi de produire, dans les cinq années à venir, la première batterie totalement éthique, n’entraînant aucune atteinte aux droits humains et dégradation de l’environnement sur l’ensemble du cycle de vie de cette batterie.
« Il est essentiel de passer à un transport écologique si nous souhaitons véritablement lutter contre la crise climatique. Mais cette transition doit être juste et écologique. L’industrie du véhicule électrique a encore beaucoup de progrès à faire pour veiller à ce que les batteries alimentant ses véhicules ne laissent pas dans leur sillage des atteintes aux droits humains et des dégradations de l’environnement », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
« Dans le monde entier, des populations autochtones subissent de plein fouet les conséquences de la crise climatique, bien qu’elles en portent le moins la responsabilité. Nous ne pouvons pas laisser la transition vers une énergie verte entraîner de nouvelles atteintes à leurs droits humains. Les solutions énergétiques du futur ne doivent pas être fondées sur les injustices du passé. »
Le « triangle du lithium » d’Amérique du Sud, qui s’étend sur les territoires chilien, bolivien et argentin, sera une épreuve de vérité en ce qui concerne la capacité du secteur à se montrer à la hauteur de cette vision, étant donné que cette région renferme environ 70 % des réserves mondiales de lithium. L’Argentine se dirige vers une augmentation rapide de sa capacité de production de lithium : seules deux mines sont actuellement en phase de production, mais plus de 50 projets sont en phase d’exploration. D’après les données officielles, l’Argentine pourrait multiplier par cinq sa production de lithium d’ici 2022 grâce à ces investissements.
Nombre des communautés autochtones de Salinas Grandes et de la Lagune de Guayatayoc, où de nombreuses concessions d’exploration du lithium ont été accordées récemment, ont fait part à Amnistie internationale de leurs inquiétudes quant aux possibles conséquences de ces projets sur leurs moyens de subsistance, leur culture, leurs réserves d’eau et l’environnement. Elles ont également critiqué le gouvernement et les entreprises, qui n’ont pas obtenu leur consentement préalable et ne leur ont pas fourni suffisamment d’informations.
« Nous craignons que les considérations relatives aux droits humains soient sacrifiées au profit d’une augmentation aussi rapide que possible de la production de lithium de l’Argentine », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
« Les autorités argentines ne doivent pas approuver aveuglément les projets d’exploitation du lithium sans avoir mené les études nécessaires pour déterminer quelles conséquences ces projets pourraient avoir sur l’environnement, les ressources d’eau et les droits des communautés locales. Il serait dangereux et irresponsable d’emprunter cette voie. »
Le rapport intitulé Le lithium en Argentine décrit plus en détail la vision d’Amnistie internationale pour la création d’une batterie éthique, en présentant les normes précises que le gouvernement argentin et les entreprises doivent respecter pour veiller à ce que les activités d’exploitation du lithium ne bafouent pas les droits humains des communautés de Salinas Grandes et n’endommagent pas ce lieu qui a récemment été nommé parmi les sept merveilles naturelles de l’Argentine, dans un sondage réalisé auprès de plus d’un million de personnes par l’organisation New7Wonders Foundation.
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