Une résolution de l’APCE met en avant la nécessité de protéger les prisonniers en transit
Une résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) doit être suivie de mesures concrètes afin de garantir que les droits fondamentaux des prisonniers et prisonnières soient respectés lorsqu’ils se trouvent en transit, a déclaré Amnistie internationale vendredi 1er mars. L’organisation avait précédemment recueilli des informations sur les conditions épouvantables dans lesquelles les prisonniers sont transférés en Russie, et demandé aux autorités russes de mettre immédiatement en œuvre les recommandations de l’APCE.
« Les transferts de prisonniers sont souvent délibérément dissimulés au public, ce qui signifie que les personnes concernées sont soumises à de graves violations loin des regards. En Russie, où les prisonniers sont souvent envoyés dans des régions isolées pour y purger leur peine, les gens passent des semaines voire des mois dans des espaces exigus à bord de trains dépourvus de fenêtres, sans accès au monde extérieur. Tandis que leurs proches se demandent où elles sont, ces personnes connaissent l’indignité de ne pas pouvoir se rendre aux toilettes quand elles le souhaitent, d’avoir de l’eau potable en quantité limitée et d’être bloquées dans des wagons surpeuplés », a déclaré Heather McGill, chercheuse au sein du bureau régional d’Amnistie internationale pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale.
« La résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe représente une évolution bienvenue, qui met en lumière le besoin de protection des prisonniers contre ce genre d’abus, en Russie comme ailleurs. Nous demandons aux États d’appliquer ces recommandations et de veiller à ce que les droits des prisonniers soient respectés à chaque étape de leur incarcération. »
L’APCE recommande que les États révisent les Règles pénitentiaires européennes afin d’y inclure des garanties spécifiques liées au transport. En particulier, elle préconise que les États adoptent des garanties essentielles contre la torture, notamment en assurant que les informations relatives aux mouvements des prisonniers soient mises à la disposition de leurs avocats, et que leur santé soit préservée durant les transferts. Ils doivent veiller à ce que : les prisonniers ne soient pas transportés dans des espaces surpeuplés ; les transferts soient limités dans le temps et les itinéraires les plus courts possibles ; et les communications avec le monde extérieur uniquement restreintes dans des conditions exceptionnelles. Par ailleurs, la résolution exhorte les États à autoriser les prisonniers à informer immédiatement leur famille de leur transfert vers une autre institution.
Dans un rapport de 2017 intitulé Prisoner Transportation in Russia: Travelling into the Unknown, Amnistie internationale a fait état de graves atteintes aux droits humains lors de transferts de prisonniers en Russie. Le cas de Victor Filinkov et Iouli Boïarchinov, deux jeunes militants arrêtés pour des charges liées au terrorisme, que l’on aurait torturés afin de leur arracher des « aveux », est un exemple récent de ce problème persistant. Arrêtés à Saint-Pétersbourg en janvier et avril 2018 respectivement, Victor Filinkov et Iouli Boïarchinov ont été transportés le 20 juillet vers un lieu inconnu. Nul n’a su où ils se trouvaient pendant plus de deux mois, avant qu’il ne soit révélé qu’ils avaient été transportés de Saint-Pétersbourg à Penza – en suivant un itinéraire indirect d’une distance bien supérieure aux 1 200 kilomètres séparant les deux villes.
« Nous demandons aux autorités russes de faire en sorte que les prisonniers purgent leur peine dans la même région que leur domicile, conformément au droit russe. Elles devraient aussi raccourcir le plus possible la durée des trajets afin qu’elle ne dépasse pas quelques jours au maximum, et améliorer les conditions dans les trains », a déclaré Heather McGill.
« Il est par ailleurs essentiel que les familles ou les avocat·e·s soient informés des projets concernant le transfert d’un prisonnier, et de la destination prévue, avant ledit transfert. Le transport de prisonniers est un sujet tenu secret depuis trop longtemps. »
Complément d’information
Les centres de détention de Russie, hérités en partie de l’époque du Goulag, sont situés dans des régions très peu peuplées, comme le Grand Nord ou l’Extrême-Orient du pays, et il existe depuis longtemps une pratique consistant à envoyer des prisonniers purger leur peine dans ces zones isolées. Les femmes et les mineur·e·s en particulier sont incarcérés très loin de leur domicile, en raison du petit nombre de centres de détention dédiés. Durant leur transfert, les prisonniers ne sont pas autorisés à communiquer avec leurs proches ou avocat·e·s pendant des semaines, voire des mois, ce qui peut s’apparenter à une disparition forcée, et subissent des conditions de détention épouvantables, contraires à l’interdiction de la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Le fait que des prisonniers purgent leur peine à des milliers de kilomètres de chez eux porte par ailleurs atteinte à leurs droits à une vie privée et à une vie de famille.