• 9 jan 2019
  • République démocratique du Congo
  • Communiqué de presse

Une crise des droits humains se profile à l’approche de la proclamation des résultats électoraux

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) se prépare à l’annonce des résultats tant attendus des élections nationales, Amnistie internationale signale qu’une crise des droits humains se profile, qui pourrait contraindre de très nombreuses personnes à fuir si les manifestations tournaient à la violence. Plus de 20 000 personnes ont déjà quitté le pays depuis la mi-décembre 2018.

« À cause des multiples reports des élections et de l’attente prolongée des résultats, l’atmosphère est tendue en RDC. Les autorités semblent se préparer à accroître la répression des manifestations ; l’armée est fortement présente dans une grande partie du pays et de nombreux médias ont déjà été fermés et muselés, a déclaré Joan Nyanyuki, directrice du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnistie internationale.

« Depuis quelques jours, dans tout le pays, la police menace la population et lui déconseille de participer à des manifestations après l’annonce des résultats, ce qui fait craindre que les manifestations contre les résultats soient violemment réprimées. La population congolaise est sur la corde raide. »

Des militaires dans la rue

La forte présence militaire dans une grande partie de la RDC contribue au climat de tension.

L’armée, la police et des agents en civil des services de renseignement ont établi des postes de contrôle autour de Lubumbashi et de Kisangani. Selon la municipalité de Lubumbashi, leur objectif est de « prévenir » les troubles.

Dans la province de l’Ituri et à Goma (province du Nord-Kivu), la police a explicitement déconseillé à la population de participer à des manifestations après la proclamation des résultats. Le chef de la police de l’Ituri, Henri Kapend, a déclaré officiellement que la police avait identifié les domiciles des « fauteurs de troubles » et se posterait à leur porte pour les empêcher de participer à des manifestations.

Une déclaration du maire de Kananga (province du Kasaï-Central) interdisant les rassemblements de trois personnes ou plus et menaçant les « contrevenants » d’une sanction sévère a été diffusée par la radio et la télévision nationales.

Rumeurs et arrestations

Des rumeurs concernant les résultats des élections ont déjà déclenché des manifestations et semé la peur. Le 8 janvier, une rumeur selon laquelle la proclamation des résultats était imminente a provoqué la quasi-fermeture des entreprises dans les grandes villes, notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Kananga ; les gens sont rentrés chez eux par crainte d’éventuelles violences.

« Nous avons peur de ce qui va se passer à l’annonce des résultats électoraux. Partout, il y a des militaires lourdement armés, comme s’ils étaient prêts à partir en guerre. Mais contre qui ? » a indiqué Sylvie (le prénom a été changé), une étudiante de Lubumbashi, à Amnistie internationale.

Le 5 janvier, à Goma, des agents des forces de sécurité ont arrêté jusqu’à 60 personnes qui étaient descendues dans la rue pour fêter la présumée victoire d’un candidat de l’opposition dont la rumeur avait commencé à se répandre. Le même jour, les locaux de la Radio Télévision Debout Kasaï (RTDK) à Mbujimayi ont été attaqués par des militaires et du matériel indispensable a été détruit. La raison en est que des sympathisants de l’opposition s’étaient rassemblés à proximité du bâtiment pour célébrer ce qu’ils croyaient être la victoire de leur candidat.

À Beni, 43 personnes, dont des enfants, ont été arrêtées entre le 27 décembre 2018 et le 5 janvier 2019 ; certaines avaient participé à des manifestations pacifiques. Le procureur militaire de Beni a indiqué à Amnistie internationale que 15 de ces personnes allaient être inculpées de « participation à un mouvement insurrectionnel ».

La répression de l’État contre les médias pendant la période électorale n’a fait qu’ajouter à l’incertitude générale. Internet et les services de SMS ont été bloqués le 31 décembre et trois journalistes ont été arrêtés entre le 4 et le 6 janvier pour avoir diffusé des émissions consacrées aux élections.

« Les autorités congolaises ont tenté à maintes reprises de faire taire la population mais ce n’est pas en réprimant les droits humains qu’elles restaureront la paix et la stabilité, a déclaré Joan Nyanyuki.

« Les Congolais et les Congolaises ont le droit d’exprimer librement leurs opinions. La violence, les arrestations arbitraires et la censure peuvent les réduire au silence pendant un certain temps mais, à long terme, cette approche brutale ne fera qu’attiser les tensions et causer encore davantage de souffrances en RDC. »

Complément d’information

Avec deux années de retard, des élections se sont enfin tenues en RDC le 30 décembre 2018. Cependant, le scrutin présidentiel a été annulé à Beni, Butembo et Yumbi et les élections législatives et provinciales ont été reportées à mars 2019 en raison d’affrontements intercommunautaires et d’une épidémie d’Ebola.

Les trois principaux candidats à l’élection présidentielle se sont déclarés vainqueurs. Des pressions locales, régionales et internationales grandissantes incitent la commission électorale à publier des résultats qui soient « en accord avec les votes ».

Plus de 20 000 personnes ont fui la RDC depuis la mi-décembre 2018. Plus de 16 000 se sont réfugiées au Congo-Brazzaville à cause des massacres perpétrés à Yumbi et 4 000 sont parties pour l’Ouganda, craignant des violences postélectorales.