Amnistie Internationale diffuse une « Action urgente » pour dire que toutes les personnes habitant à Lahore sont en danger
Initiative sans précédent, Amnistie Internationale a diffusé une Action urgente en faveur de toutes les personnes habitant à Lahore en vue de mobiliser ses sympathisant·e·s dans le monde entier pour faire campagne au nom de toute la population face au brouillard de pollution dangereux qui enveloppe la deuxième ville du Pakistan.
L’« Action urgente » expose les risques pour la santé que la mauvaise qualité de l’air fait courir à toutes les personnes qui vivent dans cette ville de plus de 10 millions d’habitants.
« La réaction inadéquate du gouvernement pakistanais face au brouillard à Lahore suscite de vives préoccupations en matière de respect des droits humains. La pollution atmosphérique met en péril le droit à la santé de chacun et de chacune », a déclaré Rimmel Mohydin, chargée de campagne pour l’Asie du Sud à Amnistie Internationale.
« La situation est si grave que nous invitons nos membres dans le monde entier à écrire aux autorités pakistanaises pour leur demander de cesser de minimiser la crise, et d’agir de toute urgence pour protéger la santé et la vie de toutes les personnes qui vivent à Lahore. »
Ce mois-ci, un jour sur deux, la qualité de l’air a été classée « dangereuse » par les moniteurs de qualité de l’air installés par le consulat des États-Unis à Lahore et l’Initiative pour la qualité de l’air au Pakistan.
Le gouvernement a fermé les écoles pendant au moins trois jours ce mois-ci.
Les Actions urgentes sont un outil de campagne qu’Amnistie Internationale utilise depuis des décennies pour mobiliser un soutien international en faveur de victimes de violations des droits humains et de prisonniers ou prisonnières d’opinion. Parmi les personnes ainsi défendues figurent Anwar Ibrahim, ancien vice-Premier ministre de la Malaisie ; Vaclav Havel feu le président de la Tchécoslovaquie puis de la Tchéquie ; les membres du groupe punk féministe des Pussy Riot ; des prisonniers de Guantánamo Bay et Asia Bibi, Pakistanaise chrétienne accusée à tort de blasphème et condamnée à mort.
Pas une seule journée d’air sain cette année
La qualité de l’air à Lahore s’est dégradée en novembre de cette année pour atteindre des niveaux « dangereux ». Les systèmes de mesure de qualité de l’air recommandent alors aux habitants et aux habitantes d’éviter toute activité physique en plein air.
La qualité de l’air devient mauvaise lorsque l’indice de qualité de l’air (AQI) atteint 100. À 300 et au-delà, l’air est considéré comme « dangereux ».
Le 7 novembre à 23 h à Lahore, l’indice de qualité de l’air s’élevait à 580. Depuis le début du mois, des niveaux dangereux ont été enregistrés pendant au moins sept jours.
Des informations ont montré que l’exposition prolongée ou intense à la pollution atmosphérique peut causer de graves problèmes de santé, notamment de l’asthme, des affections pulmonaires, des bronchites et des problèmes cardiaques, et réduire l’espérance de vie – ce qui met en péril les droits des citoyens et citoyennes à la vie et à la santé.
Durant la « saison du smog », d’octobre à février, le carburant de piètre qualité, les émissions incontrôlées et les feux de moissons aggravent la qualité de l’air, déjà mauvaise, au Pendjab.
Lahore n’a pas connu une seule journée d’air sain cette année, selon l’Initiative pour la qualité de l’air au Pakistan, une initiative lancée par des citoyens et des citoyennes qui font appel à la méthode participative pour collecter les données sur la qualité de l’air.
Selon les conclusions publiées en 2015 par la revue médicale britannique The Lancet, plus de 310 000 personnes meurent chaque année au Pakistan en raison de la mauvaise qualité de l’air.
Des adolescentes ont engagé des poursuites contre le gouvernement pour violation des droits à la vie et à la santé.
Le 4 novembre, trois adolescentes – Laiba Siddiqi, Leila Alam et Mishael Hayat – ont porté plainte contre le gouvernement du Pendjab pour « violation de leur droit fondamental à un environnement propre et sain ».
Dans cette requête, les trois étudiantes affirment que le gouvernement minimise l’ampleur de la crise car ses normes de mesure diffèrent des normes utilisées dans les autres pays et reconnues au niveau international. Ainsi, ajoute la requête, un indice de qualité de l’air de 185 à la station météorologique départementale de Lahore est classé comme « satisfaisant » sur le site du Département de la protection de l’environnement, alors qu’il est considéré comme « modérément pollué » en Chine et en Inde, et « mauvais » à Singapour, en Corée du Sud et aux États-Unis.
« Aujourd’hui, les gens n’ont pas conscience des dangers qu’ils courent à cause de l’air qu’ils respirent. Si une expertise existe, si les conséquences sont dramatiques, si les preuves des préjudices s’accumulent, alors le gouvernement ne doit pas perdre une minute. Un bon point de départ serait de reconnaître les risques liés à la qualité de l’air et de lancer le protocole de protection contre le smog, comme l’a recommandé la Commission du smog nommée par le tribunal », a déclaré Rimmel Mohydin.
Complément d’information
La santé est un droit humain indispensable à l’exercice des autres droits fondamentaux et reconnu dans de nombreux traités internationaux que le Pakistan a ratifiés, notamment l’article 12.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), les articles 11.1-f et 12 de la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et l’article 24 de la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant. Le fait de s’abstenir de respecter, de protéger et de réaliser pleinement le droit à la santé constituerait une violation des droits humains.
Dans son rapport de mars 2019, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement précise les composantes du « droit de respirer de l’air pur », qui englobent la surveillance de la qualité de l’air et de ses conséquences sur la santé humaine, et la mise à disposition du public des informations relatives à la qualité de l’air.
À travers l’Asie du Sud, des villes présentent constamment des niveaux de qualité de l’air « mauvais » ou « dangereux ». Delhi est enveloppée dans un smog qui dépasse constamment 999 – le niveau le plus élevé qui puisse être mesuré par les moniteurs de qualité de l’air. Au Pakistan, Karachi, Peshawar et d’autres villes du Pendjab montrent également des signes de dégradation de la qualité de l’air.
Les travailleurs à faibles revenus, tels que les travailleurs manuels, les ouvriers du bâtiment et les ouvriers agricoles, et les catégories de population marginalisées sont particulièrement touchés, car la nature de leur activité les oblige à respirer un air pollué toute la journée. De plus, les soins médicaux n’étant pas abordables financièrement pour l’ensemble de la population, seules les personnes qui peuvent se le permettre seront en mesure d’avoir accès à des soins et à d’autres mesures préventives permettant d’atténuer les effets de l’exposition à la pollution atmosphérique.