• 14 mai 2019
  • Ouzbékistan
  • Communiqué de presse

Les autorités doivent cesser de harceler les défenseurs des droits humains Agzam Tourgounov et Dilmourod Saïdov

Les autorités ouzbèkes doivent cesser de harceler et d’intimider les défenseurs des droits humains Agzam Tourgounov et Dilmourod Saïdov et leur permettre de poursuivre librement leur travail en faveur des droits humains, ont déclaré Amnistie internationale, l’Association pour les droits de l'homme en Asie centrale (AHRCA), Civil Rights Defenders (CRD), le Partenariat international pour les droits de l'homme (IPHR), le Comité Helsinki de Norvège et la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme en Pologne.

Le gouvernement ouzbek a pris l’engagement de cesser de surveiller les militants pacifiques, mais il poursuit sa politique de surveillance et de harcèlement, plusieurs mois après que la communauté internationale de défense des droits humains a attiré son attention sur cette question et lui a demandé de garantir les droits de tous les défenseurs, ont déclaré les organisations.

Agzam Tourgounov et Dilmourod Saïdov sont constamment surveillés par des agents des services de sécurité et soumis à des actes de harcèlement, d’intimidation et à des menaces, notamment des menaces de mort à peine déguisées. Agzam Tourgounov est poursuivi pour des infractions administratives douteuses, ce qui ressemble fort à des mesures de représailles pour son travail en faveur des droits humains. Par ailleurs, les autorités refusent d’enregistrer son organisation de défense des droits humains. Le 28 février 2019, Agzam Tourgounov, Dilmourod Saïdov et l’ancien prisonnier d’opinion Azam Farmonov ont en effet déposé une demande concernant l’organisation Restoration of Justice. Cette demande a été rejetée le 29 mars pour des raisons formelles liées aux règles de la procédure d’enregistrement qui sont délibérément opaques.

« Il semble que les mesures d’intimidation et de harcèlement ciblant Agzam Tourgounov sont orchestrées dans le but de garder sous contrôle un défenseur des droits indépendant et actif. Elles contredisent les intentions exprimées par Tachkent, à savoir entreprendre une réforme des droits humains et de la justice dans le pays. Nous craignons que les autorités ne cherchent à remettre Agzam Tourgounov et d’autres défenseurs des droits humains et militants derrière les barreaux, a déclaré Brigitte Dufour, du Partenariat international pour les droits de l'homme. Nous demandons au président Chavkat Mirziyoyev de garantir la sécurité, l’indépendance et la liberté opérationnelle de tous les défenseurs des droits humains et militants. »

Surveillance et menaces

Agzam Tourgounov et Dilmourod Saïdov sont placés sous surveillance depuis l’automne dernier : lors d’une visite à Tachkent en octobre, les membres du Partenariat international pour les droits de l'homme ont vu des individus en civil surveiller le domicile d’Agzam Tourgounov – et cette surveillance perdure. Le 25 mars, l’un des agents des services de sécurité surveillant son domicile l’a menacé, laissant entendre qu’il pourrait bien être renversé par une voiture. L’an dernier, Dilmourod Saïdov a été menacé de traitements psychiatriques forcés s’il ne mettait pas un terme à son travail en faveur des droits humains. Les deux hommes se sont vus interdire de quitter leur domicile pendant de longues périodes, durant la journée, par des responsables de l’application des lois. En outre, Dilmourod Saïdov est la cible de rumeurs selon lesquelles il est atteint de tuberculose infectieuse, alors qu’il ne présente pas une forme ouverte de tuberculose et suit un traitement.

« Nous prenons très au sérieux la persécution de nos partenaires locaux, a déclaré Marius Fossum, représentant régional du Comité Helsinki de Norvège en Asie centrale. Les activités de défenseurs des droits comme Agzam Tourgounov et Dilmourod Saïdov sont essentielles pour le processus de réforme en cours. Nous demandons à Tachkent de les considérer, ainsi que tous les défenseurs et militants des droits humains, non comme une menace mais comme des partenaires pour la promotion et la protection des droits fondamentaux dans le pays. »

Harcèlement et intimidation

Les mesures de harcèlement judiciaire visant Agzam Tourgounov remontent au mois d’août 2018. Le 30 août, il a été déclaré coupable par un tribunal administratif de n’avoir pas obéi aux ordres de responsables de l’application des lois, après avoir filmé des manifestants pacifiques devant la Cour suprême. Selon Agzam Tourgounov, il a simplement demandé à un homme en civil, qu’il pensait être un policier habillé en civil, de lui montrer sa plaque. Le tribunal lui a ordonné de s’acquitter d’une amende de 184 300 soms ouzbeks (environ 20 euros). Agzam Tourgounov a fait appel de cette décision et l’audience en appel qui a eu lieu le 30 novembre a enfreint les normes internationales d’équité des procès. Il a été invité dans le bureau du juge sans être informé à l’avance qu’il s’agissait d’une audience. Le juge Hassanov aurait insulté Agzam Tourgounov et le témoin, et a ordonné leur détention. Ils ont été relâchés plus tard dans la soirée grâce à une intervention internationale. Ils ont tous deux porté plainte pour dénoncer le comportement du juge auprès du Comité d’attestation.

Le 30 mars 2019, Agzam Tourgounov a reçu une citation à comparaître l’informant de son inculpation au titre des articles 41, 180 et 194 du Code administratif, respectivement de diffamation, outrage à l’autorité de la justice et non-respect des ordres d’un responsable de l’application des lois. Agzam Tourgounov a déclaré à l’Association pour les droits de l'homme en Asie centrale que son inculpation pour diffamation et outrage à l’autorité de la justice fait suite à l’audience du 30 novembre, concernant son appel contre la précédente décision administrative.

Le 15 avril 2019, le Comité Helsinki de Norvège a assisté à l’ouverture de l’audience d’appel devant le tribunal administratif. Le 18 avril, celui-ci a statué que la plainte visant le juge Hassanov devait être examinée par le tribunal régional et qu’il attendrait ses conclusions avant de poursuivre l’examen de l’appel interjeté par Agzam Tourgounov contre la sentence initiale du 30 août 2018. La date de la nouvelle audience a été fixée au 14 mai.

Agzam Tourgounov risque d’être inculpé pénalement, car en Ouzbékistan, si trois condamnations administratives sont prononcées successivement, il est alors possible d’ouvrir une enquête criminelle.

Les autorités ouzbèkes ont semble-t-il intenté deux affaires administratives contre Agzam Tourgounov en raison de son obstination à faire enregistrer l’organisation de défense des droits humains Restoration of Justice.

« Les autorités ouzbèkes ont récemment célébré en grande pompe le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et pourtant, toute une série de problèmes relatifs aux droits humains faciles à résoudre continuent de freiner le véritable changement, a déclaré Nadejda Ataïeva, présidente de l’Association pour les droits de l'homme en Asie centrale. Si elles sont déterminées au sujet des droits humains, elles doivent mettre fin aux mesures de harcèlement et d’intimidation visant les défenseurs de ces droits et les militants pacifiques, respecter les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, notamment en autorisant l’enregistrement des organisations de défense des droits humains. »

Les mesures persistantes de harcèlement et d’intimidation visant les défenseurs des droits humains et les militants compromettent les tentatives de réforme de Tachkent et entravent le processus visant à mettre en œuvre de réels changements dans le pays. Au lieu de se livrer à des actes de harcèlement, les autorités ouzbèkes devraient respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, notamment en favorisant un environnement propice au travail des défenseurs et en autorisant les organisations de défense des droits à s’enregistrer.

Pour en savoir plus, cliquez ici